Truman Capote

De Cinéann.

Truman Capote (Capote) est un film américain réalisé par Bennett Miller, sorti en 2005.

Sommaire

Synopsis

En novembre 1959, Truman Capote, auteur de Breakfast at Tiffany's et personnalité très en vue, apprend dans le New York Times le meurtre de quatre membres d'une famille de fermiers du Kansas. Ce genre de fait divers n'est pas rare, mais celui-ci l'intrigue. En précurseur, il pense qu'une histoire vraie peut être aussi passionnante qu'une fiction si elle est bien racontée. Il voit là l'occasion de vérifier sa théorie. Il obtient du New Yorker de partir enquêter sur les lieux du drame, à Holcomb, dans cette Amérique rurale dont il ignore presque tout. Son amie d'enfance Harper Lee, à qui il a demandé de l'accompagner, facilite beaucoup ses relations avec la population locale du Midwest et lui est d'une aide précieuse durant son travail de recherches. A son arrivée, son apparence et ses manières provoquent d'abord l'hostilité de ces gens modestes qui se considèrent encore comme une part du Vieil Ouest, mais il gagne rapidement leur confiance, et notamment celle d'Alvin Dewey, l'agent du Bureau d'Investigation qui dirige l'enquête.

Capote passe de longs mois à interroger les témoins, à éplucher les rapports de police et, après l'arrestation des deux assassins, à les rencontrer en prison, à gagner leur confiance, devenant leur lien privilégié avec le monde non-carcéral. L'élaboration du livre lui prend quatre ans. Il analyse les rouages de l'affaire en restant au plus près des faits, décrit méticuleusement le décor du drame, une Amérique sûre de ses valeurs sociales et prisonnière de ses principes religieux. Il insère le tout dans le cadre d'un roman noir de "non-fiction", d'une création expérimentale entièrement originale. Il utilise enfin l'énigme que représentent ces quatre meurtres sauvagement gratuits pour s'approcher du mystère de l'homme doué de raison et pourtant si capable du pire.

Quelle que soit la sincérité de l'écrivain dans sa compassion pour les deux meurtriers, le titre arrêté de l'ouvrage (De sang-froid) est une condamnation sans appel puisqu'il affirme la préméditation. En avril 1965, Smith et Hickock sont exécutés. Le livre peut paraître. Il s'en vendra des millions d'exemplaires, mais jamais plus Capote n'écrira un texte de cette ampleur. Ce film raconte l'histoire de l'écriture de ce roman, le plus important de sa vie.

Critique

L’intelligence de Bennett Miller est d’avoir vu la similitude entre le crime et le fait d'en faire un livre à succès, la saisissante complicité de deux évènements. Une lumière sombre irradie son film, d’où sort une atmosphère de conspiration : le secret du meurtre est également le secret du livre, le dandy newyorkais suscite à peine moins le soupçon, parmi la population de Holcomb, que les assassins Perry et Dick, et tous trois partagent une drôle d’intimité, à la fois ressemblance, absolution et condamnation réciproques.

Ressemblance : Capote reconnaît sa marginalité d’homosexuel refoulé dans celle des voyous, prête une oreille captivée à leurs récits, devient l’ami de Perry. Absolution : le fait divers se rehausse d’une neutralité d’art,cependant que Capote fournit un alibi de reportage à l’ambition qui le ronge et au grand coup qu’il prépare. Condamnation  : l’écrivain ne taira rien de la brutalité du meurtre, mais de son côté il ne pourra dissimuler sa hâte qu’arrive le jour de l’exécution, afin de pouvoir mettre un point final à son livre. L’enjeu, pour autant, ne concerne pas la morale.Ou plutôt il la concerne au plus haut point, celui de l’écriture  : par quel prodige Capote va-t-il trouver dans la compagnie des assassins l’élan propre à bondir hors de leur rang ?

Miller ne confond pas la non-fiction avec l’introduction d’un nouveau naturalisme littéraire. Une telle bévue eût été kamikaze, annulation de son geste dans le pléonasme d’une écriture qui se contente de répéter ce qu’on voit. Pur non-sens cinématographique. Le cinéaste procède inversement : en saluant dans la littérature un beau crime impuni et parfois même couronné, il se donne le moyen de la situer dans un espace soustrait au simplisme judiciaire de la preuve.

De sang froid semble observer Capote depuis un point fixe du futur. Dans un mélange de crainte et de ravissement, l’écrivain confie ainsi avoir le pressentiment d’un chef-d’œuvre : dès lors y seront requis en proportions égales son talent et sa capacité à n’être pas suffoqué par une telle promesse. Livre à venir : Capote en donnera une triomphale lecture publique avant même achèvement puis, retour subit d’humilité, prétendra à Perry n’avoir toujours pas de titre ni même écrit un mot.

Miller a compris quel retrait commande la représentation de la littérature. Ni écrivain suant à sa table, ni jaquette aperçue in fine dans la vitrine d’une librairie : l’adieu au folklore ne sert pas le mythe complice d’une essence introuvable. Si Miller dérobe à peu près tout indice d’écriture, c’est au contraire pour affirmer la certitude d’un livre dont l’ombre souveraine plane au-dessus du film tel un futur antérieur  : crime parfait, mac guffin, lettre volée.

La réussite complète du premier vrai long métrage de Bennett Miller ravit d’autant plus qu’un tel projet semblait piégé et cerné de tous côtés. Cerné par De sang froid, livre-monstre, aurore d’un nouvel âge littéraire, 8 millions d’exemplaires vendus, et par le film que Richard Brooks réalisa (De sang-froid, 1967), sur les lieux du drame et avec des acteurs pour la plupart amateurs; également cerné par la biographie de Gerald Clarke dont Dan Futterman a tiré le scénario. Ici plus encore qu’ailleurs, il fallait donc à tout prix éviter le ridicule propre aux 'biopics' : prétendre tirer un suspense de ce qui est désormais connu de tous. Pour réussir, la paire Miller & Futterman a su retourner la postérité de De sang froid en prémonition d’art, et éviter que le film s’ajoute comme un supplément à tout ce qui était venu avant et autour de lui. Elle a préféré faire confiance à la maigreur et à la neutralité de l’image, la laissant librement rayonner, tantôt vers l’origine du fait divers, tantôt vers l’horizon du livre, tantôt vers le temps multiple de l’écriture.

Distribution

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Fiche technique

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