Témoin à charge

De Cinéann.

Témoin à charge (Witness for the Prosecution) est un film américain de Billy Wilder, sorti en 1957 et adapté d'une pièce d'Agatha Christie.

Analyse critique

Sir Wilfrid, un brillant et expérimenté avocat spécialiste des causes perdues, sort d'un séjour prolongé à l'hôpital et doit, pour des raisons de santé, renoncer à s'occuper d'affaires criminelles trop stimulantes.Sir Wilfrid Robarts reçoit la visite de Leonard Vole, élégant homme sans le sou soupçonné du meurtre d’Emily French, une riche veuve brutalement assassinée quelques jours plus tôt. Quand il est révélé que Vole était l’unique bénéficiaire du testament de la victime, Sir Wilfrid cherche à contacter Christine, l’épouse du prévenu, qui seule par son témoignage peut le disculper. Mais cette allemande mystérieuse, rencontrée par Vole à Berlin, loin d’étayer le fragile alibi de son mari, va se révéler être un témoin à charge contre lui. Elle est son seul alibi pour le soir du meurtre. Son attitude très froide et son rôle crucial dans l'affaire font changer Sir Wilfrid d'avis, qui décide malgré les recommandations des médecins de s'occuper de cette affaire fascinante.

Mais au cours du procès, Christine accuse son mari du meurtre de Mrs French ! Le jury se retire pour délibérer. La nuit suivante, Helm, une femme de mauvaise vie contacte sir Wilfrid et lui vend des lettres d'amour appartenant à Christine et démontrant que cette dernière a délibérément menti au procès pour se débarrasser de son mari et épouser son amant. Vole est reconnu innocent.

Mais un ultime coup de théâtre a lieu : Christine, qui aime profondément son mari, avait elle-même écrit les lettres et monté toute cette machination pour l'innocenter. Car Leonard Vole a bien tué Mrs French et elle le sait ! Cependant, lorsqu'elle apprend que Leonard, désormais riche, s'apprêtait à fuir avec une autre femme en l'abandonnant, elle le tuera dans un accès de colère. Passionné par la personnalité exceptionnelle de la jeune femme, sir Wilfrid assurera à son tour sa défense.

Ce classique film de procès a un scénario bien huilé, car il est tiré d'un des romans d'Agatha Chistie avec ses rebondissements quant au rôle de Marlène Dietrich : femme mystérieuse, puis traître, puis machiavélique, puis amoureuse transie. A l’origine, The Witness for the Prosecution est une nouvelle assez brève qu’Agatha Christie écrivit en 1924 et qu’elle adapta plusieurs décennies plus tard pour la scène : la première de la pièce eut lieu en octobre 1953 à Londres, avant d’être montée à Broadway dès l’année suivante. Devant le succès public, les producteurs de Hollywood ne tardèrent pas à s’y intéresser.

Le travail de réécriture de Billy Wilder et de Harry Kurnitz, qui trouvaient la trame de la pièce intéressante mais ses personnages squelettiques, donne du corps au personnage de Sir Wilfrid, sensiblement différent de celui qui apparaissait dans la pièce. En effet, l’avocat pensé par Agatha Christie est solide, autoritaire et dynamique ; tandis que le Sir Wilfrid écrit par Wilder et composé par Charles Laughton apparaît dès la première scène comme un homme âgé, d’un grand esprit mais à la santé fragile, qui revient de l’hôpital suite à une attaque et doit impérativement éviter toute suractivité professionnelle. A l’épure de l’intrigue originale qui se consacre essentiellement sur Leonard Vole et son jugement, Wilder ajoute ainsi une dramatisation propre à ce personnage de Sir Wilfrid qui met donc sa propre santé en jeu dans ce procès. De plus, le film a l’excellente idée, pour renforcer cet aspect, de créer un personnage absent de la pièce, Miss Plimsoll, l’infirmière personnelle de Sir Wilfrid, qui vient souligner à la fois la fragilité physique et la vivacité de l’esprit de celui-ci, puisque leurs chamailleries continuelles offrent au film certaines de ses meilleures répliques.

L'intérêt du film réside essentiellement dans le jeu de Marlène Dietrich, au sommet de son art. Wilder fut frappé par la profondeur de l’investissement de Marlene Dietrich, qui se mit à jouer « comme si toute sa carrière en dépendait. » On peut comprendre que le rôle de Christine Vole ait été pour elle un défi passionnant car il proposait à l’actrice une double orientation, d’une part en capitalisant sur sa propre mythologie dietrichienne lors d’une séquence berlinoise durant laquelle l’actrice livre un numéro de cabaret se terminant sur l’exhibition de ses légendaires jambes ; d’autre part en lui offrant l’occasion de brouiller un peu son image de froide manipulatrice en explorant des facettes plus complexes de sa personnalité. Dans un premier temps fidèle à cet archétype de la blonde fatale la montre conforme à son image de femme calculatrice, distante, implacablement dépassionnée, rôle qu’elle avait peu ou prou déjà tenu pour Wilder dans La Scandaleuse de Berlin, le personnage de Christine se fissure ensuite, se révèle, montrant une fragilité émotionnelle dans laquelle la comédienne se révèle extrêmement émouvante. De plus Dietrich s’impliqua également fortement dans la composition du troisième rôle essentiel à l’intrigue, celui de la prostituée Helm, en cherchant à devenir une cockney crédible et en modelant pour ce faire un faux nez avec l’aide d’Orson Welles, ou en travaillant son accent avec Charles Laughton et Noel Coward. Le résultat est saisissant, à tel point que certains, peinent à croire qu’il s’agit bien d’elle.

Un critique, Noël Simsolo, déclare:

« Témoin à charge est un film où chaque acteur est contraint de placer sa performance en diverses perspectives vocales et expressives à cause de la profession, la situation physique, la dualité, les déguisements ou la psychologie de son personnage englué dans les petits et les gros mensonges. Nous sommes dans le sordide au-delà du prétexte du crime crapuleux. L’intrigue est solide. Le suspense à la façon de Hitchcock est parfaitement mené. Les trouvailles de mise en scène font mouche. »

Distribution

  • Tyrone Power : Leonard Vole
  • Marlene Dietrich : Christine Vole/Helm
  • Charles Laughton : Sir Wilfrid Robarts
  • Elsa Lanchester : Miss Plimsoll
  • John Williams : Brogan-Moore
  • Henry Daniell : Mayhew
  • Ian Wolfe : Carter
  • Una O'Connor : Janet McKenzie
  • Torin Thatcher : Mr Myers

Fiche technique

  • Titre original : Witness for the Prosecution
  • Réalisation : Billy Wilder
  • Scénario : Billy Wilder, Harry Kurnitz et Larry Marcus d'après la pièce d'Agatha Christie, Témoin à charge (1953), elle-même adaptée de la nouvelle Témoin à charge (1925)
  • Photographie : Russell Harlan
  • Montage : Daniel Mandell
  • Musique : Many Malneck
  • Production Arthur Hornblow Jr.
  • Société de distribution : United Artists
  • Format : Noir et blanc - 35 mm - 1,66:1 - Son mono
  • Durée : 116 minutes
  • Dates de sortie : USA 17 décembre 1957
    • France : 19 février 1958



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