Recherchez sur ce site

Sommaire (edit)

Le cinéma

Liens

Développé grâce à: pmwiki.org

Changements Récents Version imprimable Edition

Le Bonheur est un film français réalisé par Agnès Varda, sorti en 1964.

Analyse

François a tout pour être heureux, il est jeune, marié, père de deux adorables enfants. Il exerce la profession de menuisier, il est proche de la nature. Mais, un jour, il s'éprend d'Emilie, guichetière dans une poste de banlieue parisienne. En toute bonne foi, François s'imagine dès lors que le bonheur ça s'additionne et le voilà qui trompe sa femme sans remords.

Ce film est le premier film en couleur d'Agnès Varda. Il y tout un travail sur la couleur, elle prend du plaisir avec ses palettes, bleu, vert, rouge, des pique-niques d'été rouges, des couleurs d'automne.

Pour accentuer le coté réaliste et simple de l'histoire, la vraie femme et les vrais enfants de Jean-Claude Drouot, qui joue François, sont les interprètes de l'épouse légitime et des enfants.

À sa sortie en 1965, le film a été interdit aux mineurs et qualifié de « superbement choquant » par un critique. Il faut replacer les choses dans leur contexte. Nous sommes quatre ans avant Mai 68. C'était étonnant à cette époque d'oser des propos aussi déconnectés de toute idée de remords et d'adultère. Aujourd'hui, bien sûr, il n'y a pas une scène qu'on interdirait. Il y a une proposition « tranquille » qui est de dire, au fond, ce n'est pas anormal d'être attiré par une autre femme que la sienne. Le personnage principal, François, est un type qui additionne le bonheur. La Morale est iconoclaste, mais ambigüe, le film a reçu un blâme de l'Église catholique et une recommandation de l'Église protestante.

Le film dégage une nostalgie prégnante, nostalgie qui ne tarde pas à se teinter brièvement de mélancolie pour finir dans une douceur telle qu'on ne sait plus exactement où se situe la blessure ou la cicatrice. Le bonheur de François est naturel, ni cherché, ni choisi, ni voulu, naturel, il s'offre et se prend, tout simplement. Il ne s'agit pas d'adultère ou de pamphlet machiste, au contraire, juste d'amour. Il ne le cache pas à sa femme, tente de lui expliquer ce qui lui arrive; ce bonheur qui n'enlève rien à ce qu'il vit avec elle, mais renforce son identité d'homme heureux. Elle tente de le comprendre.

Y a t-il égoïsme où il y a bonheur, le bonheur peut-il se conjuguer au pluriel ? Cette question est cruciale parce que dans le film, certes il aime deux femmes, il voit et aime leurs différences, mais dans sa définition du bonheur (vie familiale, proche de la nature, baignée de gestes tendres et de mots doux), elles deviennent interchangeables, l'une s'efface en douceur, suicide ou accident, dans un silence où reprend la musique inquiète de Mozart. Elle cède sa place à l'autre. Et tout reprend comme si de rien n'était, le bonheur a une légèreté que la souffrance n'a pas.

Il y a d'un côté un hédonisme innocent et naturel, profondément individuel et un anonymat terrible pour l'objet du désir (du désir amoureux), justement parce qu'il semble se fondre dans ce cadre paradisiaque. Mais "le bonheur - paraît-il - n'est pas gai"...

Déclarations d' Agnès Varda à propos du film

"Ce n'est pas l'imagination de l'histoire qui m'intéresse. C'est l'imagination du concept. Ce côté d'addition du bonheur sans remords. C'était ça qui m'intéressait. L'idée aussi que c'était un type auquel cette histoire pouvait arriver dans la mesure où ce n'était pas quelqu'un qui cherchait tellement la consommation. Il n'avait pas de frigo, il n'avait pas de bagnole, il travaillait l'artisanat du bois, ce qui est toujours beaucoup plus paisible que d'être dans une usine avec un syndicat. Il n'avait pas énormément de désir de possession parce qu'il était heureux avec sa femme et ses enfants et qu'il aimait la nature. J'avais mis des conditions sociales, psychologiques et environnementales de mon côté, pour que l'histoire soit éventuellement acceptable."

"Ce qui attire François, c'est cette femme. Ce qu'il désire, c'est la regarder. Mais, il ne peut pas ne pas voir. Donc il voit juste un tout petit peu. C'est minimaliste. Il voit un peu d'un banc, il voit un peu d'une caisse, il voit un peu d'un bouquet. J'ai toujours essayé de trouver un langage de cinéma. De même lorsque François trouve Thérèse morte, il n'arrive pas à la ramasser. Il n'arrive pas à la réalité de prendre sous les épaules sa femme morte et par le montage répétitif, il recommence ce geste, alors que dans la réalité il ne l'a ramassée qu'une fois bien sûr. Mais c'est comme s'il bégayait avec ses gestes, comme quand on est ému. C'est ça que j'ai essayé de rendre."

"La musique de Mozart, c'est une certaine idée du bonheur. Une fausse idée facile. De même, eux sont un cliché. Ils sont beaux, ils sont jeunes, ils sont dans la nature, les enfants sont mignons. Ce sont des clichés du couple et du bonheur en famille. Et le bonheur de Mozart est un cliché. Parce que, particulièrement à la fin de sa vie, il a créé des choses très belles, mais, je ne sais pas pourquoi, ça pince le cœur. Et là c'est l'idée que ce bonheur pince un peu. Ça ne marche pas. Ça ne passe pas, quoi."

Distribution

  • Jean-Claude Drouot : François
  • Claire Drouot : Therese
  • Olivier Drouot : Pierrot
  • Sandrine Drouot : Gisou
  • Marie-France Boyer : Émilie Savignard
  • Marcelle Faure-Bertin
  • Manon Lanclos
  • Sylvia Saurel
  • Marc Eyraud
  • Christian Riehl
  • Paul Vecchiali : Paul

Fiche technique

  • Réalisation : Agnès Varda
  • Production : Mag Bodard
  • Scénario : Agnès Varda
  • Dialogues : Agnès Varda
  • Musique originale : Jean-Michel Defaye
  • Musique additionnelle : Wolfgang Amadeus Mozart
  • Image : Claude Beausoleil , Jean Rabier
  • Montage : Janine Verneau
  • Durée : 80 minutes
  • Date de sortie : 1964
  • Récompense : Prix Louis Delluc 1964 ; Festival de Berlin 1965 : Ours d'Argent
Reproduction possible des textes sans altération, ni usage commercial avec mention de l'origine. .88x31.png Credit auteur : Ann.Ledoux