Sommaire (edit)Le cinéma
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Le Feu follet , film français de Louis Malle, sorti en 1963. AnalyseAlain Leroy a quitté New York pour subir une cure de désintoxication alcoolique dans une clinique de Versailles. Sa femme, Dorothy, est restée aux États-Unis. Son traitement vient de s'achever. Il est guéri mais éprouve un profond dégout face à la vie qui ne lui procure plus aucun des plaisirs d'antan. Il rencontre Lydia, une très jolie femme, amie de sa femme Dorothy, qui souhaite le sauver. Mais Alain ne peut l'écouter et, après un ultime rendez-vous amoureux, la quitte. Il va vivre ses dernières quarante-huit heures. Le docteur La Barbinais tente, sans succès, de le décider à renouer avec sa femme; mais il se borne à envoyer un télégramme de rupture. Dans un bar où il s'enivre, là où jadis la vie n'était qu'une éternelle fête, il rencontre Dubourg, un ancien ami qui s'est embourgeoisé en se mariant. Alain refuse son soutien moral, agacé par son ton pontifiant. Par l'intermédiaire de Jeanne, il est conduit auprès de ses anciens complices, aujourd'hui drogués. Il les fuit et se remet à boire. Dans une réception mondaine, chez Cyrille Lavaud, Alain fait la connaissance de Solange qui écoute son appel au secours. Elle lui téléphone le lendemain matin. Alain est de nouveau indifférent à tout. Nous sommes le 23 juillet, date qu'il s'est fixé pour se tirer froidement un coup de révolver dans la tête. Le film est inspiré du roman homonyme de Pierre Drieu La Rochelle qui raconte la vie de Jacques Rigaut, transposé ici en Alain Leroy. Ce roman se passant dans les années 20, est habilement transposé dans les années 60. Louis Malle était d’ailleurs assez dépressif à ce moment et avait même pensé à interpréter le film lui-même. Il a trouvé en Maurice Ronet, en interprète idéal, impressionnante posture d’une grande lassitude de l’être, tel un astre blafard. La musique d’Érik Satie, les Gymnopédies et Gnossiennes, est en parfaite adéquation avec cette flânerie dépressive, rarement on a vu sur un écran une incarnation aussi tangible du spleen . Le personnage principal, Alain Leroy, n’a rien pour susciter la compassion, c’est un dandy assez oisif, honorant ses conquêtes féminines sans flamme et a eu des sympathies avec l’O.A.S. depuis son service militaire en Algérie. Il se révèle assez inadapté aux contraintes du monde extérieur, alcoolique, donnant son rôle le plus probant de Maurice Ronet qui avait perdu 15 kilos pour le rôle. Défait, désabusé, il montre le dégoût de la vie, sa difficulté de résister à reboire, dans un monde où la tentation est permanente. Cette lutte contre l’alcoolisme est montrée de manière quasi documentaire, comme la réaction après le premier verre . Hors du temps, ce film reste une œuvre admirable et universelle, d’une formidable noirceur, c’est un portrait sans concessions, et un itinéraire remarquable d’un homme qui a perdu la raison de Déclarations de Louis MalleLe film et l'adaptation du roman vus par le réalisateur in Les lettres Française, 10 octobre 1963 Il y a dans le roman une sorte de fétichisme de l’argent ; l’argent, c’est ce qui rattache à la matière et Jacques Rigaut, l’ami de Drieu qui se suicida en 1929 et qui a servi de modèle à Alain, enviait ceux qui ont des rapports simples avec la vie. Nous sommes en pleine atmosphère de fin du surréalisme et Rigaut est très proche de Jacques Vaché qui se suicida lui aussi. Cette obsession de l’argent ressortit à la mythologie des riches Américaines des années trente. C’est un résidu du surréalisme. On a l’impression que Drieu méprise son personnage. C’est pourquoi j’ai cherché à le rendre plus sympathique. Et d’abord pour une simple raison " technique ", à savoir qu’il n’est pas possible de faire un film entier sur un personnage marginal, inutile, inintéressant. Il fallait trouver des failles par lesquelles la sympathie du spectateur pourrait pénétrer : estomper la question de l’argent était une façon simple de rendre le personnage sympathique. Tel qu’il est, je crois que le personnage suscite une grande tendresse par son humanité exaspérée. On est touché et concerné. L’obsession du suicide hante plus de gens qu’on ne croit et le film a déjà suscité des réactions très vives auxquelles je ne m’attendais pas. C’est dans ces cas comme celui-là qu’on se rend compte de la puissance du cinéma, essentiellement par l’intermédiaire du regard : nous sommes des apprentis sorciers. Alain cherche des raisons de ne pas se tuer et il ne les trouve pas dans l’O.A.S. Il a été contacté par deux garçons qui sont d’anciens camarades de régiment, mais il a refusé de s’associer parce qu’il est " contre ". Il est tenté par l’action, et donc par l’engagement politique, par l’action pour elle-même. Mais, pour un velléitaire comme lui, l’action ne serait qu’une façon de se couper les ailes. Le Feu follet est un roman d’un ratage ; au fond, Drieu est un grand écrivain " raté " parce que toute son œuvre traite du ratage. Mais il a écrit les pages qui m’ont le plus touché de cette génération-là, dans Gilles surtout. Il n’est pas question de comparer Drieu à Aragon comme écrivain, mais s’il est moins parfait, il est souvent plus aigu ! Le vrai Jacques RigautJacques Rigaut est un artiste dadaiste français né en 1898 et mort en 1929. D’abord élève brillant au lycée Montaigne où il obtient un prix de récitation et de français, il devient passable et dissipé au lycée Louis-le-Grand et se fait remarquer par son excentricité. À la fin de 1919, il fréquente le café Le Certa au passage de l’Opéra, le rendez-vous des Dadaïstes qui apprécient son côté nihiliste. Il devient l'ami de Drieu La Rochelle qui en fait le héros de trois romans: le Feu follet, La Valise vide et L'Adieu à Gonzague. Dandy sans argent, vivant chez ses parents, il devient un grand consommateur d’opium, de cocaïne et d'héroïne. En 1922, il rejoint Tristan Tzara avec les surréalistes Paul Éluard et Benjamin Péret qui se séparent d'André Breton. En 1923, il s’éprend d’une riche américaine qu’il suit à New York. Elle le quitte rapidement, lassée de sa toxicomanie. Il vit misérablement jusqu’en décembre 1926 quand il épouse à nouveau une riche héritière. Il revient en France en novembre 1928 et reprend une vie mondaine dans une maison prêtée par le surréaliste Paul Chadourne. Il commence une série de cures de désintoxications. Le 6 novembre 1929, dans une maison de repos de Châtenay-Malabry, Jacques Rigaut se donne la mort. Distribution
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