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Le Journal d'une femme de chambre ; film franco-italien réalisé par Luis Buñuel, d’après le roman de Octave Mirbeau et sorti en 1964.

Analyse

Mirbeau donne la parole à une soubrette, Célestine, ce qui est déjà subversif en soi, et, à travers son regard qui perçoit le monde par le trou de la serrure, il nous fait découvrir les nauséabonds dessous du beau monde, des classes dominantes et les turpitudes de la société bourgeoise qu'il pourfend.

Le roman d'Octave Mirbeau, qui se situe en 1890 est intentionellement transposé en 1928. Célestine est engagée comme femme de chambre au Prieuré, propriété bourgeoise de la famille Monteil, en Normandie. Elle découvre les petits travers de chacun : les appétits sexuels et le goût de la chasse de M. Monteil, la frigidité et l'obsession de la propreté de Mme Monteil, le fétichisme de la bottine féminine du vieux Rabour, le racisme maurassien du domestique Joseph, le militarisme borné du voisin Mauger, capitaine en retraite.

Célestine se lie d'amitié avec Marianne, servante un peu simple d'esprit et surtout Claire, une fillette assez indépendante. Alors qu'on apprend la mort subite de Rabour, tenant encore à la main une de ses chères bottines, on découvre dans les bois le cadavre de Claire. Elle a été violée et assassinée par Joseph.

Pour confondre le meurtrier et le livrer à la justice, Célestine accepte de se fiancer avec lui et fabrique une preuve qui entraîne l'arrestation du coupable. L'ancienne femme de chambre concrétise alors son ascension sociale en épousant Mauger, qu'elle transforme en mari soumis.

Après son acquittement, Joseph est devenu le patron d'un petit bistrot à Cherbourg. Il regarde passer un défilé de militants d'extrême-droite qui crient leurs slogans xénophobes. Joseph lance un " Vive Chiappe " bientôt repris par tous. L'orage éclate.

C'est le premier film de la dernière période de Luis Bunuel, pendant laquelle il tournera essentiellement en France, et toujours avec la collaboration de Jean-Claude Carrière pour le scénario. En repoussant d'une trentaine d'année l'action du roman d'Octave Mirbeau, le cinéaste s'offre une belle vengeance sur ceux qui bâillonnèrent ses débuts dans les années 30.

Le "Vive Chiappe !" que scandent des manifestants "antimétèques" de 1928 à la fin du film est une allusion ironique au préfet Jean Chiappe, qui fit interdire L'âge d'or son chef d'œuvre surréaliste alors qu'il vivait en France l'effervescence sociale et politique.

Buñuel épure son style pour se mettre au ras du quotidien et jubile de prendre au piège la petite bourgeoisie provinciale qui ne mérite pas les audaces baroques que L'Ange exterminateur appliquait à la satyre de la haute bourgeoisie.

Le récit, éminemment démystificateur, constitue une manière d'exploration pédagogique de l'enfer social, où règne la loi du plus fort, à peine camouflée par les grimaces des nantis. Forme moderne de l'esclavage, la condition des domestiques et gens de maison, comme on disait, est dénoncée par la chambrière, dotée d'une lucidité impitoyable : "On prétend qu'il n'y a plus d'esclavage... Ah ! voilà une bonne blague, par exemple... Et les domestiques, que sont-ils donc, sinon des esclaves ?... "

Si tous les serfs des temps modernes sont condamnés à l'instabilité, à la surexploitation et à de perpétuelles humiliations, les femmes de chambre sont de surcroit traitées comme des travailleuses sexuelles à domicile, ce qui est souvent le premier pas vers la prostitution.

Buñuel se régale à peindre une petite bourgeoise provinciale décrépite et impuissante avec la fringale sexuelle de Monsieur, le refoulement aigri de Madame et le colérique capitaine Mauger. Joseph le magouilleur ne perçoit son salut que dans les ligues fascistes exploitant son nationalisme et son antisémitisme viscéral. Le fétichisme du beau-père, M. Rabour, qui fantasme sur les bottines de Célestine est le versant dégénéré des pulsions de morts et de corruption qui saturent le film.

L’intrigue policière quant à elle sert principalement à mettre en avant l’opportunisme de Célestine, qui jongle entre les demandes de mariage sans jamais réfléchir en terme d’amour mais bien de profit. Le personnage de Joseph, sert aussi à introduire celui du curé, tout aussi méprisable, et figure ainsi une nouvelle attaque de Buñuel envers l’église qu’il haïssait tant tout en la redoutant. Il est aussi intéressant d’opérer un parallèle entre ce film et Belle de jour?, où Buñuel confrontera cette fois une bourgeoise désœuvrée (incarnée par Catherine Deneuve) à l’univers des prostituées.

Distribution

  • Jeanne Moreau : Céléstine
  • Georges Géret : Joseph
  • Daniel Ivernel : Captain Mauger
  • Françoise Lugagne : Madame Monteil
  • Muni : Marianne
  • Jean Ozenne : Monsieur Rabour
  • Michel Piccoli : Monsieur Monteil

Fiche technique

  • Titre : Le Journal d'une femme de chambre
  • Réalisation : Luis Buñuel
  • Scénario : Luis Buñuel ; Jean-Claude Carrière d'après le roman homonyme de Octave Mirbeau
  • Production : Henri Baum
  • Photographie : Roger Fellous
  • Montage : Luis Buñuel ; Louisette Hautecoeur
  • Format : Noir et blanc ; son mono
  • Pays d'origine : France ; Italie
  • Durée : 101 minutes
  • Date de sortie : 4 mars 1964

Source partielle : Wikiafilm:Le_Journal_d%27une_femme_de_chambre

Reproduction possible des textes sans altération, ni usage commercial avec mention de l'origine. .88x31.png Credit auteur : Ann.Ledoux