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Tout ce que le ciel permet (All That Heaven Allows) film américain de Douglas Sirk , sorti en 1955

Analyse critique

Carey Scott, veuve d'un certain âge mène une vie terne et sans histoire dans une petite localité de Nouvelle-Angleterre, se consacrant au bonheur de ses deux enfants Ned et Kay, qui viennent d'entrer à l'Université. Souhaitant qu'elle ne termine pas ses jours en solitaire, ses enfants et son amie et confidente, Sara Warren, la poussent dans les bras de Harvey, quinquagénaire aisé auprès de qui elle trouverait la tendresse et la sécurité.

Mais Carey rêve encore d'un grand amour. C'est dans cette disposition d'esprit qu'elle rencontre Ron Kirby, le séduisant pépiniériste, de quinze ans plus jeune qu'elle, engagé par ses soins pour s'occuper de son jardin. Ron Kirby ne tarde pas à partager sa passion et ils deviennent amants. Le jeune homme l'emmène dans sa demeure, un vieux moulin situé au milieu des bois où il vit loin du monde, des préjugés et des conventions.

Mais la liaison de Carey est rejetée par son entourage : non seulement à cause de leur différence d'âge mais aussi parce que Kirby est d'un niveau social bien inférieur. Pour ne pas déplaire à ses enfants, Carey rompt avec Ron et recommence à fréquenter Harvey. Peu après, Kay se marie et Ned, mobilisé, part pour l'étranger. Souffrant de la solitude, Carey apprend que Ron a été victime d'un grave accident. Découvrant que son sacrifice n'a pas empêché l'ingratitude de ses enfants, elle part le soigner et, à sa guérison, décide de braver l'hypocrisie qui l'entoure en l'épousant.

Sirk démontre que l'ironie et l'émotion peuvent aller de pair dans la scène extraordinaire où arrive sur une table à roulettes le cadeau du fils à sa mère, un poste de télévision, ainsi commenté par le vendeur : "Tout ce que vous avez à faire, c'est de tourner le bouton et vous aurez toute la compagnie que vous pouvez désirer, là sur l'écran : le drame, la comédie, la parade de la vie sont à la pointe de vos doigts".

Le film est bien un mélodrame, mais Douglas Sirk ne subvertit pas le mélo, il le pousse dans ses derniers retranchements afin de le sublimer. Tout est ici exacerbé : l’amour que partagent les deux personnages est aussi simple que fulgurant, et la mesquinerie de ceux qui tentent d’empêcher cet amour semble relever d’un complot universel et machiavélique. Le scénario ne s’embarrasse pas de psychologie, et les sentiments qui habitent et les uns et les autres sont immuables, figés tel une maladie incurable. Il faut alors se battre, briser les barrières sociales et morales afin de vivre pleinement, au plus près de son âme. Ce retour aux sources, ce chemin vers le cœur ne peut s’accomplir que dans la révélation de la beauté du monde et de la nature.

La grande idée du film est , comme suggère le jeune jardinier à Cary l'obstacle à leur amour ne vient peut être pas tant du monde extérieur que de Kary elle-même. Tous ses reflets dans les miroirs renvoient à Kary une image forgée par les conventions sociales, et il lui faudra alors briser cette image afin de s'en libérer. Et c'est seulement à ce moment que le miracle final pourra enfin avoir lieu.

Sur le plan formel, Douglas Sirk coalise deux principes opposés, l’antinomie des lumières et de l’ombre avec la vivacité des couleurs. Ces deux conventions ne s’agrègent pas naturellement pour être en contredit l’une envers l’autre et préjugent un tempérament entre l’une et l’autre qui porte ce nom de clair-obscur. Suivant l’ordre des nuances, l’apparence de l’objet dans l’uniformité de son éclairage emporte sa consistance au-delà de l’image et sa couleur propre façonne la transparence qui le fait proche.

En inverse, lorsqu’il se pare d’ombres et d’illumination, l’espace résorbe les nuances de coloration. Après que l’objet fut soumis aux striures de l’éclairage, ses teintes ont disparu sur l’écran à demi, les ombres sont au noir, la chose dans l’éclat des lampes paraît blanche où se brûle la saturation. La palette chromatique ne s’épanouit dans son étendue qu’à cette condition de douceur des éclairages ou leur uniformité qui affecte les parties foncées et fait s’évaporer le voile de l’atmosphère.

Douglas Sirk fait ériger en ce film des plans d’oppositions de clair et d’obscur pour assigner cette fois la couleur en son intensité la plus haute. La lumière elle-même se colore, accentuant la rougeur de l’éclairage du feu, l’effet du vitrail à travers une verrière teintée, le bleu nocturne. La palette chromatique invoque une vertu singulière de la substance de l’image. Alertes et vives, les couleurs semblent mettre à nu la cause mentale en ce théâtre des ombres. La surface étalée de tonalités tant radieuses, rouge profonds, bleus francs, orangés lumineux, invoque un double obscur et nous cherchons ce qui pourrait échapper avec elles au pressentiment du temps.

Selon Douglas Sirk : "Le succès américain provient du fait que le film est fondé sur une philosophie typiquement américaine, celle d'Emerson et de ces disciples où la nature tient une grande place… Le thème du retour à la nature a sans douté été inspiré par Rousseau. Son influence n'a gagné l'Amérique qu'assez tard parce qu'à l'époque où il écrivait les problèmes qu'il abordait ne se posaient pas encore aux américains qui n'avaient encore que des contrées sauvages et pas encore construit des villes. Ce désir de retour à une vie primitive et simple était à mon avis parfaitement incarné par cet homme qui s'occupait de faire pousser des arbres, vivait dans un jardin et méprisait l'argent et la haute bourgeoisie. Or ça c'est tout le rêve américain."

Distribution

  • Jane Wyman : Karine/Cary Scott
  • Rock Hudson : Louis/Ron Kirby
  • Agnes Moorehead : Sara Warren
  • Conrad Nagel : Harvey
  • Virginia Grey : Alida Anderson
  • Gloria Talbott : Kay Scott
  • William Reynolds : Ned Scott
  • Charles Drake : Michel/Mick Anderson

Fiche technique

  • Titre original : All That Heaven Allows
  • Réalisation : Douglas Sirk
  • Production : Ross Hunter
  • Société de production : Universal Pictures
  • Scénario : Peg Fenwick d'après une histoire d'Edna Lee & Harry Lee
  • Musique : Frank Skinner
  • Directeur de la photographie : Russell Metty
  • Montage : Frank Gross
  • Durée : 89 minutes
  • Sortie : 25 août 1955
Reproduction possible des textes sans altération, ni usage commercial avec mention de l'origine. .88x31.png Credit auteur : Ann.Ledoux