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Angel est un film de François Ozon sorti le 14 mars 2007.

Analyse

En 1905, en Angleterre, Angel Deverell est une jeune fille qui est certaine d'être un écrivain dont le futur est prometteur. Son ascension dans le monde de l'écriture est effectivement fulgurant. Ainsi, elle réalise ce qu'elle rêvait depuis longtemps de faire, c'est à dire avoir du succès, de l'amour, et de la gloire. Mais, pour une femme, célibataire, ce ne serait pas un peu trop ?

Derrière le kitsch hollywoodien du dernier François Ozon, se cache le portrait implacable d’une femme forte, mais dont la force réside peut-être paradoxalement dans l'absence de réalisme. On pourrait être au spectacle comme dans Huit Femmes: Cette petite fée de l’écriture devient reine du roman à l’eau de rose, dans l’Angleterre des années 1900, et peut s’offrir le château de ses rêves, Paradise, château dont elle rêvait depuis la tendre enfance.

Mais le film a pourtant un tout autre goût. Une fois acclimaté à cet univers sorti d’un roman d’Elizabeth Taylor, on en oublie le décor rococo, et Angel elle-même ne semble plus rose bonbon. Au lieu de la regarder de loin, comme une marionnette d’écrivain, on est avec elle. Au lieu de la trouver fade et fausse, on comprend sa passion, sa vérité. Le kitsch, cette fois, a pris vie.

Amateur d’ambiguïtés de toutes sortes, Ozon les amasse comme des trésors dans ce film, le premier qu’il tourne en langue anglaise, avec des acteurs plutôt inconnus et formidables : tout y est apparences trompeuses, jusqu’au vertige. Ainsi, l’ascension d’Angel vers les sommets de la gloire « littéraire » est, semble-t-il, assurée par son imagination fertile, son innocence sentimentale, son désir d’offrir au public les romances qui le transporteront.

En fait, c’est un coup d’Etat : Elle interdit à son éditeur de changer la moindre virgule à son manuscrit, et sera intraitable avec ceux qui pourraient faire un accroc à son rêve. Sa tante, qui a le mauvais goût d’avoir été servante à Paradise et d’avoir pensé que la petite Angel aurait pu faire de même, sera rejetée hors de ce paradis. Sa mère y sera invitée et enfermée avec amour jusqu’à l’étouffement : coupée du monde extérieur, où elle a ses souvenirs, elle se fanera comme une fleur. Car celles qui s’épanouissent là ne peuvent être qu’artificielles, inventées, comme tout ce qu’aime Angel, fière de décrire dans ses romans la Grèce ou Londres, et l’existence en général, sans jamais y avoir mis les pieds. La réalité, elle la dicte. Elle l’ordonne parfaite.

Quand le chien du château meurt, il est remplacé par un chien identique : aucune ombre au tableau n’est autorisée. Mais quand Angel décide d’aimer un homme, qu’elle a décrété idéal et qui peint, malheureusement, des tableaux pleins d’ombres, son éden s’obscurcit. Et lorsque la guerre de 1914 se met à gronder, c’est toute son idée angélique de la vie qui est assiégée.

Tout en semblant dépeindre une héroïne romantique en robes froufroutantes, Ozon fait le portrait d’une femme un peu naïve, dans ses démonstrations d’autorité presque ridicules et jusqu’au bout de ses contradictions : à force de vouloir repousser les limites de ce Paradise dont elle est propriétaire, Angel a bâti un enfer. Et en brandissant son désir d’être écrivain avec supériorité, elle n’a produit que des romans pleins de clichés. Mais sa déroute n’est-elle pas la preuve de sa pureté, de son intransigeance, de sa foi en un idéal ? Les ambigüités se referment sur elle comme un piège, et la condamnent à une incertitude définitive. Au terme de sa vie, elle ne pourra dire qu’une seule chose : « Je suis Angel Deverell. » Tout le reste est sujet à caution. Ozon rend poignant ce destin qui ouvre son cinéma à une ampleur romanesque nouvelle et ne se noue finalement pas du tout comme un mélo larmoyant.

Où est la vérité, où est le mensonge pour l’artiste ? Cette question intéresse directement Ozon et son cinéma, où les faux-semblants n’empêchent pas la sincérité: où est l’échec, où est la réussite dans une vie ?

Distribution

  • Romola Garai : Angel
  • Charlotte Rampling : Hermione
  • Lucy Russell : Nora Howe-Nevinson
  • Michael Fassbender : Esmé
  • Sam Neill : Théo
  • Jacqueline Tong : La mère
  • Janine Duvitski : Tante Lottie
  • Christopher Benjamin : Seigneur Norley
  • Jemma Powell : Angelica
  • Simon Woods : Jeune journaliste
  • Alison Pargeter : Edwina
  • Seymour Matthews : Docteur
  • Tom Georgeson : Marvell
  • Una Stubbs : Professeur
  • Rosanna Lavelle : Lady Irania
  • Geoffrey Streatfield : Sebastian
  • Roger Morlidge : Le journaliste de Norley
  • Teresa Churcher : Gouvernante
  • Alexandre Garcia-Hidalgo : Le garde de la fète
  • Roland Javornik : Le garde de la fète

Fiche technique

  • Réalisation : François Ozon
  • Scénario : François Ozon et Martin Crimp (dialogues), d'après le roman d'Elizabeth Taylor (écrivain et non l'actrice Liz Taylor)
  • Production : Olivier Delbosc
  • Musique originale: Philippe Rombi
  • Image : Denis Lenoir
  • Costumes : Pascaline Chavanne
  • Montage : Muriel Breton
  • Film français, britannique, belge
  • Durée : 134 minutes
  • Date de sortie : 14 mars 2007
  • Tourné en : Anglais
Reproduction possible des textes sans altération, ni usage commercial avec mention de l'origine. .88x31.png Credit auteur : Ann.Ledoux