Recherchez sur ce site

Sommaire (edit)

Le cinéma

Liens

Développé grâce à: pmwiki.org

Changements Récents Version imprimable Edition

L'Homme irrationnel (Irrational Man) film américain de Woody Allen, sorti en 2015.

Analyse critique

Le petit monde universitaire d'une ville du Rhode Island attend avec curiosité un nouveau venu, célèbre professeur de philosophie, Abe Lucas. Lucas s'installe dans une confortable villa, rongé par le désespoir et le dépression. Il est incapable de finir d'écrire un livre et et se sait sexuellement impuissant, malgré une tumultueuse vie amoureuse passée. Dès son apparition, Woody Allen le filme comme une rock star déglinguée, buvant du whisky au volant de sa décapotable. Rita, une collègue scientifique, lassée de son mari et désirant fuir en Europe, s'intéresse à lui, tout comme Jill, une brillante étudiante dont il a remarqué et loué un devoir sur table. Bien qu'amoureuse de son petit ami Roy, Jill tombe sous le charme du bel intellectuel ténébreux.

Au cours d'un exposé, Abe aborde l'aspect moral d'un principe éthique absolu, comme la nécessité de ne pas mentir: “Mais si des SS vous demandaient où est cachée Anne Frank, faudrait-il mentir ou dire la vérité ?” La suite du film se situe dans cet entre-deux, cette zone inconfortable entre bien et mal, là où n’existe plus ni balises morales, ni certitudes, mais plutôt, pour le spectateur, le spectre jubilatoire et épineux d’un dilemme moral.

Alors que Abe et Jill déjeunent ensemble, ils surprennent à la table voisine une conversation qui va redonner à Abe l'énergie de vivre en lui insufflant le désir de tuer, quand il prétend aider une femme à se sortir des griffes d'un juge corrompu, qui risque de prendre une mesure de divorce très défavorable à cette inconnue.

Remotivé, Abe planifie et réalise ce qu'il pense être un crime parfait, sans mobile. Mais quelques détails ne sont pas maitrisés. Aux antipodes de la bien-pensance, Woody Allen propose donc un improbable éloge du crime, comme unique remède au vide existentiel. Les effets bénéfiques du projet démoniaque se voient très vite sur le héros : regain d'appétit pour tous les plaisirs de la vie, sentiments de puissance et de liberté. Il retrouve sa virilité et son aptitude à écrire.

Woody Allen joue avec les genres de cinéma. Ça commence comme une romance. Le prof de philo dépressif et alcoolique, mais auréolé d'une brillante réputation, se laisse courtiser par les deux femmes, mais rien ne s'enclenche. Sans désir, l'homme résiste aux avances de son admiratrice et ressasse sa déchéance d'« intello à bite molle », lui qui voulait changer le monde, jadis. Puis le film négocie un spectaculaire virage vers la noirceur, tendance sardonique. Cette bascule du personnage en assassin inscrit L’Homme irrationnel dans le prolongement de Crimes et délits et Match Point.

Woody Allen proclame que la pulsion est plus forte que la raison. Les faits ne cessent de déjouer les principes et les projets. Comme son héros, répétant sans cesse ses étudiants avec les limites et les failles de toute doctrine, le cinéaste martèle que rien n'est stable. Une scène illustre ce propos, avec les reflets déformants dans une galerie des glaces de fête foraine ou les effets d'optique au coucher du soleil. Mais quelque chose, toutefois, demeure extrêmement paradoxal dans cette affirmation. Car la légèreté et le brio du film sont évidents et ce chaos de la vie qu'on ne peut réduire à une théorie ni mettre en forme, Woody Allen, en fait toujours aussi adroitement son affaire.

Si la première partie s’articule autour du lien ambigu entre la séduisante disciple et son professeur, soulignant parfois de manière caricaturale deux rapports opposés à l’existence, pessimisme contre idéalisme, le film a la bonne idée de prendre à mi-parcours un virage inattendu, lâchant la comédie de mœurs plaisante pour une fable noire d’une vertigineuse intensité, pris dans le faisceau aléatoire du hasard et de la chance, incluant un jeu de roulette russe et une lampe torche. Woody Allen creuse le versant existentiel du crime “gratuit” : son sentiment de délivrance, l’absence de culpabilité, dans un enchevêtrement de dialogues pleins d’humour macabre et d’une admirable perversité.

Distribution

  • Emma Stone : Jill
  • Joaquin Phoenix : Abe
  • Parker Posey : Rita
  • Jamie Blackley : Roy, le petit ami de Jill
  • Ethan Phillips : le père de Jill

Fiche technique

  • Titre original : Irrational Man
  • Réalisation : Woody Allen
  • Scénario : Woody Allen
  • Photographie : Darius Khondji
  • Durée : 95 minutes
  • Dates de sortie : 15 mai 2015 (Festival de Cannes) ; 14 octobre 2015 (sortie nationale)
    • États-Unis : 17 juillet 2015
  • Festival de Cannes 2015 : sélection officielle hors compétition
Reproduction possible des textes sans altération, ni usage commercial avec mention de l'origine. .88x31.png Credit auteur : Ann.Ledoux