Les Fleurs de Shanghai

De Cinéann.

Les Fleurs de Shanghai (Hai shang hua) un film taïwanais réalisé par Hou Hsiao-Hsien, sorti en 1998

Analyse critique

Dans le Shanghai du siècle dernier, entre l'opium et le mah-jong, les hommes se disputaient les faveurs des courtisanes qu'on appelait les fleurs de Shanghai. Nous suivons les aventures amoureuses de Wang, un haut fonctionnaire qui travaille aux affaires étrangères, partage entre deux courtisanes, Rubis et Jasmin. En trente-huit plans-séquences d’une stupéfiante beauté, systématiquement séparés par de lents fondus au noir, Les Fleurs de Shanghai entrelace trois intrigues se déroulant dans quatre « maisons de fleurs », riches établissements de prostitution sis dans les enclaves internationales de Shanghai.

Ce qui frappe au début dans "Les fleurs de Shanghai", c'est le formalisme du film. Il s'agit d'une succession de scènes séparées par des fondus au noir, chacune racontant, en un plan unique, une action simple (une réunion d'hommes, une dispute, une négociation). Elles se déroulent toutes dans l'une ou l'autre des maisons de prostitution de Shanghai, à la fin du XIXème siècle. L'écoulement du temps est incertain, on ignore si quelques minutes, ou plusieurs mois ont passé entre un plan et le suivant. De même, le jour et la nuit sont presque toujours imperceptibles.

Paradoxalement on s'attache peu à l'histoire, présentant un échantillon de liaisons entre les riches et les jolies. A travers ce regard posé sur quatre chambres, "enclaves" de ces demi-mondaines, Hsiao-Hsien présente conflits et jalousies entre prostituées, au rythme d'épisodes calmes et foisonnants : Wang, l'ancien protecteur de Rubis lui préfère désormais Jasmin ; Perle arbitre les conflits qui opposent Jade et Trésor ; Émeraude cherche à obtenir sa liberté.

Les personnages se débattent comme pris dans un filet social, attachés à une prison dont ils n'arrivent à se défaire. Cette tragédie ne s'exprime qu'imperceptiblement. Les personnages semblent tous se raccrocher au factuel de cet environnement compliqué, où argent et position sociale dominent au point d'occulter l'autre dans le fait de le toucher.

Cette succession de tableaux, comme pris au hasard, montre de manière vivante le fonctionnement des bordels de luxe. On est au début ébloui par la splendeur des décors et des vêtements, réchauffé par ce rouge et ce marron omniprésents, dans une atmosphère intimiste éclairée à la lampe à huile. Ce n'est qu'après qu'on commence à comprendre les dissensions qui opposent les "pensionnaires" entre elles, parfois les drames qu'entraînent leur dépendance et leur ignorance du monde extérieur, lorsqu'elles sont abandonnées par un client, ou qu'elles croient à de belles paroles.

De ces "Fleurs de Shanghai" qui portent des noms de pierres, il faut retenir le visage de la plus belle des courtisanes : un visage aux yeux fortement bridés, aux traits simples et nets, géométriques (Michiko Hada). C'est un visage parfait et impénétrable : on se demande longtemps si sa tristesse cache une vraie douleur, ou si tout n'est que ruse de professionnelle. Et, de même, c'est peut-être pour la garder plus longtemps que son client, sincèrement amoureux d'elle, ruse et ne paie ses dettes et ses factures que progressivement.

Contrairement à la facilité brutale du sexe qui caractérise certains films complaisants sur la prostitution de la semaine, ici ce sont les mouvements sinueux du désir que les clients viennent acheter, et c'est l'une des raisons du charme unique du film.


Distribution

Fleurshangai.jpg
  • Shuan Fang : Jade
  • Michiko Hada : Rubis
  • Annie Shizuka Inoh : Fleur d'or
  • Jack Kao : Luo
  • Carina Lau : Perle
  • Tony Leung Chiu Wai : Wang
  • Rebecca Pan : Huang
  • Michelle Reis : Emeraude
  • Vicky Wei : Jasmin


Fiche technique

  • Titre : Les Fleurs de Shanghai
  • Titre original : Hai shang hua
  • Réalisation : Hou Hsiao-Hsien
  • Scénario : T'ien-wen Chu, adapté d’un roman de Han Ziyun
  • Direction de la photographie : Mark Lee Ping-Bin
  • Pays d'origine : Taiwan
  • Durée : 130 minutes
  • Dates de sortie : mai 1998 (Cannes)
Outils personnels

Le cinéma de Nezumi; les artistes contemporains / Randonnées dans les Pyrénées

Les merveilles du Japon; mystérieux Viêt Nam; les temples et des montagnes du Népal ; l'Afrique