Le Soldat yakuza

De Cinéann.

Le Soldat yakusa ( 兵隊やくざ Heitai Yakuza) , film japonais de Yasuzo Masumura, sorti en 1965

Analyse

Le film s’ouvre sur le cadavre d’un soldat en état de décomposition avancée, sur lequel s’affaire une nuée de corbeaux. C’est l’une des seules fois où la guerre sera traitée de la sorte dans le film et c'est une constante dans le cinéma de Masumura de montrer le moins directement possible la guerre ; le reste du temps, nous partageons le quotidien, brutal, redondant et futile des soldats japonais en Mandchourie, loin des conflits armés et de leurs victimes.

Le gradé chargé des "présentations" le fait répéter plusieurs fois, au terme de quoi Omiya lui éternue allègrement au visage. Sitôt pris à part, le soldat tatoué s’allume une cigarette. Le gradé multiplie les coups portés au visage ; Omiya les encaisse sans broncher, comme si rien ne l’atteignait. Excédé, le gradé reporte son agressivité sur les soldats environnants, les assommant un par un comme pour vérifier l’efficacité de ses coups. Pendant ce temps-là, Arita se contente de regarder la scène, incrédule.

Ce décalage est annoncé par la musique qui accompagne l’introduction morbide, en contre-pied total de l’image de par sa légèreté enjouée, et confirmé par l’arrivée du personnage d’Omiya. Le yakuza en effet, nous est immédiatement présenté comme un trublion hors norme. Alors que ses compagnons déclinent leur identité avec conviction, Omiya se contente d’une énonciation, plus méprisante que timide.

Cette présentation caricaturale d’Omiya et de la hiérarchie militaire résume parfaitement ce premier épisode d’une série forte de huit films, très populaire au Japon dans les années 60. Masumura s’intéresse aux conflits internes qui minent l’armée japonaise de la Seconde Guerre mondiale. Ainsi les soldats sont traités comme des moins que rien, méprisés quand ils ne sont pas acculés au suicide. La vérité c’est que, sous couvert de comédie, Masumura parvient à transformer ce camp militaire en camp de prisonniers.

En 1943, au Nord de la Mandchourie, un camp militaire de l'armée japonaise accueille des nouvelles recrues venues suivre un entraînement spécial. L'un d'eux, Omiya, est un ancien yakuza dont la réputation d'indiscipliné et de brute lui vaut d'être pris en main par le première classe Arita, un intellectuel qui a échoué aux examens d'officier supérieur en raison de sa répugnance pour la hiérarchie militaire.

Unis par le même dégoût des lois martiales, les deux hommes, aux caractères pourtant opposés, vont se lier d'amitié et chercher à fuir l'univers de violence du camp.

En dépit de sa violence, le film est avant tout une comédie. Cela est dû bien sûr à l’interprétation merveilleuse de Shintarô Katsu, notamment dans les nombreuses, excessives et souvent douloureuses scènes de combat du film ouvertement anti-militariste. Katsu y est tour à tour risible et effrayant, à la limite du psychopathe, le sourire envahissant son visage boursouflé et recouvert de sang. Et pourtant cette satisfaction dans la violence n’est pas si amusante ; Omiya lui-même s’en lassera, et commencera à envisager de s’enfuir en compagnie d’Arita, qui se bat par procuration au travers des conflits sanglants opposant Omiya à ses supérieurs. En attendant, c’est auprès d’une prostituée que les deux hommes s’évadent.

Ce qui est étonnant avec ce film atypique, c’est justement que Yasuzo Masumura parvient à faire un portrait de la guerre pertinent sans jamais nous la montrer, en usant principalement de comédie et d’excès. Le soldat mort aperçu en ouverture apparaît, une fois le film terminé, comme une conséquence directe du comportement de ce microcosme où la guerre se joue à échelle réduite, sur la base d’oppositions hiérarchiques qui se nourrissent de la violence inhérente au système militaire pour gagner du terrain.

Distribution

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  • Shintarô Katsu : Kisaburo Omiya
  • Takahiro Tamura : Arita
  • Eiko Taki : Midori
  • Keiko Awaji : Otomaru
  • Mikio Narita : un policier militaire

Fiche technique

  • Titre original : 兵隊やくざ Heitai Yakuza
  • Réalisation : Yasuzo Masumura
  • Scénario : Yoriyoshi Arima d'après le roman de Ryuzo Kikushima
  • Producteur : Masaichi Nagata
  • Musique originale : Naozumi Yamamoto
  • Image : Setsuo Kobayashi
  • Montage : Tatsuji Nakashizu
  • Production : Daiei Studios
  • Durée: 102 min
  • Format: Noir et Blanc
  • Date de sortie : 18 mars 1965 (Japon)
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