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Blow-Up est un film italo-britannique de Michelangelo Antonioni, sorti en 1966? et qui obtint la Palme d'or au festival de Cannes en 1967?.

Œuvre d'une grande modernité, Blow-Up questionne les rapports qu'entretiennent le réel et l'illusion, à travers le parcours initiatique et décousu d'un photographe de mode qui redécouvre, en sortant de son studio, l'épaisseur d'une réalité qui échappe à ses desseins.

C'est aussi un des rares films du réalisateur qui remporta un succès commercial relatif, en dépit de son austérité.

Analyse

À Londres, dans les années 60. Thomas, un photographe branché, se rend un matin dans un parc pour prendre des clichés. L'endroit est presque désert, sauf un couple qui s'embrasse, et que Thomas photographie de loin. La femme, Jane, s'aperçoit finalement de sa présence, et très dérangée, lui réclame les négatifs ; mais Thomas s'esquive. Jane le retrouve dans l'après-midi, et va jusqu'à s'offrir à lui : Thomas lui donne une pellicule, mais qui n'est pas la bonne.

Il développe les photographies du parc, et réalise par agrandissements successifs (blow-up signifie « agrandissement » en anglais) qu'il a en fait été le témoin d'un meurtre. Il se rend de nuit sur les lieux et découvre le cadavre que ses photographies lui ont révélé. De retour chez lui, il trouve son atelier vide : tous ses clichés et négatifs ont été volés. Désemparé, il cherche conseil auprès d'un ami, mais en vain. Au petit matin, il retourne au parc, pour découvrir que le corps a lui aussi disparu.

Blow-up est le récit d'une perte de contrôle et d'un apprentissage. Thomas, prenant conscience de son incapacité et de l'impossibilité de s'approprier le réel, apprend à le questionner, à revoir ses positions face à celui-ci et à prendre conscience du signe. Thomas ne cesse de se tromper au cours du film et, en cela, accomplit bien un parcours initiatique.

Thomas croit pouvoir maîtriser la réalité dans son studio de photos mais se trouve confronté à une réalité beaucoup plus complexe dans le parc. Il fait d'abord l’expérience du contact avec le monde réel par l’entremise de la photographie, laquelle n’était envisagé par lui jusqu’alors que comme un moyen de production, de fabrication d’images, d’icônes. Il redécouvre presque par hasard la capacité d’enregistrement et de témoignange de l’image photographique mais en surestime la portée.

Il croit d'abord avoir empêché un crime avant de comprendre qu'il n'a rien empêché du tout. Il croit tout pouvoir prouver avec la technique, celle de la photo, mais la preuve lui glisse entre les doigts. Thomas a beau se moquer de son ami peintre qui n'arrive pas à vendre ses gribouillages, il sait que celui-ci possède un net avantage sur lui : il laisse advenir la réalité, le sens n'arrive pas de suite, il faut d'abord que le mystère prenne. Tel est probablement le sens du son de la balle de tennis que veut bien percevoir Thomas à la fin du film.

Antonioni ne pose pas l'absence de sens comme une évidence, mais met en scène un dispositif où un seul regard ne peu suffire à prouver quoi que ce soit. C'est en confrontant les différents regards mis en jeu dans le récit que le spectateur peut lire la réalité qui ne se dérobe pas mais ne s'offre pas non plus immédiatement et sans déchiffrement. Le film met en jeu quatre types de regards, celui de Thomas, celui de son appareil photo, celui du spectateur et celui d'Antonioni lorsqu'il abandonne la prise en charge par l'une des trois instances précédentes pour provoquer un signe visible de mise en scène. La première et la quatrième instances sont des regards subjectifs alors que celle de l'appareil photo rejoint dans une apparente neutralité apparente celle du spectateur.

Les relations entre le vécu et l'imaginaire sont le point nodal qui permettra peut-être à Thomas de devenir artiste. Mais d'une certaine manière le spectateur est aussi amener à un parcours semblable qui l'oblige à prendre son temps, à vérifier et à interpréter. Car si Thomas ne parvient que difficilement à échapper à son métier de photographe de mode c'est que celui-ci le contraint à vivre dans l'instant, sans qu'il soit possible de faire entrer l'éprouvé ou la réflexion dans le temps de la prise de vue. La séance de pose avec Veruschka von Lehndorff où il fait corps avec son appareil est, à cet égard, la plus significative.

Si Thomas et le spectateur ont une chance de rencontrer l'art dans ce film c'est en sortant de l'immédiateté et en multipliant les pistes d'interprétation et la recherche des preuves. La beauté d'un film ne peut jamais être pleinement atteinte dans le pur ressenti ou l'analyse pure mais dans le parcours de l'un à l'autre. En ces temps d'anti-intellectualisme, il n'est peut-être pas mauvais de rappeler avec Karl Marx que "la théorie est une pratique" : sans cesse revoir le film et vérifier s'il nous dit toujours la même chose.

L'histoire du tournage de Blow-Up est particulièrement étonnante et reste peu connue. En effet Antonioni, réalisant un film à Londres, avait tenu à amener là-bas toute une équipe technique italienne, engendrant des frais de production considérables. Au bout du temps de tournage imparti, il s'entretient avec son producteur Carlo Ponti, et lui fait valoir qu'il a besoin d'une rallonge de crédit pour terminer son film : il n'a en effet pas encore tourné la scène centrale notamment, celle du meurtre.

Mais l'habitude d'Antonioni de ne jamais tourner au début les scènes importantes afin de faire pression sur le producteur le moment venu est bien connue de Carlo Ponti, qui cette fois ne cède pas. Antonioni doit rentrer en Italie, et envisager le montage du film sans certaines des scènes essentielles à la compréhension du spectateur.

Le film fit scandale à sa sortie en Grande-Bretagne : c'était la première fois qu'on montrait dans un film britannique un corps féminin entièrement dénudé (en l'occurrence, celui de Jane Birkin). Pour créer le personnage de Thomas, Antonioni s'est inspiré de David Bailey, le plus célèbre photographe des sixties.

C'est en hommage à Blow-Up que Brian De Palma réalisa Blow Out en 1981 : John Travolta y interprète un preneur de son qui enregistre la scène d'un accident de voiture qui se révélera être un meurtre.

Distribution

  • David Hemmings : Thomas
  • Vanessa Redgrave : Jane
  • Peter Bowles : Ron
  • Sarah Miles : Patricia
  • Jane Birkin : jeune fille blonde
  • Gillian Hills : jeune fille brune
  • John Castle : Bill le peintre
  • Harry Hutchinson : l'antiquaire

Fiche technique

  • Titre : Blow-Up
  • Réalisateur : Michelangelo Antonioni
  • Scénaristes : Michelangelo Antonioni, Tonino Guerra et Edward Bond (d'après une nouvelle de Julio Cortázar, Las Babas del Diablo)
  • Producteur : Carlo Ponti
  • Musique originale : Herbie Hancock
  • Directeur de la photographie : Carlo di Palma
  • Date de sortie en France : 1967
  • Durée : 112 minutes

Récompenses

  • 1967 : Palme d'Or au Festival de Cannes ;
  • 1967 : NFSC Award du meilleur réalisateur ;
  • 1968 : Ruban d'argent (Syndicat national des Journalistes cinématographiques italiens) du meilleur réalisateur de film étranger ;
  • 1968 : Prix de la critique (Syndicat français de la critique de cinéma) du meilleur film étranger.
Reproduction possible des textes sans altération, ni usage commercial avec mention de l'origine. .88x31.png Credit auteur : Ann.Ledoux