Les Disparus de Saint-Agil

De Cinéann.

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Les Disparus de Saint-Agil , film français de Christian-Jaque, sorti en 1938

Analyse critique

Peu de temps avant la Première Guerre mondiale, au collège de Saint-Agil, des choses étranges se passent la nuit. Beaume , Sorgue et Macroy , trois élèves du collège, ont créé une association secrète, Les Chiches Capons, dans le but de préparer un tout aussi secret projet de départ pour l'Amérique. Un soir, dans la salle de sciences naturelles où ils tiennent leurs réunions, Sorgue voit un homme sortir d'un mur.

À la suite d'une visite chez le directeur à propos d'un chahut, Sorgue disparaît. Puis c'est au tour de Macroy. L'établissement est en émoi. Le directeur envisage de renvoyer Beaume, le dernier membre du trio encore présent, après la fête du collège.

Lors de cette fête, M. Lemel, le professeur de dessin alcoolique, meurt, victime d'une chute durant une panne de courant qui plonge l'établissement dans le noir. Tout le monde croit à un accident. Beaume se cache pour enquêter, laissant ainsi croire qu'il a disparu à son tour ; avec l'aide du professeur d'anglais, M. Walter, il parvient à découvrir la vérité : le collège abrite un trafic de fausse monnaie. Lemel, qui réalisait les faux et qui collectionnait des toiles de valeur, a été tué par un de ses complices (le directeur), qui craignait qu'il ne révélât tout sous l'emprise de l'alcool.

Finalement Sorgue est libéré par ses camarades et le directeur est démasqué : il est le chef des trafiquants et avait enlevé Sorgue car celui-ci a vu un de ses complices utiliser un passage secret ; Macroy est ramené par les gendarmes, ayant été découvert en tant que passager clandestin pour l'Amérique. M. Walter est admis par les trois amis comme membre de leur société secrète.

Tourné en 1938, Les Disparus de Saint-Agil est déjà le vingtième film du réalisateur. Pendant les six années précédentes, Christian-Jaque a fait ses armes sans tourner de films véritablement mémorables, à l'exception de l'amusant François 1er (1937) avec le jeune Fernandel. La rencontre de Christian-Jaque avec l’œuvre de Pierre Very va lui permettre de tourner son premier grand film. Le romancier est alors un auteur à succès dont l’œuvre, des « romans de mystères » comme il les qualifie lui-même, est reconnue par le public comme par la critique. Il offre à Christian-Jaque le matériau idéal pour tourner un film à l’esthétique remarquable.

Avec une histoire policière riche d’éléments fantastiques et située dans l’univers de l’enfance et de l’adolescence, Christian-Jaque a l’opportunité de créer un récit d’aventure. Les films mettant en scène des enfants peuvent facilement sombrer dans l’excès de naïveté et d’infantilisme. Le talent du réalisateur est d’éviter tous les écueils du genre, notamment la simplification à outrance de la narration et l’aseptisation de l’esthétique. Au contraire, c’est dans une atmosphère très adulte que s’ouvre le film. Dès le générique, trois silhouettes s’éloignent dans la brume sur une musique inquiétante. Le spectateur est alors transporté dans un univers qui lui rappelle plus les films les plus noirs de Fritz Lang que l’univers aseptisé de La Guerre des boutons. Une sensation qui se prolonge durant la scène d’ouverture, dans le dortoir, constellée de jeux d’ombres expressionnistes et qui met en scène les trois jeunes Chiche-Capon agissant comme les protagonistes d’un film criminel. En réussissant le défi de faire un film adulte sur l’enfance, le cinéaste parvient à tourner une œuvre qui touche les petits et les grands, permettant à chacun de se projeter dans les actes et les émotions des principaux protagonistes.

Michel Simon est remarquable dans le rôle très ambigu du professeur de dessin, artiste raté et alcoolique, personnage lâche mais toujours touchant grâce à l’immense humanité que lui offre son interprète. Erich von Stroheim, l’immense réalisateur maudit alors reconverti en acteur est le professeur d’anglais du pensionnat, mais il figure de manière générale l’étranger et plus précisément, c’est évident compte tenu du contexte politique de l’époque et surtout du nom de l'acteur, l’Allemand.

Les Disparus de Saint-Agil, au premier abord un simple polar fantastique, n’est pas totalement déconnecté de la situation du monde de son époque. On y évoque très ouvertement la guerre qui s’annonce, et l’attitude des personnages adultes révèle une critique d’une société française endormie, devant le péril qui se fait inévitable, comme un des professeurs, insomniaque, toujours à moitié assoupi. On y voit aussi une dénonciation d’une certaine peur de l’étranger, la plupart des professeurs étant ouvertement hostiles au professeur Walter qui s’avèrera pourtant bien plus sympathique qu’il n’y parait, mais aussi un message d’espoir en la jeunesse, qui triomphe des dangers là où les adultes sont corrompus ou passifs.

Distribution

  • Erich von Stroheim : Walter, le professeur d’anglais
  • Michel Simon : Lemel, le professeur de dessin
  • Armand Bernard : Mazeau, le concierge
  • Aimé Clariond : M. Boisse, le directeur du collège
  • Robert Le Vigan : César, le passe-muraille

Fiche technique

  • Réalisation : Christian-Jaque
  • Scénario : Jean-Henri Blanchon, Jacques Prévert d'après le roman du même nom de Pierre Véry
  • Musique : Henri Verdun
  • Image : Marcel Lucien
  • Montage : Claude Nicole, William Barache
  • Production : Jean-Pierre Frogerais
  • Société de production : Dimeco Productions, Les Films Vog
  • Durée : 100 minutes
  • Date de sortie : 6 avril 1938
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