Plaire, aimer et courir vite

De Cinéann.

Version du 7 février 2019 à 21:01 par MariAnn (discuter | contributions)
(diff) ← Version précédente | Voir la version courante (diff) | Version suivante → (diff)

Plaire, aimer et courir vite , film français de Christophe Honoré, sorti en 2018

Analyse critique

Jacques, l’écrivain dandy qu’Arthur a connu à Rennes, est malade. Il sait sa mort proche et tente de le cacher à son amoureux. De se cacher, surtout, pour ne pas lui faire subir sa déchéance… Il se dissimule dans l’appartement de son voisin. Mais à voir son amant errer tristement dans les rues de Paris, il ne résiste pas. Il le retrouve, l’étreint, s’abandonne.

Le rapprochement avec 120 battements par minute est évident, mais le film de Robin Campillo, même s’il détaillait une relation amoureuse, était une œuvre de combat, un plaidoyer pour les actions d’Act Up et une dénonciation de l’indifférence de l’Etat français devant les victimes d’un virus mortel qui les emportait sans rémission. Même si l’on sent la même détresse chez Christophe Honoré (« Ils font tout pour qu’on crève en cachette, alors il n’y a pas de raison que ça change si l’on survit », dit l’un des personnages), son film est une chronique romanesque.

Jacques est brillant. Il aime les belles phrases et les bons mots. Il est odieux, aussi, parfois, au point d’en devenir bête; mais pas avec son fils, Loulou, un gamin de 8 ans qu’il traite d’égal à égal, avec une tendresse bourrue qui leur convient à tous deux. Pierre Deladonchamps qui interprète Jacques semble souvent attiré par des rôles que d’autres refuseraient pour préserver leur image comme ceux de L'Inconnu du lac d’Alain Guiraudie ou de Nos années folles d’André Téchiné. Il parvient à exprimer, ici, par son visage, sa démarche, son élocution, les failles de celui qu’il incarne. Il humanise ce personnage, rend perceptible la détresse qu’il dissimule mal sous une morgue de façade. Il rend sensible la fuite inexorable du temps. Comment survivre quand on n’a presque plus de vie, quand les amours mortes ont laissé des traces sur les traits et que se profile un dernier amour inattendu qui ressemble plus à une folie qu’à une chance.

Le film brille par ses audaces formelles: la rencontre des deux futurs amants dans un cinéma de Rennes, quand ils s’observent, se jaugent, se défient, jusqu’à ce plan, très intime, de leurs nuques, filmées en ombres chinoises, devant un écran qui projette La Leçon de piano de Jane Campion. Il faut évoquer, aussi, la double scène de bain, l’une réaliste et l’autre fantasmée, dont on ne sait laquelle est la plus émouvante. Celle où Jacques, allongé dans sa baignoire, hisse au prix d’efforts douloureux le corps presque sans force de Marco, son ex, l’homme qui l’a fait souffrir, l’homme qu’il a fait souffrir, pour partager un moment d’une confondante bonté. Ou celle, plus tard, où allongé dans l’eau, il imagine la jambe de Marco se tendre vers son épaule, comme un appel auquel il sait qu’il devra répondre très vite.

Le film est illuminé par des moments légers, extrêmement drôles. À la sortie du théâtre de Rennes, tard le soir, Jacques aimerait bien rejoindre Arthur à qui il a donné rendez-vous, mais le voilà contraint d’écouter le bavardage sans fin d’une comédienne exaltée et gaffeuse. Tout le lent flirt entre Jacques et Arthur évolue en une suite de badinages amusés, de plus en plus intenses, où l’un tutoie et l’autre vouvoie, comme pour maintenir la distance entre le flirt et la passion.

Christophe Honoré déclare : "Il est possible que sans cet amour Jacques aurait vécu plus longtemps, parce qu’il est précipité dans l’idée que sa maladie, le sida, le rend inapte à cet amour, qu’il n’est plus capable de le vivre. Je crois que le vrai sujet du film est là, dans les effets contraires de l’amour. C’est un film qui assume sa part de mélodrame, mais pas tant du côté de l’amour impossible que de la vie impossible."

Distribution

  • Vincent Lacoste : Arthur
  • Pierre Deladonchamps : Jacques
  • Denis Podalydès : Mathieu
  • Adèle Wismes : Nadine
  • Thomas Gonzales : Marco

Fiche technique

  • Scénario et réalisation : Christophe Honoré
  • Photographie : Rémy Chevrin
  • Montage : Chantal Hymans
  • Production : Philippe Martin et David Thion
  • Sociétés de production : Les Films Pelléas ; Arte France Cinéma
  • Durée : 132 minutes
  • Date de sortie : 10 mai 2018 (Festival de Cannes 2018 et sortie nationale)
  • Prix Louis-Delluc 2018
plairaimer.jpg
Outils personnels

Le cinéma de Nezumi; les artistes contemporains / Randonnées dans les Pyrénées

Les merveilles du Japon; mystérieux Viêt Nam; les temples et des montagnes du Népal ; l'Afrique