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La Prière film français, réalisé par Cédric Kahn? et sorti en 2018

Analyse

Thomas est un toxicomane de vingt-deux ans. Pour guérir de sa dépendance à l'héroïne, il rejoint une communauté d'anciens jeunes drogués qui lui proposent un changement de vie radical pour le sortir de la drogue notamment en le privant de cigarettes, d'alcool, de télévision mais aussi en l'isolant du monde extérieur et des filles. Désormais, pour redevenir un jeune homme normal, il devra se soigner par la prière et le travail. Dans ce nouveau monde, il découvre l'amour, l'amitié et la foi. Égaré en montagne, épuisé et blessé, il se sauve miraculeusement et décide de se faire ordonner prêtre. Mais, sur la route du séminaire, il décide finalement de rejoindre Sibylle, la jeune fille avec qui il a eu une brève aventure.

Thomas est en errance, en déshérence, mais, au moins, il avance. Sans trop savoir où, pourquoi, ni comment, le chemin, ici, c’est le rituel. La Prière repose sur les mots, les chants, les gestes, répétés à satiété, qui finissent par libérer ceux qui s’en croyaient prisonniers. C’est moins un film sur la foi que sur la fraternité. Et c’est bien ce qui rend déchirants les adieux de Thomas, en partance vers son destin, à ses compagnons d’infortune.

Le film s’ouvre sur l’arrivée de Thomas, dont le regard perdu accroche le spectateur dès les premiers plans. C’est devenu un regard vers le spectateur au montage. Au départ, c’était un champcontre-champ classique et plus narratif. Il regardait le curé qui l’avait ramassé dans la rue après une overdose et convaincu de rejoindre la communauté. Au final, on s’est dit que ce simple visage pris dans cette situation suffirait à nous accrocher à lui.

Déclarations de Cédric Kahn

Ce projet est né de trois rencontres décisives. En tout premier lieu, Aude Walker, une jeune écrivain, qui m’a mis sur la piste du sujet, ayant elle-même beaucoup enquêté en vue d’un livre sur des expériences religieuses tentées avec des toxicomanes. De Fanny Burdino et Samuel Doux, un duo de scénaristes, qui ont relevé le défi de l’écriture qui par certains aspects comportait pour moi beaucoup de défis et, enfin, de Sylvie Pialat, la productrice, qui a immédiatement adhéré au projet et à l’idée de le faire sans acteurs connus, dans l’esprit de mes premiers films.

N’étant ni croyant, ni chrétien, ni ex-toxicomane, il fallait que je trouve ma propre porte d’entrée vers le sujet. Nous avons tout repris ensemble : la lecture des psaumes, la documentation, les rencontres avec des jeunes gens qui ont vécu ce genre d’expériences. On a parlé avec des « anciens », des types sortis d’affaires depuis longtemps qui nous ont parlé de leur rapport persistant à la foi. Samuel est allé à la rencontre de jeunes gens en pleine expérience, observé leurs rituels et leurs disciplines de vie, recueilli leurs témoignages.

Nous avons centré le récit sur la trajectoire d’un seul garçon dont on ne saurait rien et qui deviendrait au fil du récit le symbole de tous les autres, une figure emblématique. Nous avons inventé ce lieu isolé, en pleine montagne, consacré à la prière, avec ses propres règles et son propre temps, hors des contingences du monde. Les rapports entre les jeunes pensionnaires sont très forts : on est entre la camaraderie, la fraternité, voire parfois la relation filiale.

Le vrai sujet du film est la reconstruction du lien. Les individus arrivent dans une solitude absolue, une grande détresse affective. Ce qu’ils apprennent au-delà de la prière, ce sont les règles, le partage, la vie en communauté. Et c’est probablement ce qui les sauve. L’amitié est d’ailleurs l’un des trois préceptes de la communauté, énoncés dès qu’ils arrivent, avec le travail et la prière. Quand ils arrivent, certains sont très loin de la religion, voire totalement récalcitrants. D’autres, au contraire, sont très éduqués, très croyants. Il n’y a pas d’obligation de prier, juste de respecter le temps de la prière, qui peut être vécu comme une simple pause ou une méditation. Ils sont coupés du monde, dans une bulle où ils se réparent de leurs blessures. Et au bout de quelque temps, ce qui devient finalement le plus inquiétant pour eux, c’est le monde du dehors, synonyme de danger et de tentation. L’apaisement advient, mais la fragilité demeure.

Rien n’est imposé au spectateur, il a toujours la possibilité de forger sa propre conviction, même dans la scène de miracle. Je me définis comme agnostique. Je n’ai aucune certitude. Je respecte les gens qui sont croyants et, par certains aspects, je peux même les envier. La foi est une affaire intime qui, par beaucoup d’aspects, dépasse largement le cadre des religions. Si on y pense, tout est question de foi dans la vie, l’amour, la passion, l’engagement.

Le personnage de Sybille est décisif et complexe : c’est elle qui le convainc de poursuivre l’expérience mais c’est aussi elle qui le fera douter de son envie de devenir prêtre. C’est le personnage le plus fictionnel du film, et le contrepoint nécessaire, probablement celui qui nous représente le plus. Elle est le monde du dehors à elle toute seule. Et le monde du dehors pour les compagnons, c’est une obsession ; l’envie de retourner à la vie normale se mêle à la crainte de la rechute.

Distribution

  • Anthony Bajon : Thomas
  • Damien Chapelle : Pierre
  • ÀAlex Brendemühl : Marco
  • Louise Grinberg : Sybille
  • Hannah Shygulla : Sœur Myriam

Fiche technique

  • Réalisation : Cédric Kahn
  • Scénario : Fanny Burdino, Samuel Doux et Cédric Kahn, d’après une idée originale d’Aude Walker
  • Photographie : Yves Cape
  • Montage : Laure Gardette
  • Production : Sylvie Pialat et Benoît Quainon
  • Durée : 107 minutes
  • Dates de sortie : 18 février 2018 (Berlinale)
    • France : 21 mars 2018
Reproduction possible des textes sans altération, ni usage commercial avec mention de l'origine. .88x31.png Credit auteur : Ann.Ledoux