Un château en Italie
De Cinéann.
Version actuelle en date du 13 mars 2014 à 08:56
Un château en Italie, film français de Valeria Bruni-Tedeschi sorti en 2013. Il est présenté en compétition officielle lors du Festival de Cannes 2013.
Analyse critique
Louise a 43 ans, pas de mari, pas d'enfants et pas de travail, au grand dam de sa mère, femme aimante mais envahissante. Comédienne au statut précaire, Louise adore sa famille, de grands bourgeois italiens, immigrés en France à l'époque où les Brigades Rouges les menaçaient d'enlèvement. En pleine crise existentielle, Louise tombe amoureuse de Nathan qui voudrait bien l'être également si elle ne lui mettait la pression pour avoir un enfant. Il faut dire que Nathan a vingt ans de moins qu'elle et ne songe pas sérieusement à s'installer. Alors que Louise doit gérer une relation sentimentale compliquée, pendant que Ludovic, son frère adoré, meurt peu à peu du sida.
Le film est largement inspiré par la propre histoire familiale de Valeria, comme en témoigne la présence de Marisa Bruni Tedeschi, sa mère, dans le rôle de la mère du personnage principal. Ce film raconte le déclin de la grande bourgeoisie italienne à partir de la trajectoire erratique d'une quadragénaire irrésolue. Pour Valeria Bruni-Tedeschi l'entreprise cinématographique s'apparente à une psychanalyse, tant elle met à nu ses angoisses, ses névroses et sa culpabilité de riche héritière.
La cinéaste évoque la tentation de la religion, le poids du passé familial, la crise de la quarantaine, les désillusions de l'acteur, la maladie et la mort. Les vicissitudes de la vie de son personnage sont traitées avec auto-dérision et une légèreté burlesque.
Ballottée entre un passé qui s'apprête à être remisé au prix de différents familiaux car il s'agit de se débarrasser du poids patrimonial que représente le château et des tableaux de maître du défunt père et un horizon qui peine à se dessiner, son désir d'enfant est malheureusement contrarié par sa stérilité, Louise fait la navette entre sa famille qui se délite en même temps que son frère atteint du sida, et son compagnon aussi dilettante qu'elle, de quinze ans son cadet.
Le film fait la part belle à l'art de la saynète burlesque ou cocasse, mais avec une grande maîtrise, les thèmes qui le traversent en fil rouge lui confèrent une unité dramatique et une profondeur qui touchent au chef d'œuvre. On retiendra la scène où Louise s'enduit frénétiquement le ventre d'eau bénite pour augmenter les chances de réussite de sa fécondation in-vitro ou l'échange surréaliste avec une religieuse italienne.
Joué par Filippo Timi, le frère a l'étoffe d'un héros de roman russe, fatigué et flamboyant. Le cinéaste Xavier Beauvois impressionne en ex-bouffon déchu et odieux de cette famille de dégénérés qu'il ne peut s'empêcher d'aimer.
En utilisant la loufoquerie dans un monde crépusculaire à la Visconti, Valeria Bruni-Tedeschi résiste à l'excès de nostalgie et parle, au contraire, de renaissance à travers l'amour d'un autre, fût-il à la dérive et pas toujours aimable. Elle se raconte à travers ses personnages, mais elle a le don d'émouvoir et de faire réfléchir quand elle pourrait ne parler que d'elle.
Distribution
Fiche technique
|
|