Sommaire (edit)Le cinéma
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Gentille est un film français réalisé par Sophie Fillières, en 2005. AnalyseFontaine Leglou (le nom est tout un programme...) travaille de nuit à Paris en tant qu’anesthésiste. Mais la précision que requiert sa profession n’a d'égale que la confusion qui règne dans sa vie intime, Fontaine est maladroite en tout. Comme une petite voiture se cognant aux murs, Fontaine cherche son chemin. Au début du film, on la découvre marchant d’un pas assuré. Elle s’arrête soudain, et traverse pour demander à un badaud d’arrêter de la suivre, mais celui-ci ne la suivait pas. Est-ce une manoeuvre pour provoquer une rencontre et obtenir un rendez vous ? En tous cas, Fontaine prête souvent aux autres des pensées qui sont les siennes. S’ensuivra un curieux marivaudage qui tournera court, Fontaine se prenant les pieds dans le tapis de ses contradictions et se rétractant, pour mieux rejoindre son fiancé. Un autre jour elle avale la bague de fiançailles que son compagnon glisse dans son yaourt. Après ce dîner improvisé chez sa belle famille elle se retrouve à fouiller ses déjections, munie d’une fourchette et d’un gant. Ainsi, sans cesse plongée dans l’embarras et d’autres matières moins nobles, Fontaine se sort comme elle peut des épreuves burlesques qu’elle s’inflige. C'est un film original et drôle. Sitôt croisé, chaque personnage se retrouve avec une araignée dans la tête. C'est Fontaine Leglou qui commence. Suivie par un psychanalyste parisien, Fontaine souffre d'une grave maladie mentale : elle est follement humaine. Sophie Fillières expose ses symptômes dans un film gigogne, une étude de cas clinique aux conclusions rassurantes : la folie est un signe de bonne santé. Pour la deuxième fois, la cinéaste fait porter la camisole à Emmanuelle Devos. Jamais la comédienne n'avait utilisé son regard fuyant, sa voix ingénue et son rictus dubitatif avec autant de pertinence clownesque. Grâce à son aplomb lunaire, Fontaine n'est pas qu'une névrosée de plus dans le cinéma français. C'est un personnage miraculeux, une marginale surnaturelle, en droit de faire date pour sa clairvoyance. Son premier atout de séduction réside dans son discours. Les mots crépitent et s'autodétruisent dans sa bouche. Elle parle une langue tordue, insolite et piquante. Pleine de questions absurdes, de borborygmes étouffés, de syllogismes illogiques. Sa grammaire trahit sa difficulté à s'imposer comme son refus d'être niée. Pour dire « je suis amoureuse », elle dit « je ne suis pas pas ». Le second degré, Fontaine ne connaît pas. La jeune femme prend tout au pied de la lettre, au point d'enfiler les mocassins de son compagnon quand elle se sent un peu à côté de ses pompes. Pour ne pas prendre ses décisions, Fontaine s'isole. Dans la foule, dans une cabine de piscine, dans une cage d'ascenseur, dans sa douche. Sophie Fillières aime ces cocons qui font resurgir l'animalité des êtres. Elle excelle à montrer ce que chacun révèle, livré à lui-même, dans la stricte intimité, sans le regard des autres. Si Sophie Fillières bouleverse autant, c'est qu'elle nous présente la condition humaine. Il y a quelque chose de profondément organique et métaphysique dans ce film , qui rappelle à sa manière une évidence trop souvent refoulée. Au-delà de toutes nos différences, de toutes nos prétentions, deux certitudes nous unissent. On va tous déféquer chaque jour. On va tous mourir un jour.
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