Les Passagers de la nuit

De Cinéann.

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Version actuelle en date du 12 mai 2022 à 17:00

Les Passagers de la nuit , film français de Mikhaël Hers, sorti en 2022

Analyse critique

Le film se situe à Paris, quartier Beaugrenelle, à partir de 1981, comme en témoigne des séquences de la première élection de François Mitterrand. Quittée par son mari, Elisabeth se retrouve seule à assurer le quotidien de ses deux adolescents, Matthias et Judith. Après quelques pistes de boulot vite abandonnées, elle finit par trouver un poste de standardiste dans une émission de nuit où une animatrice sexy et attentive, inspirée par Macha Béranger, reçoit les confidences d’auditeurs souvent paumés, quelque fois pervers.

Elle rencontre Talulah, une jeune punk désoeuvrée et droguée, qu’elle va prendre sous son aile. Talulah va découvrir la chaleur d’un foyer, Matthias, vivre la possibilité d’un premier amour et Elisabeth, peut-être enfin arriver à se construire une nouvelle existence, sans l’aide de personne.

Mikhaël Hers a choisi de faire revivre, dans son scénario, les années 80 qui furent celles de son enfance. Le cinéaste a su restituer avec une délicatesse tour à tour impressionniste et pointilliste ces années 80 durant lesquelles l’espérance et la fraternité étaient dans les coeurs, et l’effervescence dans les rues, les salles de concert, les théâtres et tous les autres lieux de création.

Et son décor planté, il montre, au rythme des musiques de l’époque, une femme qui va s’y déplacer, essentiellement la nuit. Une femme comme on n’en rencontre que dans les rêves, aussi douce qu’irradiante, qui tire sa force et son magneétisme de son hyper-sensibilité.

La trame narrative est simple, et le film constitué de moments quotidiens, comme entre les lignes. S’il bouleverse autant, c’est que beaucoup d’événements évoqués y ont la saveur exaltante d’un début, quand bien même ils sont déjà une fin. Dans les coulisses de l’émission nocturne, synonyme de conquête pour l’héroïne, l’animatrice Vanda Dorval déplore la réduction incessante de son budget et constate amèrement que la radio n’a plus le monopole de la nuit. La jeune fille perdue recueillie par la famille, séductrice fatale malgré elle, redevient vite un être de fuite. Aussitôt le fils follement épris d’elle, aussitôt elle disparaît. Dans l’appartement, juste après le départ de la fille aînée, une relation neuve s’établit entre Élisabeth et son fils, d’égal à égal, comme une promesse, mais bientôt, il faudra quitter les lieux, se séparer.

Il rappele au spectateur que les premières fois ne sont pas l'exclusivité de l'adolescence. Celles d'Elisabeth, qui cherche à rebondir, font écho à celles de ces propres enfants, qui aspirent à prendre leur envol. Histoires parallèles d'éducation sentimentale et d'émancipation. L'accueil des étrangers ( içi Talulah ) ne se vit pas comme une contrainte, mais comme un moyen de se transcender soi-même.

Pour le personnage de Talulah, la référence explicite est Pascale Ogier dans Les Nuits de la pleine lune, d’Éric Rohmer (1984), dont on voit un fragment sur l’écran d’une salle de quartier. Figure emblématique et fulgurante des années 80, morte à l’âge de 25 ans deux mois après la sortie du chef-d’œuvre de Rohmer, la jeune femme était le charme même et son ombre nimbe gracieusement Les Passagers de la nuit, grand film d’actrices.

Mikhaël Hers sublime les acteurs et offre à Charlotte Gainsbourg un personnage fait de douceur et de fragilité. Dans son rôle d’épouse et mère désemparée par le départ de son mari, elle est impressionnante de vulnérabilité, et en même temps de détermination. Elle joue comme sur un fil et elle est magnifique. Emmanuelle Béart et Noée Abita le sont aussi, chacune à leur manière, dans des registres étonnants où on ne les attend pas.

Distribution

Fiche technique

  • Réalisation : Mikhaël Hers
  • Scénario : Maud Ameline, Mikhaël Hers
  • Photographie : Sébastien Buchmann
  • Montage : Marion Monnier
  • Musique : Anton Sanko
  • Durée : 111 minutes
  • Dates de sortie : 13 février 2022 (Berlinale)
    • France : 4 mai 2022
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