Ressources humaines

De Cinéann.

Ressources humaines film français de Laurent Cantet, sorti en 2000

Analyse critique

Laurent Cantet présente Frank, un jeune étudiant dans une grande école de commerce, qui revient chez ses parents le temps d'un stage qu'il doit faire dans l'usine où son père est ouvrier depuis trente ans. Affecté au service des ressources humaines, il se croit de taille à bousculer le conservatisme de la direction qui a du mal à mener les négociations sur la réduction du temps de travail (35h). Jusqu'au jour où il découvre que son travail sert de stratégie pour la mise en place d’un licenciement de douze personnes, dont son père.

Les personnages sont typés.
Le Patron , la cinquantaine un peu dodue, en costume classique, roule en Mercedes et écoute de la musique classique, il pratique deux langages différents vis-à-vis des ouvriers, paternaliste par devant, cynique et sans pitié par derrière, dans le but d’augmenter ses profits.
Le DRH a la quarantaine, dynamique, physique et entretenu, porte des vêtements prétentieux qui se veulent chics et à la mode, cravates criardes, veste Mao. Il soutient le patron et pratique aussi deux langages différents dans le but de manipuler les délégués syndicaux et les ouvriers.
Jean-Claude, le père ouvrier est en fin de carrière, en bleu de travail ou en vêtements modestes, il habite un petit pavillon, roule en vieille 309 Peugeot et fait de la menuiserie pendant ses loisirs comme un bricoleur du dimanche. Il fonctionne à l’ancienne, paie le restaurant en liquide, et ne comprend pas tout ce qui est moderne . Très respectueux de la hiérarchie et ne demande rien à personne.
Mme Arnoux, la syndicaliste CGT, tient un discours viscéralement anti-patronal : « …la faute au libéralisme », elle était d’abord hostile à Franck vis-à-vis de son stage à la DRH puis devenant plutôt sympathique vu la tournure de la fin du film.
Franck est dans l’entre-deux, il est tiraillé entre son milieu d’origine modeste et le monde patronal auquel ses études vont lui permettre d’accéder. Il alterne les symboles de l’une ou l’autre des classes sociales : ses vêtements, costume ou jeans. Il ne se sent plus vraiment chez lui dans le monde ouvrier , mais il n’est pas rentré vraiment dans le milieu patronal, exclu de certaines réunions, on lui ferme la porte au nez.

La limpidité globale de la mise en scène révèle sa dimension politique et même militante. Une telle clarté, une telle simplicité visuelle et narrative, résultat d’une longue et rigoureuse enquête, expriment en termes de cinéma l’urgence ressentie par le réalisateur de mettre au clair les enjeux politiques et sociaux soulevés par la mise en place de la loi des 35 heures.

Un des signes de la volonté de Cantet d’aller au cœur de son sujet est l’absence d’histoire d’amour. Les personnages féminins sont rares et les plus marquants sont d'age mûr et jouent un rôle important dans la mesure où ils encadrent Franck entre protection maternelle et agressivité syndicale. La mère de Franck, est une femme au foyer, quasiment invisible et confinée dans sa maison. Elle ne cesse de protéger son fils, de le mettre sur un piédestal en le félicitant d’être beau en costume le matin de son entretien, ou en rabrouant son mari qui veut discuter travail avec son fils.

L’élimination des ingrédients narratifs les plus typiquement romanesques participe du travail de Cantet pour remettre en question le traitement du monde ouvrier par les reportages télévisuels et les documentaires à portée sociale. Ressources humaines ne prétend pas faire un portrait de la condition ouvrière, et exclut donc la dimension misérabiliste et naturaliste du monde ouvrier que cultivent les reportages. Cependant, Cantet ancre son film dans le réel d’une situation politique celle de la loi des 35 heures et plus précisément de son application, c’est par ce biais très concret qu’il aborde la problématique des rapports entre patron et ouvriers.

Tout au long du film, le choix de passer d’une séquence à l’autre par un fondu au noir est une façon subtile de représenter et de penser le monde ouvrier, en jouant sur la répétition. La narration suit alors un rythme mécanique, rappelant celui de la machine du père qui exige d’aller toujours plus vite. La narration est prise dans l’engrenage des heures et des journées à l’usine qui passent et se ressemblent, au point que chaque séquence est momentanément vidée d’une dynamique fictionnelle propre. Chaque fondu au noir clôt et ouvre une scène qui semble valoir la précédente ou la suivante.

Distribution

  • Jalil Lespert : Franck
  • Jean-Claude Vallod : le père
  • Chantal Barré : la mère
  • Véronique de Pandelaère : Sylvie
  • Michel Begnez : Olivier
  • Lucien Longueville : le patron
  • Danielle Mélador : madame Arnoux
  • Pascal Sémard : le directeur des ressources humaines

Fiche technique

  • Scénario et réalisation : Laurent Cantet
  • Dialogues : Laurent Cantet et Gilles Marchand
  • Photographie : Matthieu Poirot-Delpech, Claire Caroff
  • Montage : Robin Campillo, Stéphanie Léger
  • Production : Caroline Benjo, Carole Scotta
  • Sociétés de production : Haut et Court (Paris), La Sept-Arte
  • Durée : 100 minutes
  • Dates de sortie : 15 janvier 2000
  • Récompenses
    • Meilleure première œuvre, 2001, à la Mostra de Venise 2001
    • 2001 César du meilleur premier film; César du meilleur espoir masculin pour Jalil Lespert


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