Les Yeux, la bouche

De Cinéann.

Les Yeux, la bouche , film italien de Marco Bellocchio, sorti en 1982

Analyse critique

Comédien-vedette de l'après 68 , Giovanni Pallidissimi retrouve sa famille bolognaise et bourgeoise, en de tristes circonstances, le décès de Pippo, son frère jumeau qui vient de se suicider. En accord avec ses proches, il décide de cacher la vérité à sa mère et va jusqu’à forcer Vanda, la fiancée de Pippo, à reconnaître que leur union était parfaite. Mais Vanda supporte mal cette situation. Lors de l'enterrement, elle montre à plusieurs reprises qu'elle ne veut plus jouer le jeu. Devant cette attitude, Giovanni réagit avec violence; pourtant Vanda et lui éprouvent une attirance réciproque. S'il ressemble physiquement à Pippo. Giovanni est d'un tempérament différent. Ils tombent amoureux l'un de l'autre, même si cela ne va pas sans difficultés : le souvenir de Pippo hante Vanda, Giovanni songe toujours à sa mère.

Giovanni est déchiré entre ces deux femmes : son amour pour Vanda en souffre. Pourtant, après une nuit avec elle, il affronte son oncle Nigi, bourgeois respectable, puis prenant l'apparence de son frère, il apparaît devant sa mère, tel un fantôme, et lui confie qu'il n'est pas en Enfer. Secoué par ce rôle qu'il vient de jouer, il quitte brusquement la demeure familiale, manque d'être renversé par une voiture et part rejoindre Vanda. Giovanni s'est peut-être enfin libéré de son passé.

15 ans après Les Poings dans les poches, il ne s'agit plus seulement pour Marco Bellocchio de faire acte de rébellion, il faut se débarrasser de ses complexes, se détacher des schémas bourgeois, retrouver cette fusion triangulaire des yeux et de la bouche, c'est-à-dire retrouver une sexualité libre et consciente. Son héros y parviendra.

Les Yeux, la bouche se présente comme un bilan dans lequel Bellocchio parle de son passé, de son vieillissement, de ses déceptions. Lou Castel y interprète le rôle d'un comédien contestataire qui broie son amertume d'avoir du quitter la scène, d'être un symbole démodé, d'avoir encaissé les échecs de Mai 68. De retour dans sa ville natale à l'occasion de l'enterrement de son frère suicidé, il replonge dans une famille mortuaire , mais ce douloureux pèlerinage va provoquer sa renaissance. À l'image du personnage qu'il incarna quinze ans plus tôt, en dans une mise en abîme du comédien/personnage de Lou Castel, et qui poussait sa mère aveugle dans un précipice, il va abandonner le complexe de culpabilité qu'il entretenait envers sa dévoreuse génitrice au cours d'une violente scène grandguignolesque : mascarade psychanalytique qui lui permettra d'oser aller vivre avec la fiancée d'un frère dont il va prendre la place jusqu'au bout. Au cours d'une très belle scène, éminemment symbolique, le héros court sous la douche se dépouiller de son maquillage morbide, de sa dépendance affective vis-à-vis de ses parents, offrant un visage nu, enfin authentique, à celle avec laquelle il va partager son avenir.

« Dix-sept ans après Les Poings dans les poches, Marco Bellocchio nous invite à nouveau à rencontrer la famille tant haïe : la mère, objet d’un rapport équivoque, les frères, la province et surtout l’acteur Lou Castel, devenu le double du cinéaste, son alter ego, son porte-parole. Longtemps déchiré entre son engagement politique et ses liens familiaux, Marco Bellocchio prend le temps de respirer ; à travers Lou Castel, il part à la recherche d’une forme de paix intérieure. La violence, l’agressivité naturelle qui le portent à chaque seconde comme jusqu’au bout de lui-même, n’ont pas pour autant disparu. Un semblant de paix s’établit, et d’abord dans les scènes d’amour avec Vanda, d’une sensualité euphorique. » Louis Marcorelles, Le Monde, 1982

Distribution

  • Lou Castel : Giovanni Pallidissimi / Pippo Pallidissimi
  • Ángela Molina : Wanda
  • Emmanuelle Riva : la mère
  • Michel Piccoli : zio Agostino (oncle Agostino)
  • Antonio Piovanelli : le père de Wanda
  • Viviana Toniolo : Adele
  • Antonio Petrocelli : le docteur

Fiche technique

  • Titre original : Gli occhi, la bocca
  • Réalisateur: Marco Bellocchio
  • Scénario : Marco Bellocchio, Vincenzo Cerami et Catherine Breillat
  • Producteur : Enzo Porcelli
  • Photographie : Giuseppe Lanci
  • Montage : Sergio Nuti
  • Musique : Nicola Piovani
  • Production Italie, France
  • Durée : 101 min
  • Date de sortie : 10 septembre 1982

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