L'Adieu à la nuit

De Cinéann.

L'Adieu à la nuit , film français de André Téchiné, sorti en 2019

Analyse critique

Lorsqu'Alex, son petit-fils, vient la retrouver dans son centre équestre, Muriel est heureuse de l'accueillir pour ce qu'elle pense être des vacances avant que le jeune homme ne parte travailler au Canada. Mais peu à peu, Muriel va découvrir qu'Alex lui ment et qu'en fait, il se prépare à rejoindre la Syrie et un groupe de terroristes. Dans des décors naturels changeants, les personnages se débattent avec leurs contradictions.

C’est un film qui pose une question lancinante des années 2010: comment Alex, jeune Français perdu mais sans plus, peut-il se convertir à l’islam radical et, à l’aune de cet extrémisme, préparer son départ vers la Syrie pour y combattre dans les rangs de Daech ? Comment les familiers du jeune homme, notamment Muriel, sa grand-mère, vont-ils réagir à cet engagement et tenter de le contrarier ?

Loin des explications apaisantes ou du raisonnement à tout prix, André Téchiné opte pour le dépaysement humain, l’imagination des autres, fait le pari de la vie avec ses contradictions bouleversantes et miraculeuses, ses possibilités illimitées, mais aussi ses folies suicidaires. Ainsi du programme paradoxal qui résume le choix d’Alex : vivre vite, quitte à en mourir. L’Adieu à la nuit est un traité des passions mettant en scène la tristesse politico-sociale qui progresse et l'allégresse morale et collective qui malgré tout s’entête.

La mise en scène est pleine de virtuosités. La musique du film n’est pas une redondance mais un signal parmi d'autres qui alarme le spectateur plus qu’il ne le distrait. Les paysages ne sont pas cadrés pour illustrer mais pour troubler. Le film est situé dans le sud-ouest de la France où Muriel est la patronne d’un centre équestre que rejoint Alex, son petit-fils. Mais cette inscription géographique est sans cesse brouillée par d’autres repères discrets qui égarent le spectateur: un champ de cerisiers en fleurs (au début), le même champ de cerisiers en fruits (à la fin) ; ou une montagne enneigée filmée comme un volcan japonais.

Téchiné montre aussi que cette harmonie est souvent saccagée par les traces de l’humain : autoroutes qui griffent la plaine, motels de pacotille, cités pavillonnaires, mais elle aussi complétée par l'attention portée aux animaux, domestiques (le regard des chevaux dans le club hippique) ou sauvages (le grognement d’un sanglier qui la nuit ravage les vergers).

Catherine Deneuve est exceptionnelle. Elle n'est plus blonde mais brune, elle ne joue pas sur ce qu’elle montre mais sur ce qu’elle cache. De face, une femme aimante, protectrice, réaliste. De profil, une calculatrice rouée quand elle fomente de séquestrer Alex pour l’empêcher de partir. C'est une grand-mère courage, toujours à la frontière d’une profonde dépression.

L’Adieu à la nuit est marqué du sceau d’une éclipse inaugurale. La nuit en plein jour. Mais aussi une extinction de la lumière, qu’il ne faut pas regarder en face, comme la vérité, au risque sinon de se brûler les yeux. L’Adieu à la nuit est une leçon des ténèbres

Distribution

  • Catherine Deneuve : Muriel
  • Kacey Mottet-Klein : Alex
  • Oulaya Amamra : Lila
  • Stéphane Bak : Bilal
  • Jacques Nolot : le logeur de Lila

Fiche technique

  • Réalisation : André Téchiné
  • Scénario : Léa Mysius et André Téchiné, d’après une idée originale d’Amer Alwan et André Téchiné
  • Photographie : Julien Hirsch
  • Montage : Albertine Lastera
  • Musique : Alexis Rault
  • Production : Olivier Delbosc
  • Sociétés de production : Curiosa Films ; Arte France Cinéma, Legato Films et Bellini Films
  • Durée : 103 minutes
  • Dates de sortie : 12 février 2019 (Berlinale)
    • France : 24 avril 2019
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