Le tournage ne fut pas simple : difficulté du montage financier, mésententes au sein de l'équipe, météorologie très défavorable entrainant l'interruption du tournage, jamais repris. Le montage de 40 minutes, où manquent quelques plans remplacés par deux cartons, est néanmoins celui d'une œuvre achevée, dans laquelle Jean Renoir laisse s'épanouir ses thèmes de prédilection, la sensualité,la relation à la nature et à l'eau, la satire sociale, l'ordre et le désordre, dans une nature qui fait penser aux peintures de son père Auguste Renoir.
La méchanceté de Maupassant se combine à la chaleur humaine de Renoir, et cette très belle chronique d'un dimanche d'été est aussi un conte inquiet, tendre et mélancolique, caustique et troublant.
Dans ce film, Renoir rend hommage à son père dans un certains nombre de scènes. Il recherche le frémissement de la lumière sur les vêtements, les effets d'ombre au travers des feuillages.
Jean Renoir interprète lui-même le rôle du père Poulain, propriétaire de l'auberge fréquentée par les deux canotiers où la famille Dufour décide de déjeuner sur l'herbe. C'est un rôle accessoire, en soi inutile à la narration. Superflu dans le système des personnages, absent de la nouvelle de Maupassant, il se justifie dans le projet symbolique du film où il assure une fonction d'incitateur au plaisir. Sur le plan de la nourriture d'abord en proposant aux deux jeunes hommes "une omelette à l'estragon", puis sur le terrain érotique en les invitant à passer l'attaque "si j'étais à votre place j'sais bien c'que je ferais", non sans avoir vanté les charmes de la mère précisément pour leur opulence : " la p'tite ! J'l'ai pas regardée ! Elle est trop maigre. La mère ! Parlez-moi d'un morceau !". Une profession de foi sensualiste où se mêlent tous les plaisirs de la chair, pourvu qu'elle soit abondante. Ainsi le personnage semble disparaître derrière l'auteur, ou celui-ci se dissimuler derrière celui-là.
Critiques
Pour André Bazin, « La scène d'amour dans l'île est l'un des moments les plus atroces et les plus beaux du cinéma universel ». Scène qui fait écrire à Jean-Bertrand Pontalis : « Sylvia Bataille dans Partie de campagne de Renoir : la balançoire et surtout, merveille des merveilles, la scène où elle s'abandonne, couchée dans l'herbe, à ce qui soudain lui arrive, la surprend, l'envahit : ce plaisir qui n'a pas de nom. »
Distribution
- Sylvia Bataille : Henriette Dufour
- Georges Darnoux : Henri
- Jacques Brunius : Rodolphe
- Jane Marken : Mme Juliette Dufour, la mère
- André Gabriello : M. Cyprien Dufour, le père
- Jean Renoir : le père Poulain, l'aubergiste
- Paul Temps : Anatole
- Gabrielle Fontan : la grand-mère
- Marguerite Renoir : la servante
- Alain Renoir : le garçon qui pêche
- Jacques Becker : un étudiant séminariste
- Georges Bataille : un étudiant séminariste
- Pierre Lestringuez : le vieux prêtre
Fiche technique
- Réalisation : Jean Renoir
- Assistants de réalisation : Jacques Brunius, Jacques Becker, Yves Allégret, Henri Cartier-Bresson, Claude Heymann, Luchino Visconti
- Scénario et dialogues : Jean Renoir, d'après Une partie de campagne, nouvelle de Guy de Maupassant.
- Producteur : Pierre Braunberger pour Les Films du Panthéon
- Photographie : Claude Renoir
- Montage : Marguerite Houllé Renoir
- Musique : Joseph Kosma
- Directeur de production : Roger Woog
- Format : Noir et blanc - 35 mm
- Durée : 40 minutes
- Tournage : 1936
- Date de sortie : 8 mai 1946 au cinéma César à Paris
Extrait Vidéo sur Youtube
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