Sommaire (edit)Le cinéma
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Julieta , film espagnol de Pedro Almodóvar, sorti en 2016 Analyse critiqueA la veille de quitter Madrid pour s'installer au Portugal avec son amant Lorenzo, Julieta rencontre fortuitement Beatriz, amie d'enfance de sa fille Antía. Elle apprend ainsi que cette fille qui l'a abandonnée il y a plus de douze ans vit encore, en Suisse, avec trois enfants. Julieta décide alors de rester à Madrid, dans l'immeuble qu'elle occupait autrefois, et de se confronter à ses souvenirs, à sa solitude, à sa folie. Comme d’autres rechutent dans l’alcool ou la drogue, Julieta s’abandonne soudain à l’obsession de revoir sa fille, devenu une femme. Elle rompt avec son compagnon, se réinstalle seule à Madrid et replonge dans le passé. Elle écrit à Antía tout ce qu'elle n'a pas eu l'occasion de lui dire, en commençant par la nuit où elle a rencontré son père Xoan, lors d'un voyage en train. La quasi-intrégalité du film consiste alors en un flash-back raconté par la voix off de Julieta, dont les années de jeunesse sont incarnées par unae autre actrice, Adriana Ugarte. On voit une jeune prof de philologie classique, au look Movida, rencontrer Xoan, pêcheur de Galice, chez qui elle s’installe. Naît Antía, et tout va bien jusqu’à ce que son époux meure en mer, dans des circonstances pouvant laisser un doute sur une culpabilité indirecte de Julieta. La mère et la fille tente de passer l’épreuve du deuil, mais à 18 ans, l’adolescente disparaît et coupe tout contact avec sa mère, laissée sans aucune explication de cet abandon qu’elle transforme en déni. Julieta est réalisé avec maîtrise, la direction d’actrices y est excellente, et la caméra voyage entre la Galice humide, l’Andalousie sèche et l’animée Madrid avec virtuosité. Il y a pourtant un défi invisible derrière cette maîtrise : le cinéaste épris de rebondissements mélodramatiques adapte, cette fois, Alice Munro, écrivaine canadienne plutôt versée dans l’infime et le quotidien. Pour accumuler les munitions qui lui sont nécessaires, Almodóvar assemble, donc, plusieurs nouvelles et condense leur trame, sans craindre le trop-plein. Le sentiment de culpabilité est la force motrice du film. Julieta l’éprouve très jeune, après le suicide d’un homme, inconnu, qu’elle avait refusé d’écouter. De cette épreuve naît finalement un grand amour, charnel et consolateur, lui-même défait, des années après, dans la certitude, cette fois inconsolable, d’une nouvelle faute. Le train, théâtre de la première disparition, mais aussi de la première nuit d’amour, est un décor de cinéma par excellence. Almodóvar en tire des scènes magnifiques, proches du songe, avec vue sur la nuit hantée, à travers la vitre. Mais le train est aussi la métaphore du vrai sujet de Julieta : le passage du temps, la fugacité des liens, l’évanescence des êtres, qui apparaissent puis s’éclipsent, parfois sans un mot. Non seulement l’héroïne voit, au fil du récit, se volatiliser son amoureux et sa fille, mais la chronologie du film, avec ses flash-back, accélérations et ellipses, montre des personnages rattrapés par l’âge, les accidents et la maladie. Tout raconte que l’existence est une succession de pertes et d’adieux informulés. Pour évoquer les années 1980 et la prime jeunesse de Julieta, Almodovar ressuscite la merveilleuse débauche chromatique de sa période Movida. Il fait parler les lieux, telle cette maison de pêcheur, qui abritera le mariage de Julieta, aussi attirante qu’annonciatrice de naufrages. Avec sa conclusion abrupte et amère, qui suggère une transmission de la culpabilité, le film s’éloigne des réussites consensuelles du cinéaste mais il fascine par cette alchimie entre la noirceur désenchantée du fond et l’éclat de la forme. Distribution
Fiche technique
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