Rien à faire
De Cinéann.
Rien à faire film français de Marion Vernoux sorti en 1999
Analyse critique
Pierre et Marie-Do sont au chômage. Mariés mais pas ensemble. Ils font leurs courses au supermarché, deviennent amis puis amants. Le film est une romance populaire qui débute sous l'égide langoureuse de la chanson de Christophe : « Je lui dirai les mots bleus... » Un cadre moyen et une ouvrière se croisent au supermarché, papotent, se recroisent, finissent par se voir régulièrement. Histoire simple, histoire banale. Pour Marie-Do, femme au foyer malgré elle et presque résignée, cela fait quatorze mois ; pour Pierre, cadre accrocheur, quelques semaines. Elle aime la chansonnette, lit les horoscopes, participe aux jeux radiophoniques, mange n'importe quoi et veut maigrir ; lui est sec, direct, et parle beaucoup de technique de vente.
Marion Vernoux insiste sur leurs différences sociales et culturelles : ils ne consomment pas les mêmes produits, n'ont pas le même humour ni les mêmes loisirs. Autant d'informations objectives un peu en discordance avec la forme âpre, gros grain et caméra à l'épaule, proche du quotidien. La seconde partie du film va effacer ces étiquettes pour laisser affleurer une vérité moins évidente. Les personnages vont sortir des rails. Le film prend racine dans les courants d'air, les zones de passage. Allées de supermarchés, parkings, cafétérias. Un territoire impersonnel mais que Marie-Do et Pierre s'approprient pour en faire des lieux d'intimité. Ailleurs, ils ont un mari, une épouse, des enfants. Là, ils se retrouvent pour une relation instable, suspendue au chômage. Un travail décroché et c'est la rupture probable, puisqu'ils n'auront plus de temps pour se voir.
Car l'amour est précaire, rien n'est sûr, même si Marie-Do déclare une fois sa flamme à Pierre. L'intérêt du film repose sur cette incertitude. Point de passion dévorante ici, ni d'épanchements lyriques. Simplement un amour, sans jeu de séduction, sans rapport de force, égalitaire, en quelque sorte. A l'image de cette séquence touchante et ludique où Pierre donne un coup de main à Marie-Do, qui fait des ménages. Autant amant et amante que frère et sœur, ami et amie, Pierre et Marie-Do semblent acquérir une forme d'innocence lorsqu'ils sont ensemble. Plus le film avance, plus leurs défenses tombent. Plus les deux acteurs, Patrick Dell'Isola et Valéria Bruni-Tedeschi, étonnent en jouant sur un fil, en flottant tels des somnambules. Cette insouciance, il n'est pas interdit de l'interpréter comme un bras d'honneur au règne de la rentabilité à tout crin. Le travail est ici perçu comme une menace.
« Rien à faire est un film très intelligent, d’une finesse extrême dans l’analyse des comportements humains, la description de la naissance des sentiments dont, le plus souvent, on fait semblant de croire qu’ils vous tombent dessus sans crier gare. Marion Vernoux, tout en associant ses deux protagonistes sans relâche, fouille surtout ce qui les sépare, ce qui les éloigne. Elle capte tout, les néons et la musique de la foire, les annonces promotionnelles et les battements des caisses enregistreuses, tout ce qui rythme la vie de ses personnages, qui fait qu’ils ne sont pas autres. Son regard les restitue à leur humanité. » Pascal Mérigeau
Distribution
Fiche technique
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