Pour lui

De Cinéann.

Pour lui (Halt auf freier Strecke), film allemand de Andreas Dresen, sorti en 2011

Analyse critique

Franck, la quarantaine, en bonne santé, apprend une terrible nouvelle qui va profondément ébranler sa vie. Comment une famille ordinaire frappée par un évènement extraordinaire va-t-elle apprendre à célébrer, pour lui, la vie avant tout ?

Le film s’ouvre sans transition sur une scène aussi directe qu’efficace : un médecin annonce à Frank sa maladie, avec un embarras palpable, tel un professionnel pris en défaut et s’efforçant de camoufler ses silences et ses hésitations. Cette première scène, précisément dans son observation de la gêne face à la fin inéluctable déjouant les efforts des experts, frappe très fort. Il faut préciser qu'à part les personnages principaux, Andreas Dresen accentue le réalisme en faisant tourner de vrais proffessionels de la santé dans tous les rôles médicaux.

Andreas Dresen n’hésite pas à filmer les sujets difficiles, les tabous d'une société plus pudibonde qu’elle ne se l’avoue, et qu’il conviendrait de rendre à leur statut naturel tels que le sexe chez les personnes âgées dans Septième ciel. Dans Pour lui, il accompagne le calvaire de Frank, atteint d’une tumeur au cerveau dont le suspense quant à l’issue se réduit rapidement au néant. Le réalisateur n'aborde pas la question habituelle de l’euthanasie. Il refuse avec raison de dramatiser plus que nécessaire cette marche vers la mort.

Dresen ambitionne de filmer la mort, la vraie, la version lente et douloureuse pour sa victime comme pour ses témoins. Refusant les mouvements de pudeur comme les excès de pathos, il donne de la dégénérescence, de la perte de contrôle progressive du corps et de l’esprit, affaiblissement, pertes de mémoire jusqu’à prendre une chambre pour WC, crises de colère, le spectacle le plus vériste possible, cherchant pour chaque symptôme une distance propre à montrer sans faire fuir ni racoler. Dans le même mouvement, en plaçant le malade au centre de chaque scène, il en fait le pôle d’attraction de son autre objet d’observation : les réactions de ses proches qui tentent, pour lui et pour eux-mêmes, de s’adapter à la situation, de faire prévaloir la vie alors même que la mort s’avance inéluctablement. Il amène le spectateur à faire partie de ces témoins, assistant à cette désagrégation et faisant l’effort de surmonter le dégoût qu’elle peut lui inspirer.

Andreas dresen donne de la distance à l'observation d’un corps humain peu à peu poussé malgré lui à faire des choses absurdes et exaspérantes, comme uriner dans la chambre de sa fille, piquer des crises de colère incontrôlée, ou s’imaginer voir sa tumeur dans une émission télé. On retrouve là l'Idée de la personnalisation du Cancer, le cancer de Franck comme dans Le Bruit des glaçons de Bertrand Blier. Dresen donne au récit une respiration en montrant le journal filmé que réalise Frank avec son iPhone et dont les images numériques hantent épisodiquement le film, subsistant même lorsque le cerveau du malade n’est plus guère en état de penser cet acte d’enregistrement, suggérant ainsi la lutte persistante de l’esprit dans ce corps en perdition.

« Avec la même pudeur que son titre original (Arrêt en pleine voie), la mise en scène capte la surprise et le désarroi que constitue toute mort mais en s’attachant à un quotidien où le dérèglement provoque aussi un décalage d’humour et un sursaut d’amour. Car surgit, avec une intensité nouvelle, ce qui fait le prix de la vie : rire de sa propre tragédie, se réapproprier un corps qui réclame la douceur du vent ou la caresse d’une main avant que plus rien ne vous frôle. Dans ce film simple et direct, l’absence de sentimentalité permet alors d’aller au plus près de cet ironique mélange de drôlerie et de douleur, de crudité et de douceur qui laisse les hommes au bord du vertige de vivre. »
Philippe Piazzo, 3 avril 2012

Distribution

  • Steffi Kühnert: Simone Lange
  • Milan Peschel: Frank Lange
  • Talisa Lilli Lemke: Lilly Lange
  • Mika Nilson Seidel: Mika Lange
  • Ursula Werner: Renate, Simones Mutter
  • Marie Rosa Tietjen: Simones Schwester
  • Otto Mellies: Ernst, Franks Vater
  • Christine Schorn: Franks Mutter
  • Bernhard Schütz: Stefan
  • Thorsten Merten: Le cancer de Frank
  • Inka Friedrich: Ina Lange

Fiche technique

  • Titre original: Halt auf freier Strecke (litt Arrêt en pleine voie)
  • Réalisation : Andreas Dresen
  • Scénario : Andreas Dresen ; Cooky Ziesche
  • Production : Peter Rommel
  • Images : Michael Hammon
  • Montage : Jörg Hauschild
  • Durée : 109 minutes
  • Date de sortie : 15 mai 2011 (Festival de Cannes)
  • Récompense : Grand Prix de la section Un Certain Regard au Festival de Cannes en 2011


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