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La Trahison est un film français réalisé par Philippe Faucon, sorti en 2005.

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Analyse

Le film retrace quelques jours de la vie du sous-lieutenant Roque, pendant la Guerre d'Algérie. Il a sous ses ordres une trentaine soldats français dont 4 jeunes musulmans appelés "volontaires' et qui sont très utiles au reste du poste (qui se situe dans le Sud-Est algérien) en ce qui concerne les traductions de l'arabe au français. L'ambiance de l'époque est très bien reconstituée. Le constat qu'émet la Trahison est sévère, il relève le doute qui assaille tous les acteurs de la décolonisation algérienne.

« La Trahison » est un film tiré de l’ouvrage de Claude Sales ayant vécu directement ces évènements. C'est une très belle interprétation des « évènements » d’Algérie se déroulant en 1960. Il permet de réfléchir sur les aspects quotidiens et humains de la Guerre d’Algérie (du côté des appelés du contingent comme de celui de la population algérienne). Il pose aussi la question centrale de l’articulation entre l’histoire de la guerre d’Algérie et les mémoires de ses protagonistes.

Le film de Philippe Faucon nous montre un aspect de la guerre d’Algérie qui a été peu filmé : une guerre faite d’attente, de tension quotidienne dans ces postes isolés, avec de brusques explosions de violence. On a du mal à comprendre que l’essentiel de cette guerre a été mené dans ce qu’on appelait à l’époque le bled, et pas dans les villes où vivaient en majorité les Européens. Ce film montre aussi une réalité dont on a peu parlé, celle du déplacement des populations paysannes par l’armée française. C’est un processus massif qui a concerné, de 1956 à 1961 environ, près de deux millions de paysans.

Quand on parle de la guerre d’Algérie on imagine des affrontements, des embuscades, des coups de main. On oublie la violence particulière subie par des populations paysannes déracinées et précarisées. La force du film est de ne pas se limiter au point de vue du lieutenant français. Roque et Taïeb sont deux personnages à part entière, aussi ambigus l’un que l’autre. Taïeb est double bien sûr mais Roque l’est tout autant : il est à la fois très proche de ses appelés musulmans, et extrêmement méfiant. Toutes choses que la mise en scène retranscrit bien, par les silences, les regards…

En principe les Algériens, n’étant pas considérés comme citoyens français à part entière, n’avaient pas l’obligation de faire leur service militaire. A partir de 1957, l’armée française fait de plus en plus appel à eux, pour pallier ses problèmes de recrutement en métropole. Le processus s’accélère avec la série de mesures destinées à consacrer l’égalité citoyenne, décidées après l’arrivée au pouvoir de De Gaulle. En 1962, on estime leur nombre à 50 000 dans l’armée française.

« Trahison » est un mot-symbole pour la Guerre d’Algérie, de même que le mot d’abandon. Tous les groupes porteurs de la mémoire de cette guerre s’estiment trahis : les pieds-noirs par la parole du général De Gaulle, les harkis et plus généralement les musulmans loyaux envers la France évidemment, mais aussi les officiers supérieurs français qui se sont vus voler leur victoire militaire, et quelque part également le peuple algérien qui a été dépossédé de sa victoire, de son indépendance. Ce sentiment de trahison et de dépossession a engendré une amertume tenace, de part et d’autre de la Méditerranée.

Respectueux de la mémoire collective algérienne, Philippe Faucon filme tout en nuance avec des plans à la fois réalistes et pudiques sur les déchirements provoqués non seulement au sein des différentes communautés présentes dans ce conflit mais également au plus profond de l’âme des personnes emportées par cette vague sans retour. Les couleurs de ce film trahissent l’aberration des évènements : des paysages minéraux où les ocres jouent de concert pour rivaliser avec le bleu d’un ciel d’hiver, là-bas, si loin, et en même temps si proche, de l’ancienne métropole.

Les acteurs sont très conscients de l’importance de leurs rôles dans le cadre de l’histoire nationale de l’Algérie et offrent une interprétation toute en finesse, révélatrice de l’atermoiement des jeunes musulmans déchirés par ce conflit. Il ne faudra pas regarder ce film pour y chercher des artifices de guerre grandioses, l’essentiel de l’histoire se déroule sur un même lieu, les scènes violentes ne sont qu'évoquées pudiquement, mais l’intimité des moyens ici mis en œuvre non seulement ne dessert pas l’œuvre mais au contraire accentue sa portée.

La Trahison a été tourné en Algérie, c’est suffisamment rare pour être souligné : la plupart des films français qui évoquent la Guerre d’Algérie ont été tournés en Tunisie ou au Maroc, ce qui induit une certaine déréalisation. Ici au contraire on sent l’Algérie réelle, à travers les paysages, la lumière, le dialecte.

Déclarations de Philippe Faucon

Qu’est-ce qui vous a plu ou interpellé à la lecture du roman de Claude Sales ?

C’est surtout cette rencontre des deux mondes, dans un contexte extrêmement tendu, violent, cette rencontre entre les jeunes appelés qui arrivent de leur province, en France, qui ne connaissent rien à l’Algérie et qui sont précipités dans cette guerre. Et, de l’autre côté, les quatre jeunes appelés d’origine algérienne, pour qui la France est lointaine et qui se retrouvent dans cette situation de rapports de découverte forcée les uns des autres, de curiosité et en même temps de reproches, d’antagonismes, de méfiance. S’installe alors ce double dilemme : celui du Lieutenant, qui se retrouve confronté à sa responsabilité vis-à-vis des jeunes gens qui sont dans sa section ; et celui des jeunes Algériens, qui sont en porte-à-faux, coincés dans ce piège vis-à-vis des populations civiles. Dès le départ, ils sont dans une situation de trahison vis-à-vis des civils et des autres algériens.

Avez-vous rencontré des problèmes particuliers à cause du fait de tourner en Algérie ?

C’est arrivé. Il y a parfois eu des confrontations très fortes avec la mémoire de la guerre. Mais il n’y a jamais vraiment eu d’hostilité ou de rejet, même chez les gens qui avaient vécu la guerre. De temps en temps, nous ressentions une sorte de crispation. Le fait d’entendre parler français les renvoyait tout à coup à des souvenirs difficiles. Par rapport au sujet, il n’y a pas vraiment eu de problème. Au départ, nous avions des craintes sur la sécurité, mais la région où nous avons tourné nous a été conseillée pour sa sûreté. Par ailleurs, la majeure partie de l’équipe du film n’a pas connu la guerre d’Algérie et ne la connaissait que par leurs parents ou ce qu’ils ont appris à l’école. Mais ils ne l’ont pas vécue eux-mêmes.

Distribution

  • Vincent Martinez : Roque
  • Ahmed Berrhama : Taieb
  • Cyril Troley : Vergnat
  • Walid Bouzham : Ahmed
  • Medhi Yacef : Hachem
  • Patrick Descamps : Capitaine Franchet
  • Luc Thuillier : Capitaine Sansot
  • Jean-Michel Vovk

Fiche technique

  • Titre : La Trahison
  • Réalisation : Philippe Faucon
  • Scénario : Philippe Faucon, Soraya Nini et Claude Sales, d'après le roman homonyme de Claude Sales
  • Production : Richard Djoudi, Christian Argentino, N.T. Binh, Philippe Faucon et Yacine Laloui
  • Musique : Benoît Schlosberg
  • Photographie : Laurent Fenart
  • Montage : Sophie Mandonnet
  • Décors : Ramdane Kacer
  • Costumes : Isabelle Blanc et El Boukhari Habbel
  • Pays d'origine : France, Belgique
  • Genre : Drame
  • Durée : 80 minutes
  • Dates de sortie : 13 septembre 2005 (festival de Toronto), 25 janvier 2006 (France)
Reproduction possible des textes sans altération, ni usage commercial avec mention de l'origine. .88x31.png Credit auteur : Ann.Ledoux