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L'Homme qui tua Don Quichotte , film européen de Terry Gilliam, sorti en 2018?

Analyse critique

Toby est un atroce réalisateur de publicités, capricieux, narcissique, qui tourne en Espagne un spot inspiré de l’attaque des moulins à vent. Il se rend bientôt compte qu’il n’est qu’à quelques kilomètres du village où il tourna son film de fin d’études, une variation sur le thème du Quichotte. Sa tentative pour retrouver cette innocence perdue le plonge dans un no man’s land entre mémoire et présent, entre scénario et quotidien, dont la figure centrale est le cordonnier auquel il confia naguère le rôle du Chevalier à la triste figure. Irradié par la fiction, l’artisan n’a jamais repris son alêne, restant coincé dans son rôle.

Le judas qui a trahi ses idéaux et le fou qui a oublié la réalité se lancent dans une chevauchée absurde à travers une contrée qui ressemble au monde d’aujour­d’hui, d’un campement d’immigrés clandestins au château d’un oligarque, tout en prenant l’apparence des décors fantasmagoriques qui meublaient les imaginations jumelles de Don Quichotte et de Miguel de Cervantes

Malgré les nombreuses vicissitudes de la production (voir plus loin), le film vibre d’une énergie, d’un plaisir de faire du cinéma communicatifs. Au fil des ans, le scénario a incorporé les péripéties qui ont entouré l’odyssée du film. L’invention inépuisable de Gilliam est structurée par ce souci de mêler réalité et fantaisie jusqu’à ce qu’elles soient méconnaissables et vraies, sans trop recourir aux effets spéciaux. Pour donner chair à cette idée, le réalisateur a pu compter sur le formidable numéro qui oppose son Panza d’outre-Atlantique, moderne, arrogant, séduisant et vulnérable, à son Quichotte britannique, qui porte fièrement la tradition du paroxysme théâtral.

Le film dure plus de 2 h, mais tient le spectateur en haleine. La plupart du temps, les longues séquences finales donnent l’impression que Terry Gilliam, après toutes ces années qu’il a sacrifiées à son obsession, ne voulait pas que son tournage et son film s’arrêtent.

Terry Gilliam a l'idée d'adapter le Don Quichotte de Cervantès en 1990. Ce n'est qu'après avoir reçu l'accord du producteur que Terry Gilliam lit le livre de Cervantès, pour se rendre compte qu'il était infilmable.

Plusieurs années plus tard, après avoir écrit une première mouture avec Charles McKeown, il trouve l'angle de son adaptation et décide de d'adjoindre au personnage de Don Quichotte un acolyte venu des temps modernes. Cet acolyte, un publicitaire du nom de Toby Grosini, en référence à son coscénariste d'alors, Tony Grisoni, est censé servir de contrepoint au personnage de Don Quichotte, mettant en exergue son décalage avec le monde qui l'entoure. Cette version entre en production sous le titre The Man Who Killed Don Quixote en 1999.

Terry Gilliam estime le budget prévisionnel du film à 60 millions de dollars. Conscient que les studios américains ne s'engageront jamais sur l'adaptation d'un roman européen du XVIIe siècle, le réalisateur sait qu'il ne peut faire ce film qu'en Europe, avec des fonds européens. La productrice anglaise Sarah Radclyffe est intéressée par le scénario et approche Pathé et Canal+ pour trouver un financement. En plus de Pathé et Canal Plus, un producteur allemand du nom de Rainer Mockert se propose de compléter le budget en faisant appel à un fonds d'investissement privé allemand. Néanmoins, les fonds promis n'arriveront jamais, et le tournage est reporté. Terry Gilliam part alors à la recherche d'autres partenaires : En janvier 2000, René Cleitman propose un budget d'environ 30 millions de dollars. Les investisseurs allemands de KC Medien permettent de boucler le financement et le tournage peut commencer en octobre 2000 avec Jean Rochefort et Johnny Depp.

Au deuxième jour de tournage, des pluies diluviennes emportent une partie du matériel de tournage, et verdissent le désert qui ne peut plus servir pour la suite des décors. Deux jours plus tard, Jean Rochefort souffre d'un violent mal de dos qui l'oblige à consulter son médecin à Paris, lequel diagnostique une double hernie discale qui empêche désormais l'acteur de tenir physiquement son rôle. Ceci, ajouté au retard pris par d'autres éléments de la production, contraint Terry Gilliam et son producteur français René Cleitman à suspendre le projet. Néanmoins subsiste un documentaire, intitulé Lost in La Mancha, monté à partir des rushes, des images de tournages de Keith Fulton et Louis Pepe, initialement chargés du making-of du film, et d'interviews des protagonistes.

Après avoir récupéré les droits de son scénario en 2008, Terry Gilliam réécrit en partie le script avec son coscénariste Tony Grisoni et projette de tourner le film en avril 2010, sous réserve d'arriver à réunir les fonds nécessaires. Dans le nouveau scénario, Toby Grosini n'est plus un publicitaire mais un « jeune cinéaste frustré » qui est attiré par la quête menée par Don Quichotte pour retrouver sa bien-aimée. Robert Duvall confirme qu'il a été choisi par Terry Gilliam pour reprendre le rôle de Don Quichotte. Puis, en mai 2010, durant le festival de Cannes, Terry Gilliam annonce qu'Ewan McGregor tiendra le rôle de Toby Grosini et annonce un budget aux alentours des 20 millions de dollars. Mais le financement échoue.

Fin 2011, Gilliam déclare que le projet est désormais porté par un nouveau producteur (remplaçant ainsi Jeremy Thomas) et qu'il espère entrer en tournage au printemps 2012. Pour cette version, Ewan McGregor ne faisait plus partie de la distribution et aurait été remplacé par Owen Wilson. Néanmoins le projet est une nouvelle fois annulé par manque d'argent. À la place, Terry Gilliam tourne Zero Theorem.

En 2014, Gilliam déclare vouloir à nouveau s'atteler au projet. Le personnage de Toby Grosini est désormais un jeune réalisateur qui a déjà fait un film sur Don Quichotte et retourne sur les lieux du tournage pour constater que son film a détruit la vie de la plupart des gens qui y ont participé : « certains sont devenus fous, d'autres alcooliques, d'autres se prostituent ». On pourra distinguer dans cette idée une certaine mise en abyme des propres mésaventures de Terry Gilliam et de ses tentatives avortées de réaliser un film autour de Don Quichotte. Les producteurs en charge de cette version, l'anglaise Denise O'Dell et l'espagnol Adrián Guerra échouent à trouver les fonds nécessaires, et le projet change de producteur en passant dans les mains de Paulo Branco en 2016.

En 2016, les rôles de Toby et de Don Quichotte seront repris par Adam Driver et Michael Palin et, lors du festival de Cannes, Paulo Branco et Terry Gilliam annoncent un tournage de onze semaines commençant en octobre 2016 . Cependant, la relation entre les deux hommes s'envenime vite, Gilliam reprochant à Branco sa volonté de mainmise sur le processus créatif, tandis que Branco reproche au réalisateur son comportement d'« enfant gâté ». Les points de vue des deux hommes deviennent si irréconciliables que Branco décide d'annuler la préproduction du film le 6 août 2016. Elle ne pourra reprendre que si Gilliam accepte de lui donner les pleins pouvoirs sur le film. Le réalisateur refuse et se considère donc libre d'aller chercher un autre partenaire pour monter le projet.

Suite au report du tournage, Michael Palin est remplacé par Jonathan Pryce. Olga Kurylenko, Stellan Skarsgård et Rossy de Palma complètent la distribution.

Tornasol Films, les co-producteurs espagnols trouvés par Paulo Branco, deviennent les producteurs principaux du long-métrage. Amazon et Kinology prennent donc bien part au financement du film, et les 3 millions d'euros manquants de la précédente version sont finalement apportés par Alessandra Lo Savio de Alacran Pictures, qui devient productrice exécutive sur le film. Le tournage peut ainsi débuter en Espagne en mars 2017. Fragilisé par une attaque cérébrale en 2016, Gilliam a traversé la production dans un état de santé relativement précaire. Le 4 juin 2017, Terry Gilliam annonce la fin du tournage.

Poursuivant le travail effectué sur le tournage avorté de 2000, Keith Fulton et Louis Pepe, les réalisateurs de Lost in La Mancha, ont suivi la production pour en tirer un nouveau film making of. Ce film intitulé He Dreams of Giants se concentre plus particulièrement sur Terry Gilliam lui-même et son processus créatif.

Parallèlement au tournage et à la post-production du film, l'ex-producteur Paulo Branco veut faire valoir devant la justice les droits qu'il estime toujours avoir sur le scénario. S'en suivent de nombreux procès devant différents tribunaux : ainsi, en mai 2017, alors que le tournage entre dans sa dernière semaine, le tribunal de grande instance de Paris proclame la validité du contrat unissant Gilliam et Branco. Dans un communiqué, les producteurs et distributeurs estiment néanmoins qu'aucune procédure judiciaire ne peut entraver la sortie du film. Le Festival de Cannes annonce que le film est sélectionné en tant que film de clôture pour une projection le 19 mai 2018. Il sort en salles en France le même jour. Le film est dédié à la mémoire de Jean Rochefort et de John Hurt.

Distribution

  • Jonathan Pryce : Don Quichotte
  • Adam Driver : Toby Grisoni
  • Olga Kurylenko : Jacqui
  • Stellan Skarsgård : le patron et mari de Jacqui
  • Joana Ribeiro : Angelica
  • Oscar Jaenada : le gitan
  • Jason Watkins : Rupert, l'agent de Toby

Fiche technique

  • Titre original : The Man Who Killed Don Quixote
  • Réalisation : Terry Gilliam
  • Scénario : Terry Gilliam et Tony Grisoni, d'après l'œuvre de Miguel de Cervantes
  • Photographie : Nicola Pecorini
  • Montage : Lesley Walker
  • Musique : Roque Baños
  • Production : Jeremy Thomas, Gerardo Herrero, Gabriele Oricchio, Mariela Besuievsky, Amy Gilliam, Yousaf Bokhari
  • Sociétés de production : Recorded Picture Company, Tornasol Films, Entre chien et loup, Ukbar Filmes, Amazon Studios
  • Durée : 132 minutes
  • Date de sortie : 19 mai 2018 (Festival de Cannes et sortie nationale)
Reproduction possible des textes sans altération, ni usage commercial avec mention de l'origine. .88x31.png Credit auteur : Ann.Ledoux