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Les Délices de Tokyo (あん An) film japonais de Naomi Kawase, sorti en 2015 Analyse critiqueUn homme d'environ quarante ans, Sentaro, tient seul une petite boutique de dorayakis, des gâteaux fourrés à la pâte de haricots rouges, qui attire surtout des collégiennes. Elles l'énervent, sauf une qui reste sur sa réserve, Wakana, qui envisage de quitter l'école pour travailler dans sa boutique. Un jour, une vieille dame se présente, attirée par les cerisiers, le sucré, et l'affichette d'offre d'emploi. Elle veut travailler, même pour un tout petit salaire. Le tenancier l'éconduit, et lui offre un dorayaki. Elle revient avec un échantillon de sa propre pâte de haricots rouges, et continue à admirer les cerisiers en fleurs. Sentaro, qui n'a jamais pu manger entièrement un dorayaki, parce qu'il n'aime pas le sucré, et qu'il travaille avec des produits industriels, apprécie enfin. Tokue confectionne une pâte de haricots rouges confits qui rend les dorayakis particulièrement délicieux. Mais elle est bien vieille (76 ans), bien fragile, bien mal fichue, avec ses deux mains recroquevillées. Sentaro accepte de l'embaucher, mais Tokue impose sa recette, exigeante, longue. Les clients affluent, en redemandent. Mais la présence active de Tokue en face des clients pose problème, la déformation de ses mains, son adresse, tout indique que c'est une ancienne lépreuse. Sentaro boit trop, pour oublier. Tokue le remplace une journée entière. La rumeur se répand, la clientèle fuit, la propriétaire exige qu'elle parte. Sentaro a pris ce travail alimentaire pour rembourser de grosses dettes qu'il a contracté suite à un séjour en prison pour rixe: il doit obéir. Il lui demande de rentrer chez elle. Rien ne s'arrange pour autant. Enfant unique, pas heureuse chez sa mère, Wakana fugue, avec son canari, et cherche à le placer chez Sentaro, ou chez Tokue. Un bus les dépose à l'entrée du sanatorium, de l'ancienne léproserie, un monde à part, comme un ancien village oublié, zone interdite, rempli de grands arbres, et de vieilles personnes, qui rient, travaillent. Dans une salle commune, qui ressemble à un salon de thé, ils rencontrent Tokue, fatiguée, mais heureuse de les revoir, et qui leur présente sa vieille amie, aux mains bien plus déformées, et experte en gâteaux occidentaux et en pâte de haricots rouges salés aux algues. Cette adaptation d'un roman de Durian Sukegawa ouvre un univers d'étonnants contrastes. Il y a la douceur presque sucrée de Tokue, tendre comme ses gâteaux. Mais aussi la douleur secrète qu'elle porte en elle et qui fait resurgir un passé tabou, l'époque où le Japon condamnait à l'enfermement les malades de la lèpre. Tokue appartient à une part cachée de l’histoire du Japon, celles des lépreux, qui furent mis au ban de la société, parqués dans des quartiers réservés, et ce jusqu’en 1996. La plupart continuent d’y vivre. Chaque existence est faite de blessures. Le vendeur de dorayakis en cache, lui aussi, plus banales, mais non moins lourdes à porter. Condamné à la prison pour une rixe, il s'est endetté et consacre son maigre salaire à rembourser sa dette, auprès d'un prêteur étroitement lié au propriétaire de sa boutique. De même, troisième type de blessure, celle de Wakana, collégienne qui vit seule avec sa mère, qui s'occupe peu d'elle et qui ne lui offre pas de cours du soir, habituels dans la scolarité japonaise. Elle se trouve ainsi à l'écart de ses camarades Tout en menant ce conte un peu triste avec simplicité et candeur, Naomi Kawase ne cesse d'y chercher matière à une élévation. Elle reste ainsi fidèle à l'élan de spiritualité qui parcourt son cinéma, mais trouve, à travers le personnage de Tokue, une manière plus émouvante d'exprimer sa foi en des forces invisibles présentes dans notre monde quotidien. La spécialiste des dorayakis n'a pas son pareil pour recommander d'écouter ce que racontent les haricots rouges ou les feuilles de cerisier. Elle ouvre un chemin vers la grâce et la possibilité de surmonter les épreuves. Distribution
Fiche technique
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