Panic Room

De Cinéann.

Version du 24 janvier 2009 à 11:21 par MariAnn (discuter | contributions)
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Panic Room film à suspense américain de David Fincher sorti en 2002.

Synopsis

Meg Altman, récemment séparée d'un époux ayant fait fortune dans l'industrie pharmaceutique, et sa fille Sarah, diabétique, arrivent à New York et emménagent dans une grande maison équipée d'une Panic Room, pièce aux allures d'abri anti-atomique, destinée à servir de refuge aux occupants en cas d'agressions extérieures. Plutôt claustrophobe et ne jugeant pas l'installation très utile, le premier soir, Meg essaye de désamorcer celle-ci et y arrive partiellement. Malheureusement, dès la première nuit, trois malfrats pénètrent dans la maisonnée endormie ! Meg surprend les intrus sur les caméras vidéos dont la maison est truffée, et elle et Sarah courent se réfugier dans la "Panic Room". Mais c'est justement dans cette "Panic Room" que les malfaiteurs veulent se rendre, car c'est là que se trouve le jack-pot...

Ce film marque une étape dans l'industrie car il a été complètement « prévisualisé », c’est-à-dire qu'une simulation avait été générée en 3 dimensions sur informatique avant même que le tournage commence. Cette technique a permis de réaliser des plans spectaculaires, où la caméra amène le spectateur d'un étage à un autre en traversant le plancher, ou encore à passer dans l'anse d'une cafetière pour terminer dans une serrure de porte.

Dès le générique, la maîtrise technique de Fincher éblouit. Les multiples plans aériens de New York semblent le fait d’une entité supérieure qui scrute en tous sens cette ville réduite à ses buildings, cependant que l’activité humaine, écrasée au fond de véritables puits de béton et de verre, apparait pour ce qu’elle est, canalisée, ordonnée et dérisoire.

Ce regard caméra venu d’en haut impose alors la démesure des buildings qui semblent refléter dans leurs mille et une fenêtres l’anonymat, la froideur et l’étrangeté, ne serait-ce que parce que la Cathédrale elle-même, donc la dimension spirituelle de l’homme, est filmée comme écrasée par cet environnement moderne. Une impression renforcée d’ailleurs par l'étonnante création graphique du générique : les mots qui le composent, aux étonnantes lettres blanches en relief, comme sculptées, suspendues en l'air, s’accrochent frontalement aux façades ou suivent la perspective des profondes rues et se reflètent dans les vitres. S’installe ainsi, d’emblée, un malaise souligné par l’accompagnement d’un double thème musical remarquable : l’un, comme sous-jacent, souterrain et rampant par ses notes graves, évoque une menace qui semble rôder ; quand l’autre, qui lui succède bientôt au moment où s’affiche le titre, martèle les trois coups répétés d’un drame imminent.

Puis la caméra saisit un feuillage et la rangée d’arbres, qui suit, introduit la Nature dans la Ville par le biais d’un panoramique isolant un Central Park montré tel un vestige incongru, cependant qu’une voix féminine s’impose sur la musique et nous fait entrer dans le détail de la fourmilière humaine qui s’agitait, il y a peu, tout en bas. Et, précisément, cette conversation dans la rue entre deux femmes, leur marche pressée, et les reproches sur leur retard que leur adresse l’agent immobilier, sont les signes d’une société qui a perdu ses repères traditionnels : une Nature qui n’est plus qu’un décor artificiel, une vie qui s’apparente à une course, perdue d’avance, contre le temps.

L’histoire peut commencer, nous savons qu’elle ne sera pas banale…

Le cadre choisi pour le huis clos est, paradoxalement, une immense résidence bâtie sur plusieurs niveaux qui abrite, à son dernier étage, une véritable chambre forte de protection. Et tout l’art du réalisateur est d’opposer ce vaste espace (intérieur) à l’étroitesse du bunker, comme, dans le générique, il mettait en contraste la verticalité et le gris des buildings à l’horizontalité et au vert de Central Park.

Ce jeu du chat et de la souris qui se déroule entre Meg et les cambrioleurs est saisi à l’aide de mouvements de caméra variés et incessants qui relèvent d’un exercice de style particulièrement brillant et touchent même à la virtuosité, mais ne sont jamais gratuits. Il s’agit, du point de vue du récit, de traduire, la progressive réduction de l’espace (l’extérieur de la ville, l’intérieur de la résidence ensuite, l’abri confiné et verrouillé enfin) mise en parallèle avec l’intrusion des voleurs prenant graduellement possession des lieux : les fréquents travellings avant ou arrière et les plans d’ensemble cèdent peu à peu la place aux plans moyens et aux gros plans.

Ce travail technique sur l’espace du film se complète d’un souci symétrique de traduire l’enfermement par le choix du moment de la journée, au cœur de la nuit propice à la fulgurance des cauchemars, quand la ville dort et que rien ni personne à l’extérieur ne peut aider ou être alerté que se produit l’irruption de la menace, et par les éléments naturels, une pluie diluvienne qui noie New York, isolant chacun chez soi et recouvrant tout éventuel appel au secours auprès d’un voisin de son crépitement continu.

Le film se déroule dans une obscurité qui renforce l’encerclement des victimes (Fincher a changé son chef opérateur en cours de réalisation au prétexte qu’il ne lui donnait pas de noirs suffisamment profonds). Ainsi s’installe, visuellement et quasi physiquement, un sentiment de claustrophobie sur lequel joue à merveille le réalisateur de Seven. Pourtant le récit progresse par l’enchainement inéluctable des évènements (l’intrusion, l’encerclement, la pénétration) et les différentes tentatives désespérées de Meg pour entrer en contact avec l’extérieur (appel téléphonique à la police, puis à son mari), cependant que la révélation de la maladie de Sarah ajoute encore à la tension de l’atmosphère. Le point fort du film, et qui en relance l’intérêt, réside dans le rebondissement imprévisible habilement fondé sur l’inversion de situation : les assaillants se retrouvent eux-mêmes assiégés. En quelque sorte, le violeur ne peut plus se retirer…

Le film rend un hommage appuyé à Hitchcock. On donnera quelques exemples : on a déjà signalé le générique dont le regard caméra évoque directement le plan aérien qui survole la ville de Phoenix dans Psychose, ou celui de la Mort aux trousses en référence à la vue en plongée verticale d'immeubles et de la fourmilière humaine, ainsi que les deux thèmes musicaux directement inspirés de ceux du générique du même Psychose. Les plans en plongée d’immeubles rappellent le début de Vertigo. La chambre forte où s’enferme Jodie Foster renvoie à l’ultime pièce refuge où Tippie Hedren est assaillie par Les Oiseaux. Le voisin que l’on essaie d’alerter évoque Fenêtre sur cour. L’escalier monumental filmée en plongée ou contre plongée évoque celui de la maison de Norman Bates de Psychose. En outre, l’humour d’un Fincher, caustique dans son propos, comment concevoir, une fois que Meg et Sarah sont enfermées dans l’abri, qu’elles puissent en sortir?, n’est pas sans rappeler celui, souvent au second degré, dont Hitchcock parsème ses films. Par ailleurs, il utilise les modes de l’antithèse et de l’inversion, évoqués ci-dessus, si fréquents chez Hitchcock.

Fincher reprend le thème du voyeurisme associé à l’art même du cinéma (voir Fenêtre sur cour du même Hitchcock ). Ici, Meg cloitrée dans son réduit dispose de plusieurs écrans qui lui permettent de suivre les mouvements des intrus et d’intervenir par la voix pour les influencer. De même, une fois ceux-ci enfermés à sa place, elle saura les priver des images de la maison. Autrement dit, la réalité du film n’existe que par ses choix : on pourrait dire que, telle une réalisatrice, elle organise son tournage en intervenant auprès des acteurs-cambrioleurs par le son, et en sélectionnant ses images pour les spectateurs ; la chambre forte peut s’apparenter ainsi à une véritable salle de montage. Un film dans le film, en quelque sorte et une évidente mise en abyme à la façon de Hitchcock…

Le film s’achève, du point de vue du récit, sur le sacrifice de Burnham : voulant éviter les meurtres des deux femmes, il renonce à fuir avec les Bons dérobés. Fincher, non sans quelque grandiloquence, le filme, en contre plongée, les bras écartés tel un Christ, dont le visage montré en gros plan dit toute la détresse. Puis, Fincher lui substitue aussitôt celui de Meg, aussi émouvant, au regard compatissant. Ce parallèle entre les deux visages et les deux destins conduit à comparer les deux désarrois et à aller au-delà des simples apparences. Burnham victime sacrifiée et expiatoire.

Ces deux gros plans, malgré leur identité, sous-tendent bien plutôt le contraire. C’est bien Burnham qui est le personnage lumineux du film. Cet homme crucifié par sa bonté n’est-il pas précisément Celui que cherchait le regard caméra du générique dans cette ville anonyme de New York, livré à l’infidélité d’un Stephan Altman abandonnant femme et enfant, à l’affairisme immobilier d’un Evan Kurlander, à la cupidité d’un petit-fils prêt à léser les héritiers de son grand-père ?

Bonham, à l’inverse, homme profondément humain et généreux, est poussé par la nécessité de payer le procès pour obtenir la garde de ses enfants et à se montrer, brièvement, malhonnête. Sa Rédemption par son sacrifice laisse un goût bien amer au spectateur et l’amène à penser que c’est bien lui le personnage central du film et que le don de soi n’est pas récompensé. La « victime », au final, n'est plus celle que l'on imaginait jusqu'alors : la situation de Burnham s’est définitivement aggravée alors que celle de Meg s’est améliorée. C'est bien la différence sociale, voire raciale, qui explique la différence de destin.

Après un long fondu au noir qui est censé effacer le drame, se développe la séquence finale du film qui est à mettre en perspective avec la séquence initiale. Il s’agit du même décor urbain de New York. Mais alors que le film commençait par une marche hâtive ponctuée des reproches de Meg à sa fille, la fin nous montre la mère et la fille, étroitement réunies sur un banc public, comme apaisées par l’épreuve subie, commentant les annonces immobilières. Le travelling arrière final substitue au décor initial de la rue le cadre final chaleureux d’un Central Park magnifié par les couleurs mordorées de l’automne et, surtout, parfaitement accordé à la position sociale des deux femmes. C'est que leur conversation, elles lisent des offres d'appartements tous plus huppés les uns que les autres, par rapport aux évènements et, surtout, au destin tragique de Bonham, amène à penser in fine que Fincher, au-delà de ses réelles préoccupations formelles, n'oublie pas le fond et conclut son film sur la permanence de l'injustice dû au statut social : alors que Bonham, durablement séparé de ses enfants, est en prison, Meg et sa fille papotent pour choisir un nouvel appartement, le plus cossu possible !

Le réalisateur n'a pas réalisé qu'un brillant exercice de style, mais il l'a aussi habillé de chair et de souffrance : qu'il s'agisse de l'observation juste de notre époque régie par l'empressement, l'argent et l'égoïsme ; de la satire de l'obsession sécuritaire et du regard lucide porté sur l'injustice des classes sociales. Il est vrai que Fincher manie l’ironie : décidément, dans son cinéma souvent décrié pour son formalisme, voire sa vacuité, mais dont il faut décoder les apparences, les victimes ne sont pas celles que l’on croit

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Distribution

Fiche technique

  • Titre : Panic room
  • Titre canadien : La Chambre forte
  • Titre original : The Panic Room
  • Réalisation : David Fincher
  • Scénario : David Koepp
  • Musique : Howard Shore
  • Durée : 108 minutes
  • Date de sortie : 24 avril 2002


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