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It's a Free World... film britannique réalisé par Ken Loach, sorti en 2007.

Analyse

Angie travaille pour une agence britannique qui recrute de la main d'œuvre dans les pays de l'ancien Bloc de l'Est. De retour de l'un de ces voyages en Pologne, elle se retrouve licenciée. Elle décide aussitôt d'ouvrir sa propre agence avec sa colocataire Rose. Elles lancent leur entreprise clandestinement, utilisant comme point de rassemblement l'arrière-cour d'un pub et leur logement comme bureau. Elles se promettent d'obtenir une licence, de s'installer dans de vrais locaux et de régulariser totalement leur situation aussitôt que les affaires seront engagées.

Les recrutements s'effectuent sur la base de contrats temporaires de très courte durée. Les deux amies conçoivent cela au début comme un moyen d'aider des gens qui cherchent un travail. Petit à petit, les difficultés s'accumulent, comme des retards de paiement de leurs clients. L'entreprise s'égare dans des pratiques douteuses. L'appât du gain finit par être le plus fort et Angie, qui avait été licenciée et rêvait d'exploiter ses compétences pour gagner sa vie, assurer un bon niveau de vie à son jeune fils Jamie et aider des personnes en difficulté, ne cherche plus qu'à gagner de l'argent jusqu'à dénoncer au besoin des immigrés clandestins auxquels elle était d'abord venue en aide.

L'Anglais Ken Loach nous parle de ces esclaves modernes que des profiteurs vont chercher aux quatre coins du monde pour qu'ils effectuent, parfois au péril de leur vie, des travaux sous-payés que personne, sinon eux, n'accepterait de faire. La mode, actuellement, c'est l'Europe de l'Est : la main-d'œuvre la moins chère et la plus disciplinée, semble-t-il.

Mais tous ces Polonais, ces Ukrainiens que l'on voit dépenser des fortunes pour gagner l'Angleterre promise rejoignent, dans l'esprit de Ken Loach, les immigrés mexicains dont il a évoqué le triste sort dans Bread and roses. Ou les ouvriers du rail anglais de The Navigators, qu'il a filmés dans leur lutte contre la privatisation. A un détail près, mais de taille : il filme, cette fois, une héroïne antipathique.

En fait, Angie pourrait être la sœur cadette de Maggie, l'héroïne du film Ladybird, dont Loach avait décrit les malheurs, il y a une quinzaine d'années. Elle aurait vu son ainée se faire régulièrement enlever ses gamins par une administration bornée et se serait résolue, dès lors, à ne jamais devenir aussi misérable et paumée. Tout plutôt que devenir cette victime sanglotante et désarmée... Malgré ces belles résolutions, Angie commence, comme les autres, par se faire entuber.

Seulement, une fois la rage passée, elle décide, avec sa copine Rose, de résister. D'ouvrir sa petite entreprise. Pas question, au départ, pour elle qui vient de la classe ouvrière, d'exploiter les siens. Juste leur donner du boulot. Les aider à s'en sortir pour mieux s'en sortir, elle. Et tandis que Rose lui résiste tant bien que mal, Angie, elle, devient aussi inhumaine que les autres. Au point de commettre, presque sans honte, un acte sans pardon.

On sent bien la lucidité du cinéaste face à ce que menace de devenir son pays. Car Angie est la fille de l'ère Margaret Thatcher, une époque qui a encensé l'individualisme et la réussite, qui a prôné l'inflexibilité des plus forts et exigé toujours plus de flexibilité de la part des faibles. Morale insidieusement diffusée, depuis des années, par les pouvoirs, et qui n'est quasiment plus contredit par personne. A ce titre, l'un des personnages les plus intéressants, ici, est le jeune amant polonais d'Angie, qui, tout naturellement, sans regret ni remords, avec un cynisme assumé, l'aide à devenir ce qu'elle veut être.

A travers Angie et son entourage, il constate : comment l'oppressé se fait aussi oppresseur, comment le cynisme ambiant permet à chacun de rejeter sa responsabilité sur les autres et le système, comment se développent la peur et la violence. Il s’empare du sujet par le réalisme et la pudeur qui font tout le prix de son style. Et même s’il use du symbole et de l’édifiant, rendant sa démonstration un peu lourde, il a le mérite de s’y atteler. Avec pugnacité mais sans illusion.

Car le constat global du film est assez pessimiste. Loach ne nous donne pas vraiment de piste pour nous en sortir. Il n'y a pas de personnage réellement positif. Il ne faut pas compter sur l'État, absent et passif. Mais les syndicats aussi sont complètement hors-jeu et la seule manifestation ouvrière est individualiste, personnelle (enlèvement du fils) et les ouvriers ont pour seul revendication d'être payé. Aucune demande de statut. Rose n'admet pas la malhonnêteté et la délation, mais à condition de respecter les règles, ne conteste pas l'exploitation des plus pauvres.

La protection sociale n'est pas présentée par le cinéaste sous son meilleur jour, car l'ex-mari de Angie, avec ses indemnités de chômage nous est décrit comme restant à ne rien faire devant la télévision depuis des années. Le père même, qui peut passer pour représenter les idées du cinéaste, pense avant tout à son petit-fils et à la concurrence que représenteront ces immigrés surdiplomés. La seule solution esquissée par Ken Loach est représenté par Karol, qui repart en Pologne: la solution serait donc de faire évoluer les pays fournisseur de main d'œuvre pour tarir les sources

Distribution

  • Kierston Wareing : Angie
  • Juliet Ellis : Rose, sa colocataire, amie puis collaboratrice
  • Joe Siffleet : Jamie, le jeune fils d'Angie
  • Leslaw Zurek : Karol, le jeune travailleur polonais amant occasionnel d'Angie
  • Colin Coughlin : Geoff, le père d'Angie
  • Maggie Russell : Cathy
  • Raymond Mearns : Andy
  • Davoud Rastagou : Mahmoud (l'iranien)
  • Mahin Aminnia : La femme de Mahmoud
  • Frank Gilhooley : Derek
  • David Doyle : Tony

Fiche technique

  • Titre : It's a Free World...
  • Réalisation : Ken Loach
  • Scénario : Paul Laverty
  • Production : Ken Loach et Rebecca O'Brien
  • Musique originale : Rebecca O'Brien
  • Photographie : Nigel Willoughby
  • Montage : Jonathan Morris
  • Pays d'origine : Royaume-Uni
  • Durée : 96 minutes
  • Dates de sortie : 1er septembre 2007 (Mostra de Venise), 24 septembre 2007 (Royaume-Uni) ; 2 janvier 2008 (France)

Prix du Scénario à la Mostra de Venise 2007 pour Paul Laverty.

Source: Wikiafilm:It%27s_a_Free_World...

Reproduction possible des textes sans altération, ni usage commercial avec mention de l'origine. .88x31.png Credit auteur : Ann.Ledoux