Le Pont de la rivière Kwaï

De Cinéann.

Le Pont de la rivière Kwaï (The Bridge on the River Kwai) film réalisé par David Lean et sorti en 1957 et adapté du roman de Pierre Boulle.

Analyse critique

Le colonel Saïto commande un camp japonais de prisonniers de guerre en Thaïlande durant la Seconde Guerre mondiale. Il reçoit dans ce camp perdu au milieu de la jungle un nouveau groupe de prisonniers britanniques, commandés par le colonel Nicholson. Il doit aussi faire construire un pont sur la rivière Kwaï, avec une échéance impérative : un train d'importance stratégique doit y passer. Le colonel Saïto décide donc de mettre à l'ouvrage ses prisonniers et exige du colonel Nicholson que même les officiers se mettent au travail. Le colonel Nicholson refuse ce dernier point, non conforme aux accords sur les prisonniers de guerre. Saïto brime alors sévèrement Nicholson et met à l'épreuve sa résistance physique, espérant ainsi le forcer à céder. Nicholson ne cède pas, par principe. Tenant tête à ses geôliers, Nicholson inspire une grande admiration de la part de ses hommes.

Mais il voit aussi l'effet qu'ont la détention et ce travail forcé et volontairement mal fait par sabotage sur les militaires dont il est responsable. Il parvient donc à un accord avec Saïto : le pont, mal conçu, sera construit sous son commandement et suivant ses plans. Il met au travail ses officiers, et constatant que le temps qui manque, convainc les malades et blessés de participer, allant ainsi au-delà de la demande de Saïto. L'ouvrage productif et le but commun à atteindre par les Britanniques ont un effet très positif sur le moral des troupes. Nicholson a trouvé un moyen de remettre de l'ordre chez ses subordonnés et de leur donner un sentiment positif de fierté pour le travail accompli, alors qu'ils sont vaincus et prisonniers.

En parallèle, un détenu est parvenu à s'enfuir et fait part aux alliés de la construction de ce pont. Un commando arrive sur place la nuit précédent le passage du train et met en place les explosifs sur le pont achevé la veille. Le colonel Nicholson découvre le dispositif de destruction. Il ne peut laisser faire le commando, car il perd tout à fait de vue qu'au-delà de maintenir la cohésion de son groupe, la construction sert l'ennemi dans une guerre qui dépasse les enjeux locaux. Il prévient donc le colonel Saïto. Le colonel Nicholson est mortellement blessé dans la fusillade, mais retrouve sa lucidité dans ses derniers instants, et dans son dernier souffle déclenche lui-même l'explosion involontairement en tombant sur la boite de commande au moment où le train franchit le cours d'eau.

Pour la réalité historique, il est vrai que des milliers de prisonniers sont morts tout en construisant le chemin de fer en Birmanie. Mais la plupart des évènements du livre de Pierre Boule et du film sont imaginaires. Ce film tourne, pour l’essentiel, autour de la lutte entre deux volontés, celle du Colonel Saito et celle du Colonel Nicholson dans une situation qualifiée de “folie” par le médecin Clipton qui a le mot de la fin. Après l’opposition totale au Colonel Saito, le Colonel Nicholson est arrivé à une collaboration complète, jusqu’à empêcher la destruction du pont qu’il a construit pour la gloire de l’Empire Britannique. C’est un brillant réquisitoire contre l’absurdité de la guerre et la notion d'"honneur" mal comprise.

Considéré comme l'un des meilleurs films de guerre de tous les temps, "Le pont de la rivière Kwaï" ne traite cependant pas de la guerre en tant que telle, mais de la vie des soldats lorsqu'ils se trouvent capturés. Très loin de l'héroïsme de "La grande évasion", David Lean traite ici de la plus belle des manières la résistance de l'âme humaine face à la barbarie qu'imposent les vainqueurs pour assouvir leur soif de pouvoir sur les vaincus, les prisonniers de guerre.

Cette dialectique vaiqueurs/prisonniers est également renforcée pas le choc des cultures, deux sociétés qui ne se comprennent pas. D'un côté, le colonel Saïto, commandant du camp, représente la culture japonaise et son sens très aigu de l'honneur, de la dévotion et de l'obéissance. De l'autre, le colonel Nicholson avec son légendaire flegme anglais, refusant de subir l’humiliation de la défaite, entretient avec ses hommes leur dignité dans les valeurs de l’ordre et de l’efficacité. Pour les prisonniers, construire le pont n'est pas obéir aux barbares japonais, mais un moyen d'élever leur sens moral et d'avoir une discipline propre à eux et ainsi se sentir libre malgré leurs chaines et les humiliations nippones.

Le jeu des acteurs, la beauté des paysages, le suspense psychologique lié à l'opposition entre Nicholson et Saito, tout concourre à faire de ce film un superbe spectacle à l'opposé des clichés du film de guerre. Avec du recul, ce film peut même être considéré comme antimilitariste. En témoigne le fait que deux des scénaristes (Carl Foreman et Michael Wilson) faisaient partie de la liste noire d'Hollywood, soupçonnés de sympathies communistes antipatriotiques. Leur scénario fut récompensé par un oscar, mais il fut alors attribué au seul Pierre Boulle, l'auteur du roman. Il fallut attendre 1984 pour que cette injustice soit réparée.


Distribution

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  • Alec Guinness : Colonel Nicholson
  • William Holden : Shears
  • Jack Hawkins : major Warden
  • Sessue Hayakawa : colonel Saïto
  • James Donald : docteur Clipton
  • Geoffrey Horne : lieutenant Joyce

Fiche technique

  • Titre original : The Bridge on the River Kwai
  • Réalisation : David Lean
  • Scénario : Carl Foreman, Michael Wilson (non crédités), Pierre Boulle, d'après son roman homonyme, publié en 1952.
  • Musique originale : Malcolm Arnold
  • Production : Sam Spiegel (Columbia Pictures)
  • Directeur de la photographie : Jack Hildyard
  • Pays : Royaume-Uni et États-Unis
  • Durée : 161 minutes (2 h 41)
  • Dates de sortie : 2 octobre 1957 (GB) 25 décembre 1957 (France)

Récompenses: 6 Oscars dont Oscar du meilleur film

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