Moonrise Kingdom

De Cinéann.

Moonrise Kingdom film américain de Wes Anderson sorti en 2012.

Analyse critique

Sur une île au large de la Nouvelle-Angleterre, au cœur de l'été 1965, Suzy et Sam, douze ans, qui se sont rencontrés un an auparavant, et ont échangé des courriers secrets, s'enfuient ensemble. Les deux héros sont un jeune scout orphelin et une jeune fille style Baby Doll Courrèges, un peu dépressive, perdue au sein d'une famille nombreuse et qui ne se sépare ni de son chat, ni d'une paire de jumelles. Alors que chacun se mobilise pour les retrouver, une violent tempête s'approche des côtes et va bouleverser davantage encore la vie de la communauté.

Wes Anderson fait d'une de ces îles, reconfigurée par ses soins, le sanctuaire d'un premier amour. Entre idéalisme et dérision, son cinéma a quelque chose d'insulaire. Chacun de ses films est une bulle défiant la réalité, non seulement il ignore le continent, mais il invoque le paradis forcément perdu d'une Amérique encore innocente, guindée et prospère, celle des sixties. La miniaturisation du monde, grande affaire du cinéaste, n'a jamais paru aussi naturelle, tout comme l'orgie d'accessoires pop, de panoplies vintage. Quand les deux amoureux se croient à l'abri d'une petite crique sauvage, ils déballent tout un bric-à-brac, qui va des boîtes pour le chat de la jeune fille au 45 tours de Françoise Hardy Le Temps de l'amour.

A travers le branle-bas de combat déclenché sur l'île par la disparition des deux préadolescents, le cinéaste parvient à faire exister toute une foule de personnages tragi-comiques, joués, humblement, par des stars : Le chef scout dévoré de culpabilité, les parents de la fugueuse, las d'eux-mêmes et de leur couple (Bill Murray, Frances McDormand), le flic (Bruce Willis), amant sans espoir de la mère de Suzy, et la représentante de l'action sociale, qui n'a, d'ailleurs, pas d'autre nom (Tilda Swinton), venue de la terre ferme et prompte à prescrire des électrochocs au moindre faux pas juvénile.

L' univers du film est celui de l'origine, du début, et de la nostalgie. C'est l'enfance, il y a donc des jeux, des règles, des poulies, des mécanismes et aussi des voyages et des aventures: on part en train, en souterrain ou en bateau, avec des travellings latéraux. Le monde est miniature, on joue avec les objets, on décore la crèche. Les effets de perspectives et d’échelles sont remarquables dans Moonrise Kingdom, comme avec cette moto perchée sur un arbre, entre le jouet calciné et l'accident réel.

Le cadre forcené est aussi une marque propre du monde enfantin, qui aime la clôture. Les personnages d'Anderson vivent dans des tentes, des cabanes, une île, ou à la fenêtre. La caméra s’amuse beaucoup de la symétrie, fait des boîtes à bento avec tout ce qui lui tombe devant l’objectif. Pour détruire la clôture, c'est l'eau qui symbolise la libération sexuelle. A la fin, avec un barrage qui cède, mais aussi lorsque Sam et Suzy se retrouvent en plein émoi pubère dans un lac.

De la même façon, si l'on se cache, c'est pour être surveillé et observé. Ici, c’est Suzy qui tient l’objet de la défloration, des petits ciseaux «pour gauchers» et la paire de jumelles, deux objets qui permettent de faire des trous dans la protection de l’autre.

Lorsque les éléments se déchaînent, Moonrise Kingdom devient quasiment haletant, entre cartoon et film catastrophe. La crique des fugueurs est rayée de la carte par la tempête ? Le fait est signalé en passant. Un simple effet collatéral, sans grande importance, et d'autant plus bouleversant : comme une preuve de bonheur effacée. Déjà en passe de ressembler aux adultes honnis, les deux fiancés rebelles sont désormais condamnés au souvenir. Face au tableau représentant le paysage englouti, peint par le petit scout assagi, on a l'impression d'assister à l'invention de la nostalgie. Gouverné par le rythme de la course de son jeune couple fugueur, Moonrise Kingdom s’assume en simple objet récréatif, une quête amoureuse palpitante, un geste purement libératoire et fantasmatique sur lequel la réalité n’a aucune prise, pas même la foudre qui s’abat sans dommages sur notre héros, une aventure à tout prix

Distribution

Fiche technique

  • Réalisation : Wes Anderson
  • Scénario : Wes Anderson et Roman Coppola
  • Direction artistique : Gerald Sullivan
  • Photographie : Robert D. Yeoman
  • Montage : Andrew Weisblum
  • Production : Wes Anderson, Jeremy Dawson, Scott Rudin et Steven M. Rales ; Molly Cooper
  • Production exécutive : Sam Hoffman
  • Sociétés de production : American Empirical Pictures, Indian Paintbrush, Moonrise et Scott Rudin Productions
  • Durée : 94 minutes
  • Dates de sortie : 16 mai 2012 (présenté au Festival de Cannes 2012 et sortie nationale)


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