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Le Crime de monsieur Lange film français réalisé par Jean Renoir, sorti en 1936.

Analyse critique

A bord d'une voiture, Amédée et Valentine foncent vers la frontière belge. Ils trouvent asile dans un petit hôtel. Les consommateurs attablés sont perplexes. Cet homme ne serait-il pas monsieur Lange, l'homme que la police recherche pour le meurtre de son patron, l'imprimeur Batala ? Valentine, qui a surpris leur conversation, intervient. Oui, elle le reconnaît, c'est bien monsieur Lange. Mais elle prie les clients d'écouter toute l'histoire avant d'appeler la police.

Amédée Lange est employé dans la société d'édition de Batala, patron véreux et sans scrupules. Durant ses heures de loisir, Lange écrit des histoires : Les Aventures d'Arizona Jim. Batala, menacé de poursuites pour n'avoir pas honoré un contrat publicitaire, décide de publier Arizona Jim, en modifiant à l'insu de l'auteur certains passages afin d'intégrer des réclames au texte. Entre deux affaires véreuses, il viole l'innocente Estelle, employée de la blanchisserie du rez-de-chaussée dont la patronne, Valentine, est elle-même amoureuse de Lange. D'autres intrigues se nouent gentiment dans la cour de l'immeuble.

Ne pouvant plus honorer ses dettes, Batala prend la fuite. Le train dans lequel il s'enfuit a un grave accident, et on l'annonce mort. En réalité, il a volé les vêtements et usurpé l'identité d'un ecclésiastique qui voyageait avec lui. Les employés des éditions Batala s'organisent en coopérative, et lancent un nouveau magazine dont Arizona Jim est la figure principale. C'est un immense succès auprès du jeune public. On s'apprête à tirer un film d'"Arizona Jim". C'est le moment que choisit l'ignoble Batala pour reparaître et faire valoir ses droits. Lange, effondré, le tue. Après quoi il s'enfuit en compagnie de Valentine et passe aisément la frontière.

Le scénario original s'appelait Sur la cour. L'idée générale du film est de grouper autour de cette cour intérieure un certain nombre de personnages et d'activités, de peindre dans un esprit quasi unanimiste une de ces petites communautés parisiennes née spontanément de la topographie urbaine. Il y a ceux qui habitent et travaillent " sur la cour " : les concierges, la blanchisseuse, Lange et ceux qui viennent seulement y travailler : les typographes, les ouvrières de Valentine, mais tout ce petit monde n' est connu que par ses rapports constants ou occasionnels avec la cour et les activités dont elle est le centre.

Or, cette réalité dramatique a été concrétisée en fait par un décor, non point morcelé entre plusieurs plateaux du studio, mais construit effectivement en entier dans la cour du studio de Billancourt. Dans ce vaste complexe, chaque partie importante du décor (la conciergerie, la blanchisserie, le grand escalier, la salle de composition, le bureau de Batala…) occupait sa place réelle autour de la cour dont le centre devenait le lieu géométrique de toute l'action. Notons un détail significatif : le pavage de ladite cour est concentrique.

Le trait de génie final de la mise en scène, qui va cristalliser toute la structure spatiale du film est un panoramique à 360° et à contresens, prenant Lange dans le bureau de Batala, le suivant à travers l'atelier puis l'escalier enfin débouchant sur le perron. Mais, lors du plan suivant, la caméra l'abandonne et, au lieu de continuer sur ses pas, vire en sens contraire balayant toute la cour et recadrant l'acteur dans l'angle opposé où il vient de rejoindre Batala pour le tuer. Cet étonnant mouvement d'appareil apparemment contraire à toute logique a des justifications secondaires, psychologiques ou dramatiques, il donne une impression de vertige, de folie, il crée un suspense, mais sa raison d'être est plus essentielle ; il est l'expression spatiale pure de toute la mise en scène.

Ce film rend admirablement compte de l'esprit de l'époque et des toutes premières heures du Front populaire. Car l'intrigue, et son amoralité apparente, importe peu, et Jules Berry, contribue à la distance du personnage du patron, plus pantin que coupable ou victime. Ce qui importe aux yeux de Renoir, de Prévert et des membres du groupe Octobre, c'est de montrer les petites gens et leurs petits métiers sous leur vrai jour, et de leur donner une leçon d'espoir. Le Crime de monsieur Lange est une réussite absolue car il combine la qualité habituelle des films de Renoir à un moment de grâce unique dans l'histoire d'un pays. Tout, de l'interprétation aux dialogues, y est profondément réjouissant.

« Voilà encore le cas, fréquent chez Renoir, d'un film qui, à force de vérité même, devient vite purement féérique... Monsieur Lange est de tous les films de Renoir, le plus spontané, le plus dense en miracles de jeu et de caméra, le plus chargé de vérité et de beauté pure, un film que nous dirions touché par la grâce. »François Truffaut, Les Films de ma vie, 1975

Distribution

  • René Lefèvre : Amédée Lange
  • Jules Berry : Paul Batala
  • Florelle : Valentine Cardès
  • Nadia Sibirskaïa : Estelle
  • Sylvia Bataille : Édith
  • Henri Guisol : le fils Meunier
  • Maurice Baquet : Charles, le fils des concierges
  • Marcel Lévesque : le concierge
  • Odette Talazac : la concierge
  • Marcel Duhamel : Louis, le contremaître
  • Jacques Brunius : Monsieur Baigneur
  • Jean Dasté : Dick, le maquettiste
  • Claire Gérard : la prostituée
  • Sylvain Itkine : l'inspecteur Juliani
  • Pierre Huchet : Monsieur Buisson

Fiche technique

  • Réalisation : Jean Renoir
  • Scénario : Jacques Prévert et Jean Renoir sur une idée de Jean Castanier
  • Dialogues : Jacques Prévert
  • Direction artistique : Marcel Blondeau
  • Photographie : Jean Bachelet
  • Montage : Marguerite Renoir
  • Musique : Jean Wiener; Chanson Au jour le jour, à la nuit, la nuit de Joseph Kosma et Jacques Prévert ; orchestre sous la direction de Roger Désormière
  • Production : André Halley des Fontaines ; Geneviève Blondeau (directrice de production)
  • Société de production : Films Obéron
  • Format : Noir et blanc - 35 mm - 1,37:1 - Mono
  • Durée : 84 minutes
  • Date de sortie : 24 janvier 1936 (au cinéma Aubert-Palace, Paris)
Reproduction possible des textes sans altération, ni usage commercial avec mention de l'origine. .88x31.png Credit auteur : Ann.Ledoux