Un conte de Noël

De Cinéann.

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Version actuelle en date du 28 août 2008 à 19:09

Un conte de Noël sous-titré Roubaix est un film d'Arnaud Desplechin sorti en 2008. Le film a été présenté parmi les films en compétion lors du Festival de Cannes le 16 mai 2008.

Sommaire

Analyse critique

À l’origine, Abel et Junon Vuillard eurent deux enfants, Joseph et Elizabeth. Atteint d’une maladie génétique rare, le petit Joseph devait recevoir une greffe de mœlle osseuse. Elizabeth n’était pas compatible, ses parents conçurent alors un troisième enfant dans l’espoir de sauver Joseph. Mais Henri qui allait bientôt naître, lui non plus, ne pouvait rien pour son frère - et Joseph mourut à l’âge de six ans.

Après la naissance d’un petit dernier, Ivan, la famille Vuillard se remet doucement de la mort du premier-né. Les années ont passé, Elizabeth est devenue écrivain de théâtre à Paris. Henri court de bonnes affaires en faillites frauduleuses, et Ivan, l’adolescent au bord du gouffre, est devenu le père presque raisonnable de deux garçons. Un jour fatal, Elizabeth, excédée par les abus de son frère, a « banni » Henri, solennellement. Plus personne ne sait exactement ce qui s’est passé, ni pourquoi. Henri a disparu, et la famille semble aujourd’hui dissoute. Seul Simon, le neveu de Junon, recueilli par sa tante à la mort de ses parents, maintient difficilement le semblant d’un lien entre les parents provinciaux, la sœur vertueuse, le frère incertain et le frère honni…

Un Conte de Noël commence six ans plus tard avec la réapparition de la maladie qui avait emporté le petit Joseph : Junon apprend qu’elle est atteinte d’une leucémie qu’aucune chimiothérapie ne pourrait guérir. Il lui faut maintenant trouver un donneur potentiel de mœlle parmi les membres de sa famille. Enfants et petits-enfants font les tests. Et Paul Dédalus, le fils d’Elizabeth, l’aîné des petits-enfants, adolescent torturé, se laisse déborder par l’angoisse en apprenant qu'il peut être un donneur de mœlle pour sa grand'mère.

Noël approche. Toute la famille se réunit pour trois jours dans la grande maison parentale à Roubaix. Convié par Paul, même Henri a accepté l’invitation et vient accompagné de sa nouvelle conquête : Faunia. L’heure serait aux règlements de compte, pourtant, la situation s’apaise. Et le monde s’enchante. Sylvia apprend les sentiments que Simon éprouve pour elle depuis des années. Henri annonce qu'il est un donneur compatible avec sa mère Junon qui cependant hésite à procéder à une greffe qui n'est pas sans risque.

En écrivant le scénario en collaboration avec Emmanuel Bourdieu, Arnaud Desplechin avait les personnages de Howard Hawks en tête. Ceux de Seuls les anges ont des ailes surtout, ces aviateurs trop cernés par la mort pour avoir le temps de prendre des gants avec la vie et ses hypocrisies. Ses héros sont, eux aussi, des durs à cuire. Des fonceurs qui n'ont pas froid aux yeux. « S'il y a une horreur à dire ou à faire, ils la disent et ils la font », explique le réalisateur.

Ainsi, quelques années auparavant, Elisabeth a-t-elle décidé de bannir son frère (oui, bannir, comme dans ces vieilles histoires bibliques que Desplechin affectionne tant). Pourquoi ? Parce qu'à ses yeux il était le Mal à l'état pur, susceptible de gangrener la famille et, surtout, son fils. Henri s'était donc retrouvé rejeté, chassé, exilé, exclu. Frère indigne, indigné par son sort.

D'autant que, mal-aimé par sa soeur, Henri l'est aussi par Junon, cette mère malade qu'il est pourtant l'un des rares à pouvoir sauver. La nuit, ces deux-là - Deneuve et Amalric - s'affrontent, assis tous deux dans le jardin, fumant comme deux vieux briscards, à l'affût des failles de l'autre, pour mieux lui porter le coup de grâce. « Tu ne m'aimes toujours pas, hein ? - Mais je ne t'ai jamais aimé... - Moi non plus ! - ??a a toujours été la guerre totale ! - Mais j'ai gagné ! - Pas encore, mon fils... - Excuse-moi, tu as une myélodysplasie et, moi, je suis en parfaite santé. Et tu as besoin de ma moelle ! - Que tu es prétentieux... » On pense bien sûr à Ingmar Bergman : Fanny et Alexandre, pour son côté douillet, ou Saraband, pour sa férocité.

Ce sont des personnages à la fois ordinaires et exceptionnels que le cinéaste se plait ici à décrire, ce sont des chassés-croisés, des moments de vie, des dialogues, des réflexions. Il n'y a pas de coup de théâtre, ni de moments vraiment intenses, mais une exploration complète des relations interpersonnelles. Sous le prétexte de la thématique des retrouvailles, le réalisateur peint un tableau splendide et intelligent de la famille dans tous ces états.

Ils sont tous tenaces et ardents, comme on voudrait l'être. Et aussi paumés et fragiles qu'on aime le cacher. « Nous restons nécessairement étrangers à nous-mêmes, nous ne nous comprenons pas. Pour nous, vaut, de toute éternité, la formule : "Chacun est à soi-même le plus lointain." »... C'est Abel qui, tendrement, lit ce texte à Élisabeth. C'est du Nietzsche. La douce dérision des mots colle magnifiquement au film et à son élégance feutrée et sa cruauté insidieuse.

Rien n' échappe au réalisateur: les relations mère/fils, l’éternelle quête de reconnaissance des enfants, les luttes fratricides, le deuil d’un enfant, la perte d’une épouse, les non-dits, la maladie, les sempiternels repas et même l'absurdité de certaines positions de la communauté juive à travers le personnage de Faunia. Arnaud Desplechin, architecte des destinés de ses héros, bâti pierre par pierre son édifice, y incrustant une mulltitude de références cinématographiques, musicales, littéraires et mythologiques. Autour de personnages travaillés et de scènes originales qui portent davantage à la réflexion qu’à l’identification, le cinéaste met en scène sa commedia dell’arte.

Son cinéma n’est pas naturaliste. Ses repas ne ressemblent en rien aux grandes bouffes des films de Kechiche et les rapports humains sont bien loin des cris et chuchotements des frères Dardenne. La camera de Desplechin ne se soucie pas du réel, elle ne cherche ni à nous le donner ni à nous permettre de l’éprouver. Ce n’est pas le réel que son art recrée mais le cinéma dans son infini diversité. Le Roubaix de Desplechin n’a d’ailleurs rien à voir avec les représentations du Nord d’un Danny Boon, de la Vie rêvée des anges d’Eric Zonca ou de [[La Vie de Jésus]] de Bruno Dumont. La ville est ici sublimée, ses rues évoquant le New York d’un Martin Scorsese ou d’un Woody Allen.

Déclarations

Arnaud Desplechin déclare

  • « C'est souvent une chose qu'on entend que la famille est un poison. Lorsque le drame arrive, la maladie de la mère, tout se désorganise. Or, cette famille est déjà désorganisée et dans le désordre, elle va donc s'organiser. L'idée que ça soit un conte, sans queue ni tête, me plaît. »
  • « Je vais au cinéma pour mieux vivre. Je suis très bien à cet endroit. A l'écran, tout est mieux que dans la vie. Lorsque je fabrique des films, j'essaie de comprendre comment ça marche. »

Catherine Deneuve, sur la déclaration de non-amour entre son personnage et son fils (joué par Mathieu Amalric):

  • « Je pense qu'elle est sincère lorsqu'elle lui dit qu'elle ne l'aime pas, mais ce n'est pas la réalité. C'est une scène assez plaisante parce qu'elle illustre un tabou, quelque chose d'interdit; l'amour maternel n'est pas inné. Comme l'amour est assez fort entre les parents, du coup, les enfants se sentent exclus. »

Distribution

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Fiche technique

  • Réalisation : Arnaud Desplechin
  • Scénario : Arnaud Desplechin et Emmanuel Bourdieu inspiré de l'essai La Greffe de Jacques Ascher et Jean-Pierre Jouet aux Presses universitaires de France
  • Photographie : Éric Gautier
  • Musique originale : Grégoire Hetzel
  • Montage : Laurence Briaud
  • Décors : Dan Bevan
  • Costumes: Nathalie Raoul
  • Producteur : Pascal Caucheteux
  • Durée : 150 minutes (2h 30)
  • Dates de sortie: 16 mai 2008 (Cannes) ; 21 mai 2008 (France)

Distinctions

Bien que le film n'ait pas reçu de récompenses lors du Festival de Cannes 2008, Catherine Deneuve obtient le Prix du 61e Festival de Cannes pour l'ensemble de sa carrière (conjointement avec Clint Eastwood) ; elle remercie alors spécifiquement Arnaud Desplechin et salue ses partenaires dans Un conte de Noël, en particulier Mathieu Amalric et Jean-Paul Roussillon. Ce prix a été perçu par une partie des critiques cinéma comme une sorte de compensation à l'absence du film dans le palmarès final


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