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La piel que habito (signifiant en français « la peau que j'habite ») film espagnol de Pedro Almodóvar, adapté du roman de l'écrivain français Thierry Jonquet, Mygale. Il fait partie de la sélection officielle du 64e festival de Cannes et est sorti le 17 août 2011.

Analyse critique

L'action débute en 2012. Un éminent chirurgien esthétique, Robert Ledgard tente depuis douze ans de créer une peau synthétique qui aurait pu sauver son épouse, grièvement brûlée. Il réussit à créer un épiderme viable qui apparaît être d'une formidable résistance face aux agressions extérieures : piqûres de moustiques, brûlures. Comme le supérieur du chirurgien ne veut pas cautionner ses recherches, le docteur Ledgard a besoin d'un cobaye pour sa clinique privée. Il s’agit de sa dévouée patiente Vera, qu'il détient captive dans une chambre de son manoir, dans la région de Tolède. Seule Marilia, la fidèle domestique du médecin, est au courant de cette relation qu'elle voit d'un mauvais œil.

Un soir de carnaval où Robert est absent, Zeca, le fils de Marilia, arrive pour se cacher dans la maison : il a été reconnu sur la vidéo d'un cambriolage et veut échapper à la police. Marilia accepte de l'aider temporairement. Zeca remarque Vera sur les images de vidéo-surveillance du manoir et croit reconnaître la femme de Ledgard, qui fut son amante avant sa mort. Zeca ligote alors sa mère et entre dans la chambre de la femme pour la violer. Quand Robert rentre chez lui, il les surprend et tue Zeca d'une balle. Il part se débarrasser du corps, laissant Marilia et Vera seules au manoir.

Marilia commence alors à se confier : elle est la mère biologique de Robert, bien qu'il l'ignore. Des années auparavant, Zeca a eu une liaison avec la femme de Robert ; ensemble, ils ont tenté de fuir, mais ont eu un grave accident de voiture. Zeca a pu en réchapper et s'enfuir mais la femme de Robert a brûlé vive dans la voiture. Sauvée in extremis, elle a survécu plusieurs mois avant de se défenestrer en surprenant son reflet dans une vitre. Norma, sa fille a été témoin de la scène et a alors sombré dans une grande détresse psychologique.

La suite de l'histoire est un flashback : en 2006, Robert choisit de se faire accompagner de sa fille, encore fragile psychologiquement, à un mariage. Cette dernière croise du regard Vicente, un séduisant styliste dépendant aux médicaments. Les deux jeunes se plaisent, mais quand Vicente tente de coucher avec elle dans le parc du château, Norma s'affole et Vicente la frappe et l'assomme par accident. Pris de panique, Vicente s’enfuit mais Robert est témoin de la scène. Norma sombre à nouveau dans la dépression et retourne en hôpital psychiatrique. Robert kidnappe alors Vicente et le retient prisonnier dans une cave jusqu'au jour où Norma se suicide. La vengeance de Robert commence alors lentement : il fait subir à Vicente contre son gré de multiples opérations chirurgicales pour lui faire changer de sexe et le transformer en sosie parfait de sa femme.

Vicente - Vera est obligée d'une manière brutale d'entreprendre un voyage duquel elle ne pourra revenir. Son histoire kafkaïenne est une condamnation édictée par un jury composé d'une seule personne: son pire ennemi. Le verdict, par conséquent, n'est autre qu'une forme de vengeance extrême.

En 2012, Vicente est devenu Vera et feint la soumission en acceptant de rejoindre Robert dans son lit. Un jour, Fulgencio, collègue chirurgien de Robert qui a participé aux opérations sans en connaître le contexte, reconnait le visage de Vicente sur un avis de recherche. Mettant en doute l’innocence de Robert, il le menace de révéler l'affaire au grand jour, mais Robert et Vera le menacent et le font fuir. Robert a désormais toute confiance en Vera. Mais la vision de l’avis de recherche a bouleversé Vera et le soir même, elle s'empare d'un revolver, tue Robert et Marilia et s’enfuit pour retrouver sa mère.

Adapté d'un thriller Mygale, de Thierry Jonquet, le film pose, de façon lancinante, la question de l'identité : est-on toujours ce que l'on a été ? La séduction énigmatique du récit, éclaté entre passé et présent, comme souvent chez le cinéaste, est tout de suite décuplée par de somptueuses réminiscences cinéphiles. Almodóvar en joue avec virtuosité; en situant l'action à Tolède, il évoque le Buñuel de Tristana, enfermement et sado-masochisme compris. La folie hitchcockienne est omniprésente, qu'il s'agisse de la gouvernante à faire peur, tout droit sortie de Rebecca, ou de l'acharnement à façonner un être selon le souvenir d'un autre comme dans Vertigo. Le fantôme de Franju rôde sans cesse, tant les prouesses chirurgicales clandestines du docteur Banderas évoquent explicitement Les Yeux sans visage.

Mais ces citations ne font pas obstacle à cette vision du monde qu'Almodóvar radicalise de film en film. Tout, dans La Piel que habito, n'est qu'abus de pouvoir ou de faiblesse, duperie et trahison. La figure de la mère, autrefois intouchable, n'engendre que de la barbarie. Le corps devient une marchandise, une machine, au pire : un déchet. Le désir se fixe sur une image, et non sur une personne, et ne peut s'assouvir que dans l'asservissement ou l'annihilation brutale de l'autre.

Ce grand film de genre déjanté, époustouflant par ses rebondissements, ses trouvailles visuelles, son système d'échos, et, parfois, son humour sarcastique se termine dans une humanité violente, mais rédemptrice. Dans une embardée finale qui ne doit rien au roman, Almodóvar retrouve un fil presque perdu de son œuvre. La trajectoire de la femme captive et cobaye, emmurée dans une autre peau que la sienne, ramène soudain le cinéaste aux lueurs d'humanité et d'espoir de ses débuts. Elle devient matière à une réflexion, un éloge émouvant de la part inaliénable, infrangible des êtres.

Distribution

  • Antonio Banderas : Dr Robert Ledgard
  • Elena Anaya : Vera Cruz
  • Marisa Paredes : Marilia
  • Jan Cornet : Vicente
  • Blanca Suárez : Norma
  • Roberto Álamo : Zeca
  • Bárbara Lennie : Cristina
  • Susi Sánchez : la mère de Vicente
  • Eduard Fernández : Fulgencio
  • José Luis Gómez : le président de l'Institut de Biotechnologie
  • Fernando Cayo : le psychiatre de Norma
  • Ana Mena : Norma (enfant)
  • Virginia Buika : elle-même

Fiche technique

  • Titre original : La piel que habito (Pedro Almodovar a déclaré que le titre sera en espagnol également dans les pays francophones. L'affiche du film pour les pays francophones garde le titre original.
  • Réalisation : Pedro Almodóvar
  • Scénario : Pedro Almodóvar (adapté du roman Mygale de Thierry Jonquet)
  • Musique originale : Alberto Iglesias
  • Image : José Luis Alcaine
  • Montage : José Salcedo
  • Production : El Deseo S.A.
  • Durée : 117 minutes
  • Dates de sortie: 17 août 2011 (France), 2 septembre 2011 (Espagne)
  • Bande annonce
Reproduction possible des textes sans altération, ni usage commercial avec mention de l'origine. .88x31.png Credit auteur : Ann.Ledoux