Sommaire (edit)Le cinéma
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Pater film d'Alain Cavalier, sorti en 2011 Analyse critiqueCe film explore les relations entre un réalisateur et un acteur. Il est basé sur des rencontres régulières entre l'acteur Vincent Lindon et le metteur en scène Alain Cavalier, filmées par ce dernier, sans l'apport d'une équipe technique. Il a pour thème « le retour de l'enfant prodigue, le retour au père ». Lors de ces séances de tournage, Alain Cavalier et Vincent Lindon improvisent des dialogues entre un président de la république et son premier ministre. Alain Cavalier et Vincent Lindon jouent au Président de la République et au Premier ministre. Le premier nomme le second, alors chef d'entreprise, pour faire passer une loi sur le salaire maximum au niveau national, comme il le pratique déjà dans sa propre entreprise. Le projet rencontre une forte opposition et les deux hommes n'arrivent pas à rassembler une majorité de députés derrière le projet. Ayant le sentiment de ne pas avoir été assez soutenu par le Président, Vincent Lindon décide alors de se présenter à l'élection présidentielle contre Alain Cavalier, forçant celui-ci à concourir une nouvelle fois. En même temps, le film est aussi un film sur le film en train de se faire. D’une scène à l’autre, voire parfois d’une réplique à une autre, Alain Cavalier peut redevenir Alain Cavalier et Vincent Lindon se retrouver dans la peau de Vincent Lindon. On pourrait dire qu’alors ils jouent à jouer, mais ce serait réducteur, car aussi ils se filment l’un l’autre, tour à tour ou ensemble, ils inventent leurs dialogues, Vincent Lindon parle et le Président lui répond, ou bien c’est Alain Cavalier qui s’exprime et le Premier Ministre qui relance.
Note d'intention d'Alain CavalierPater 1 Dieu le père, d'abord. Enseigné au pensionnat religieux. Par des prêtres que j'appelais : "Mon père". Mon père biologique. Dans mon adolescence, Je le regarde exercer son pouvoir Sur sa femme, sur mon frère et moi, Sur ceux qui travaillent à ses ordres. Mon père est Directeur des finances de la Tunisie Sous le Protectorat français. De Gaulle a quitté le pouvoir et voyage.
Quatre ans après, ce pays accède à l'indépendance. Pater 2 Je commence à faire des films. L'affrontement des clans irréconciliables. L'argent lourd. Le matériel encombrant. La force des comédiens aimés du public. J'analyse. Je ruse, je cherche. J'essaye ; L'invention de la caméra vidéo fissure les pouvoirs, Je me sens plus libre, Grâce à la présence de mon producteur Michel Seydoux. Mon père meurt. Sans une vraie réconciliation entre nous deux. Je l'ai entendu plusieurs fois crier :
J'ai respecté son courage d'aveugle, de paralysé. Aujourd'hui, je vois bien dans les miroirs Que je deviens son clone à toute vitesse. Ai-je comprimé tout ce qu'il a déposé en moi A cause du jugement que je portais sur lui ? Pater 3 Je rencontre un homme que j'estime. Vincent Lindon, comédien. Il m'attire. Mais je ne veux pas reprendre mon ancien métier de directeur d'acteurs. Je ne filme que des personnes et plus des personnages. Nous parlons dans des bars d'hôtel. Nous aimons ces lieux de passage. Un après-midi, en buvant un verre de Bordeaux, Je le contemple avec plaisir. J'ai une certitude : c'est mon fils. Je suis son père. J'accepte mon père et moi, enfin réunis. Quelques minutes de bonheur. Pater 4 Je déterre un vieux projet qui me poursuit. Le récit de l'enfant prodigue dans les Evangiles. Un père a deux fils qui travaillent avec lui. Las de son autorité, avide de liberté, Le cadet demande sa part d'héritage. Il court le monde. Il claque tout. Il revient, se met à genoux devant le père, demande pardon, Le père ordonne une fête pour célébrer ce retour. Le fils aîné se met en colère.
Le père dit
Pater 5 Je vais voir Vincent Lindon à Calais. Il y tourne un film. Il est maître-nageur. Il entraîne un jeune immigré clandestin entre la France et l'Angleterre. Nous calons un accord : faire un film ensemble. Un film autour de nous deux : lui, comédien, moi, filmeur. Ca pourra durer un an. Nous tournerons à ses jours de libres. Dans sa chambre d'hôtel, nous nous filmons chacun avec ma caméra, affirmant notre pacte. C'est ce que nous faisons ensemble de plus important depuis que nous nous connaissons. Je ne lui parle même pas de l'enfant prodigue. Je sais seulement que cette histoire ne sera pas celle du film Mais que le film baignera en elle. Pater 6 J'ai toujours été un grand amateur de récits autobiographiques. Surtout écrits par ceux qui nous gouvernent. Et cela depuis La Guerre des Gaules de Jules César que je traduisais au collège. Je préfère encore plus Les comptes-rendus de leurs collaborateurs qui les ont observés. Je partage avec Vincent la joie devant un détail qu'aucune n'aurait pu saisir dans la vie car il s'agit de l'intimité invisible et libre du pouvoir. Je partage avec lui aussi ce goût du geste juste, particulier, qui tue le cliché. Au fil des mois, Vincent ne va-t-il pas se lasser ? Je ne propose encore rien de précis. Je me contente de conversations. Sans perspectives cinématographiques. C'est à ce moment que le fantôme de mon père me prend la main et m'entraîne Là où je dois aller avec Vincent. Pater 7 Au bar de l'hôtel Meurice, rue de Rivoli, je propose à Vincent une structure pour notre film : nous nous filmons tous les deux dans notre vie courante. Et sous l'oeil du spectateur, Nous nous transformons régulièrement et selon les circonstances en personnages de fiction avant de revenir à nos affaires du jour. La fiction est la suivante : Cavalier est Président de la République Il est usé par un combat sans fin pour satisfaire sa passion du pouvoir et son obsession de réduire les inégalités. Il propose à Lindon d'être son Premier Ministre. Quelques réformes aboutissent. Quelques batailles se gagnent. L'énergie du Président décline. L'étoile du Premier Ministre grandit. On le pousse à se présenter aux présidentielles. Il hésite... il cède. Il pose sa candidature. Remonté par la trahison de son "fils", le Président part à l'assaut d'un deuxième mandat. Il est battu. Le Premier Ministre prend sa place. Leurs femmes sont ravies. Sauf le fils du Premier Ministre. Pater 8 Toujours dans la fiction, après le scrutin, l'ex-président passe son temps libre à visiter son vieux père. Ils profitent l'un de l'autre. Le père dit à son fils une phrase Que le père de Cavalier a réellement prononcée : - Je me suis réconcilié avec Dieu. - Et avec toi-même, lui répond Cavalier-Président. Cette séquence sera mise en chantier en fin de tournage Dans quel état d'esprit serons-nous à ce moment, Vincent et moi ? Tout est imprévisible. Tout est possible. Même que Cavalier joue son propre père. Même que Lindon soit Cavalier en fils... Pater 9 Pour le film, Les emprunts sont faits à un grand nombre de politiques de tous les temps. Il n'y a aucun modèle précis. Aucune représentation du pouvoir comme au journal télévisé comme dans les documentaires comme dans les films et téléfilms. Seulement deux être humains, Lindon et Cavalier Qui "imaginent" la volonté de puissance et la proposent à un troisième : le spectateur. Ensemble, nous pouvons jouer au grand jeu violent et drôle d'avoir un double compensatoire, vénérable et piétinable, puis de revenir à nous-mêmes, peut-être plus informés de notre véritable nature. Pater 10 Ce film n'a pas de but politique apparent. Il sous-entend que nous sommes autant une communauté de terriens que les enfants de notre village. C'est vivre plus grand et plus difficile. Ce film est au plus près de Vincent Lindon et d'Alain Cavalier. Sa vitalité à lui, sa curiosité, son humour. Mon passé à moi, mon ironie devant l'avenir, ma confiance dans le cinéma. Demandons à Dieu, uniquement celui de la bonté, Que tout cela soit réuni dans notre ouvrage. Alain Cavalier, 2010. |