Un beau soleil intérieur

De Cinéann.

Un beau soleil intérieur , film français de Claire Denis, sorti en 2017

Analyse critique

Isabelle, divorcée, un enfant, cherche un amour. Enfin un vrai amour. Ce scénario, à l'argument mince et banal, devient par la grâce de Claire Denis, aidée par Christine Angot, une comédie sentimentale dépressive et discursive.

Il faut d'abord rendre hommage à Juliette Binoche si légère, si simple, vulnérable et disponible dans le personnage d'Isabelle. Jolie, sexy, intelligente, drôle, reconnue dans son travail, elle est forcée d’admettre qu’à plus de 50 ans, en vivant correctement, mais dans une précarité relative, l’ordre des choses lui est de plus en plus hostile.

Isabelle chancelle, mais elle fait son match, remonte en selle chaque fois qu’on la met à terre, s’interroge sur « les vertus de l’échec », pour reprendre le titre, cruellement ironique, du livre qui traîne sur sa table basse, cède à la révolte quand l’assurance confite des petits potentats de l’art contemporain qu’elle fréquente lui devient insupportable. Cette réalité souligne l’inégalité entre les hommes et les femmes face à l’âge, au pouvoir, à l’argent. Des larmes qui jaillissent sur le visage de Binoche aux sourires alternativement incrédule, enfantin, ironique qui viennent aussitôt les balayer, le film glisse, comme il glisse d’un amant à l’autre, d’un sentiment à l’autre.

Pour compléter le tableau, les deux scénaristes imaginent une étonnante galerie de personnages masculins ayant tous des rapports compliqués avec le sentiment amoureux. En jouant chacun sa partition, à la fois outrancière et plus vraie que nature, ils offrent à Catherine Binoche une réplique parfaite. Xavier Beauvois en banquier hédoniste et cynique, Philippe Katerine en grand bourgeois excentrique, Nicolas Duvauchelle en acteur de théâtre alcoolique, Laurent Grévill en ex-mari tentant une reconquête, Bruno Podalydès en galeriste anesthésié par sa nature bourgeoise, Paul Blain en homme du peuple tendre et fataliste, Alex Descas en conservateur de musée plein de mystère, Gérard Depardieu génial en diseur de bonne aventure, qui conclut le film.

Claire Denis ne cache pas l'influence des Fragments d’un discours amoureux, de Roland Barthes, en témoigne ce passage « L’amoureux ne cesse de courir dans sa tête, d’entreprendre de nouvelles démarches et d’intriguer contre lui-même. Son discours n’existe jamais que par bouffées de langage, qui lui viennent au gré de circonstances infimes, aléatoires. »

«Avec cette volonté de regarder du côté du beau soleil, le film tient à distance les clichés sur la lâcheté des hommes ou la faiblesse des femmes. Il est ailleurs, dans un monde intérieur. Mais cette intimité féminine, Claire Denis l’accueille, et la cueille, avec un regard fort, franc, des plans cadrés, toujours très tenus, au bord de la dureté. C’est ce qui donne de la légèreté à ce film tourné, on le sent, dans une belle complicité. La beauté de Juliette Binoche, son élan naturel, suffisent à créer de la proximité avec le spectateur. Un casting étonnant. Et qui fonctionne très bien. »
Frédéric Strauss, Télérama, 19 mai 2017

Distribution

Fiche technique

  • Réalisation : Claire Denis
  • Scénario : Christine Angot et Claire Denis
  • Producteur : Olivier Delbosc
  • Société de production : Curiosa Films
  • Musique : Stuart A. Staples
  • Photographie : Agnès Godard
  • Montage : Guy Lecorne
  • Dates de sortie : 18 mai 2017 Festival de Cannes 2017, Quinzaine des réalisateurs
    • sortie nationale : 27 septembre 2017
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