Le Pornographe (Introduction à l'anthropologie)

De Cinéann.

Le Pornographe (sous-titré Introduction à l'anthropologie) film japonais réalisé par Shôhei Imamura, sorti en 1966 et tiré du roman Les Pornographes d'Akiyuki Nosaka.

Son nom original japonais est Erogotoshitachi yori Jinruigaku nyumon (エロ事師たちより 人類学入門), ce qui signifie Une introduction à l'anthropologie au travers des pornographes.

Analyse critique

Au milieu des faubourgs d'Ôsaka, dans le Japon des années soixante, en plein décollage économique, Monsieur Ogata tourne des films pornographiques qu’il revend sous le manteau. Il vit avec Haru, une veuve convaincue que son mari décédé s’est réincarné dans une carpe qu’elle a installée dans un immense aquarium au milieu de son salon.

Haru a deux enfants : une fille Keiko, dont Ogata est secrètement amoureux et un fils, Koichi, qui déserte le lycée pour faire des mauvais coups. Il s’agit d’une adaptation d’un roman de Akiyuki Nosaka publié trois ans plus tôt et qui avait suscité le scandale. Scandale en raison de son héros, un être sans scrupule exerçant une profession en marge de la loi, vivant de la lubricité des acheteurs de ses films. Mais scandale aussi par le portrait en creux que Nosaka fait du Japon des années soixante, qui a profité de l’occupation américaine et de la guerre de Corée pour s’enrichir au risque d’y perdre son âme.

Ogata est aidé par un gars qui explique ne pas aimer les femmes, leur corps. C’est mieux de se tripoter devant des films. Vers la fin, il dit avoir enfin changé, il se serait assagi. Désormais, il est avec sa sœur, qui est comme une mère pour lui, mais il ne se passe toujours rien.

C’est cette seconde dimension que creuse Imamura. À la différence du roman, Ogata y est décrit comme un brave bougre, exerçant un métier comme un autre, en proie aux tentatives de racket d'une bande de yakusa. Il est sincèrement amoureux de Haru et combat l’attirance qu’il nourrit pour sa belle-fille. Imamura est indulgent avec son héros; il ne le pense pas corrompu ; c’est la société qui l’est, dont le film dénonce non sans humour les dérives qu’encourage l’aisance matérielle relative, retrouvée après les années de privation de la guerre.

Le réalisateur reste très pudique, ne montre aucune nudité, en accord avec la morale de l’époque, sa caméra filme à distance, à travers une fenêtre, un aquarium, pour maintenir une pudeur par rapport à ses personnages. Son cinéma, qui décrit les bas-fonds d’Osaka, reste très naturaliste.

Le film se termine dans le surréalisme le plus étrange. Puisque les hommes ont des pulsions qu’ils ne contrôlent pas, puisque les films sont interdits, puisque même les orgies ne le satisfont plus, il s'isole dans une péniche et construit une poupée grandeur nature. Il finit fou, croyant donner vie à sa poupée, ce qui était déjà arrivé à sa femme dans une scène assez mémorable. La scène finale est symbolique la péniche rompt ses amarres et part à la dérive.

Ce film, à la limite du documentaire, est dans la veine de L’Histoire du Japon d’après-guerre racontée par une hôtesse de bar (1970), et représente une critique sociale non dépourvue d’humour d’une société en quête de boussole.

Distribution

  • Shōichi Ozawa : Yoshimoto Ogata
  • Sumiko Sakamoto  : Haru Masuda
  • Masaomi Kondo : Koichi
  • Keiko Sagawa : Keiko

Fiche technique

  • Réalisation : Shôhei Imamura
  • Scénario : Shôhei Imamura et Koji Numata d'après le roman Les Pornographes d'Akiyuki Nosaka
  • Production : Jiro Romado
  • Musique : Toshiro Kusunoki
  • Photographie : Sinsaku Himeda
  • Montage : Matsuo Tanji
  • Format : Noir et blanc - Mono - 35 mm
  • Durée : 128 minutes
  • Dates de sortie : 12 mars 1966 (Japon)
    • France (version restaurée): 25 novembre 2018
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