Le Testament du docteur Mabuse

De Cinéann.

Le Testament du docteur Mabuse réalisé en 1933 par Fritz Lang.

Le Testament du docteur Mabuse est le premier film parlant de Fritz Lang. Curieusement les premières minutes sont muettes.

Docteur Mabuse

Le Testament du docteur Mabuse reprend le personnage d'un film muet en deux parties, de 1922, Docteur Mabuse avec Rudolf Klein-Rogge (Dr Mabuse), Aud Egede Nissen (Cara Carozza), Alfred Abel (comte Told), Gertrude Welckler (comtesse Dusy Told)

I Mabuse, le joueur (Der Gosse Spieler- Ein Bild der Zeit/Le grand joueur - un tableau du temps). Noir et blanc 3496 m.
L'Allemagne au début des années 20, en proie à l'inflation, à l'affairisme et aux complots occultes. Un traité de commerce secret entre les Pays-Bas et la Suisse est volé dans un train, provoquant l'effondrement des valeurs boursières. L'auteur de ce vol audacieux est un psychanalyste, le docteur Mabuse, spéculateur, faux-monnayeur, expert en déguisement et chef d'un gang d'apaches. Il fait ré-apparaître le traité à point nommé, déclenchant une remontée des cours et réalisant du même coup une excellente opération. Puis il s'emploie à hypnotiser, dans un cercle de jeu, le jeune milliardaire Gerhard Hull, lui soustrayant cinq mille dollars. Venu payer sa dette, Hull tombe sous l'emprise de la Carozza, maîtresse de Mabuse. Il se laisse manipuler par la perfide, dilapidant sa fortune aux cartes. Mabuse semble avoir désormais tous les atouts dans son jeu.
Sur ces entrefaites, Hull croise dans un tripot à la mode la comtesse Told, une habituée des lieux, qui passe son temps à observer les joueurs. Il y a là aussi le procureur von Wenck, un homme intègre, dont l'influence bénéfique sur Hull inquiète Mabuse, qui tente de le discréditer en l'hypnotisant comme les autres. Mais le traitement échoue. Mabuse multiplie en vain les tentatives pour se débarrasser du gêneur qui contrarie ses plans. Il pense y parvenir au cours d'une soirée donnée par le comte Told, riche collectionneur d'art moderne. Après avoir exposé ses conceptions philosophiques il ridiculise le maître de céans et emporte dans son repaire la comtesse évanouie.

II Mabuse, le démon du crime (Inferno, ein spiel von menschen unserer zeit / Inferno, une pièce sur les hommes de ce temps). Noir et blanc 2560 m.
Accablé par la disparition de sa femme, qu'il ignore être prisonnière du diabolique docteur Mabuse, le comte Told, qui se trouve de surcroît discrédité auprès de ses amis, sombre dans la dépression. Le procureur von Wenk lui conseille de recourir aux services d'un psychanalyste, qui n'est autre que Mabuse, bien décidé à tirer parti de la situation.
Par crainte d'être dénoncé par sa complice et maîtresse, Cara Carozza, qui a été incarcérée entre-temps, Mabuse persuade celle-ci, avec la complicité d'un geôlier, de s'empoisonner. La malheureuse s'exécute, par désespoir d'amour. Wenk réagit, sans succès. Puis Mabuse persuade le comte Told que sa femme complote contre lui. Désespéré, Told se tranche la gorge.
La rivalité Wenk-Mabuse va atteindre son point culminant à l'occasion d'une séance de spiritisme chez le célèbre hypnotiseur Sandor Weltmann, alias Mabuse, habilement grimé. Ce dernier crée au cours du spectacle une hallucination collective : les invités croient voir une caravane qui traverse la scène. Puis Mabuse hypnotise Wenk, le contraignant à conduire sa voiture à toute allure jusqu'au bord d'une falaise. Par chance, la police intervient à temps, sauvant le procureur à l'instant où il va se précipiter dans le vide. Refaisant surface, Wenk décide d'investir le repaire de Mabuse. Le siège sera long et meurtrier : les complices du docteur sont tués ou faits prisonniers. La comtesse, saine et sauve, est libérée. Quant à Mabuse, devenu fou, il se laisse arrêter sans résistance.

Analyse critique

Mabuse, devenu fou, est interné dans un hôpital psychiatrique. Par l'intermédiaire de Baum, directeur de l'asile qu'il tient sous son pouvoir hypnotique, Mabuse parvient à créer et à animer un gang activiste : une organisation de malfaiteurs qui commettent non seulement de nombreux crimes, mais aussi des attentats destinés à provoquer un état de panique dans la population.

Exclu des forces de police allemandes, Hofmeister essaye de se racheter aux yeux de Lohmann, en réalisant des enquêtes à titre privé. Mais avant qu’il ne puisse révéler le nom du cerveau qui se cache derrière une histoire de faux billets, il sombre dans la folie. Il est alors amené à l’asile psychiatrique mais il n’y a rien à en tirer. Le même établissement abrite le fameux docteur Mabuse, qui a lui aussi basculé dans la folie après son arrestation dix ans plus tôt.

Le commissaire Karl Lohmann, bon vivant et personnage fort sympathique, réussira après divers événements à vaincre le réseau grâce à l'aide d'un jeune couple. Après bien des péripéties, Mabuse meurt. Le docteur Baum arrêté deviendra fou à son tour et sera enfermé.

Dans un décor de masques primitifs et de tableaux de facture expressionniste, le fantôme de Mabuse dicte à un directeur d'asile le programme de l'empire du crime qui est un résumé de la stratégie nazie de la conquête du pouvoir :

"L'âme des hommes doit être effrayée jusqu'au plus profond d'elle-même par des crimes inexcusables et apparemment absurdes ; car le but ultime du crime est d'instaurer le règne absolu du crime, de créer un état total d'insécurité et d'anarchie fondé sur la destruction des idéaux d'un monde condamné au naufrage. Quand les hommes envahis par la terreur du crime seront devenus fous d'épouvante et d'effroi, quand le chaos sera la loi suprême alors sera venue l'heure de l'empire du crime "

Ce sera le premier film parlant et le dernier film allemand de Lang, le personnage métaphysique de Mabuse incarnant une volonté de puissance tournée vers la destruction alors que sortent de la bouche de Baum, devenu fou, des phrases entières du programme national-socialiste. La filiation du film avec M le maudit est évidente. Fritz Lang poursuit sa peinture d’une Allemagne qui peine à se relever de la crise économique et dont les solutions éventuelles qui se profilent à l’horizon ne sont pas forcément les meilleures. Dans le film, le chômage est ainsi évoqué par l’entremise du personnage de Kent qui faute d’un travail lui permettant de rentrer dans le rang, se lance dans le crime organisé. Une organisation criminelle secrète où les membres suivent aveuglément leur «maître», sans se poser de question puisqu’il leur assure un salaire décent. Il est difficile de douter que le cinéaste allemand ne pointe pas du doigt certains partis politiques alors en pleine ascension. A l’époque, Goebbels fait donc interdire le film. Une situation qui forcera Fritz Lang à l’exil dans un premier temps en France puis rapidement aux Etats-Unis où il entamera une carrière Hollywoodienne avant de retourner bien plus tard dans son pays d’origine.

Au-delà de sa portée socio-politique, Le Testament du docteur Mabuse est avant tout un film policier qui verse dans l’étrange. Parmi les séquences les plus réussies du film, on notera ainsi une vision très bizarre de l’esprit déréglé d’Hofmeister lorsque Lohmann vient lui rendre visite à l’asile ou les étranges apparitions du docteur Mabuse lui conférant au passage une dimension résolument fantastique. Le Testament du docteur Mabuse aligne aussi quelques grands moments de suspense comme la salle piégée ou un meurtre en plein jour orchestré de main de maître grâce à l’entrain des automobilistes à user de leur klaxon.

En 1960, Lang reprendra une troisième et dernière fois le personnage de Mabuse dans Le diabolique docteur Mabuse, film testamentaire et glacé ouvrant symboliquement, avec un grand pessimisme, sur l'ère de l'audiovisuel triomphant et sur les nouvelles formes technologiques de l'emprise du Mal.

Distribution

  • Oscar Beregi Sr. : Dr. Baum
  • Rudolf Klein-Rogge : Dr. Mabuse
  • Paul Bernd : Maître-chanteur
  • Henry Pleß : Bulle
  • Gustav Diessl : Thomas Kent
  • Paul Henckels : Lithographe
  • Oskar Höcker : Bredow
  • Georg John : Le domestique de Baum
  • Adolf E. Licho : Dr. Hauser
  • Theo Lingen : Karetzky
  • Theodor Loos : Dr. Kramm
  • Karl Meixner : Hofmeister
  • Klaus Pohl : Müller
  • Rudolf Schündler : Hardy
  • Otto Wernicke : commissaire Lohmann

Fiche technique

  • Réalisation : Fritz Lang
  • Scénario : Norbert Jacques , Fritz Lang, Thea von Harbou
  • Production: Fritz Lang; Seymour Nebenzal
  • Musique originale : Hans Erdmann; Walter Sieber
  • Image : Karl Vash , Fritz Arno Wagner
  • Montage: Conrad von Molo, Lothar Wolff
  • Durée : 122 mn (réduit à 116 mn à la restauration en 2000)
  • Dates de sortie 12 avril 1933 (France) , 24 août 1951 (Allemagne)



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