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Yasukuni; film documentaire sino-japonais du réalisateur chinois Li Ying, sorti en 2007

Analyse critique

Ce documentaire aborde un thème sujet à nombreuses polémiques, la controverse qui entoure le Sanctuaire de Yasukuni, et le relent de nationalisme au Japon.

« Mon intention avec ce film est d'amener les citoyens de divers pays à contempler leur histoire, et de les encourager à accorder une nouvelle lecture à l'héritage guerrier du Japon, qui a été occulté depuis de nombreuses années »

La façon dont le Japon gère son héritage militariste suscite fascination et répulsion dans la région, et par la personnalité de son auteur. Li Ying, 44 ans, est chinois, mais il vit au Japon depuis 1989. Réalisateur à la télévision chinoise, il a quitté son pays faute de pouvoir traiter les sujets qui l'intéressaient. Arrivé au Japon, il a fait la plonge dans les restaurants et d'autres petits boulots, le temps d'apprendre le japonais.

Dans un cinéma asiatique qui ignore de plus en plus les frontières, Li Ying a réussi à trouver sa place : Yasukuni est une coproduction sino-japonaise. C'est son quatrième long métrage mais il l'a commencé au début de sa carrière nippone, en 1997. Depuis, il affirme s'être rendu au sanctuaire une fois par semaine. Il a raconté au quotidien Asahi que cette assiduité avait attiré l'attention malveillante des autorités de Yasukuni, qui ont fait plusieurs tentatives pour lui confisquer caméra et pellicule.

Mais sa persévérance a été payante, son film a l'épaisseur des années qui passent. Li Ying a choisi pour fil conducteur le personnage de Naoji Karyia, le dernier forgeron du sanctuaire. On voit ce vieillard de 90 ans forger un sabre comme il l'a fait pendant des décennies, contribuant à équiper les officiers des armées d'occupation japonaise dans toute l'Asie.

En une séquence qui est probablement la plus intense du film, Li Ying tente d'arracher au forgeron une réaction en montrant une "une" de journal japonais de 1937 qui célèbre un concours à qui coupera le premier cent têtes de Chinois, organisé entre deux officiers stationnés à Nankin. Le vieillard refuse avec obstination de se prononcer.

Les séquences passées dans l'intimité du forgeron alternent avec celles saisies aux abords du sanctuaire. S'y croisent et s'y heurtent les anciens combattants et leurs épigones nationalistes d'une part, les antimilitaristes, les pacifistes et les enfants des malgré-nous de Yasukuni. Venus de Taïwan ou d'Okinawa, ces descendants de recrues de l'armée impériale font valoir aux responsables du sanctuaire que leurs pères ou grands-pères ont été engagés de force et demandent à ce que leurs mânes soient sorties de la liste des héros célébrés à Yasukuni.

Au long de ces deux heures on voit aussi un Américain en goguette venu apporter son soutien au premier ministre Koizumi (mais les militants nationalistes japonais le chassent sans ménagement) et un jeune pacifiste japonais pris en chasse par un groupe d'extrême droite qui l'accuse d'être chinois. Depuis sa première à Pusan, Yasukuni a été projeté dans les festivals de Hong-Kong et Berlin. Pour l'instant, sa sortie en France n'est pas programmée.

Le film a bénéficié de critiques dithyrambiques et de nombreuses louanges à la suite de sa projection dans de nombreux festivals cinématographiques internationaux, comme par exemple celui de Pusan en 2007 (Corée du Sud), ou du célèbre festival du cinéma indépendant, Sundance (Etats-Unis).

Au Japon l'appel à la censure et au boycott lancé par des députés du parti libéral démocrate comme Tomomi Inada suite à la sortie du film relança la polémique autour de l'utilisation du sanctuaire par les factions d'extrême-droite. Suite à ces pressions politiques, seuls une dizaine de cinémas mettront le film à l'affiche et aucun à Tokyo. Invoquant des "raisons de sécurité", cinq salles de cinéma à Tokyo et à Osaka ont renoncé à diffuser le film Yasukuni, D'autres salles à travers le Japon ont annoncé qu'elles ne projetteraient pas le film. Toutes craignent d'être la cible de manifestations des groupuscules d'extrême droite, dont la plupart sont liés à la pègre. La presse était unanime, mercredi 2 avril, à s'inquiéter de cette entrave à la liberté d'expression.

Vociférant des imprécations depuis leurs camions noirs équipés de puissants haut-parleurs et hérissés de drapeaux, des groupuscules bombardent les salles de décibels. Au nom de la liberté d'expression, la police n'intervient guère. Après d'autres affaires récentes de restriction de la liberté d'expression, le retrait de l'affiche de Yasukuni, considéré par la droite comme "antijaponais", constitue une nouvelle atteinte à l'une des libertés démocratiques fondamentales.

Le ministre de la culture, Kisaburo Tokai, a regretté que "des pressions et des harcèlements aient conduit à cette situation". Parmi les médias, même le quotidien de centre-droit Yomiuri (13 millions d'exemplaires) appelle dans un éditorial au respect de la liberté d'expression, faisant valoir que la question du financement public est à débattre indépendamment de la projection du film.

Déclarations de Li Ying

"Après la projection à la Diète, tout a changé. Les politiciens ont fait toutes sortes de pressions, affirme Li Ying. Il est déplorable de voir que beaucoup de débats ne concernent pas le contenu du film. Pour moi, c'est inimaginable qu'on ne puisse le projeter. Cela révèle quel degré de conservatisme il peut y avoir au Japon et pose des questions sur la manière dont la société japonaise se positionne vis-à-vis de la Chine, de l'Asie, du reste du monde. Mon but désormais est de pouvoir communiquer avec les Japonais, qu'ils voient ce film par tous les moyens possibles, pour pouvoir y réfléchir et en débattre."

« Le Japon semble être à la traîne en comparaison à l'Allemagne dans sa capacité à s'attaquer à ses responsabilités en temps de guerre. Je suis convaincu que les Européens, et plus particulièrement le public allemand, sera invité par la diffusion de mon œuvre à repenser son histoire. Il est difficile de juger qui que ce soit, c'est pourquoi j'ai tout simplement souhaité montrer toutes les facettes de cette histoire et la palette de témoins qui y ont assisté».

« Il est tout à fait normal d'entendre tous types de commentaires, qu'elles soient positives ou négatives, à la suite de l'avant première accordée aux médias japonais. Mon but n'est pas d'inculquer aux Japonais une manière de repenser leur histoire, j'espère tout simplement que les spectateurs effectueront une certaine introspection ».

« Etant donné que le pèlerinage au sanctuaire de Yasukuni est l'une des principales barrières à la normalisation des relations bilatérales ou multilatérales entre le Japon et ses voisins, ce film devrait jouer un rôle important pour réunir le Japon, la Chine et la Corée du Sud autour de ce sujet. Je souhaite que les sorties du film s'effectuent simultanément en Chine, en Corée du Sud et au Japon. Il sera très intéressant d'observer les divers accueils qui seront réservés à ce film dans ces trois pays, n'est-ce pas ? »

Distribution

  • Naoharu Kariya : lui même
  • Junichiro Koizumi : lui même

Fiche technique

  • Réalisation : Li Ying
  • Production : Li Ying
  • Coproduction Chine-Japon
  • Durée : 120 minutes
  • Film documentaire
  • Dates de sortie : 2007 (Chine , Corée); 18 Janvier 2008 (Sundance Film Festival) ; 11 février 2008 (Berlin); 12 Mars 2008 (Japon)
  • La bande annonce : http://www.youtube.com/v/mDai5yadiSA

Le réalisateur

Li Ying (李纓, Lĭ Yīng) est un réalisateur chinois, né en 1963 et vivant au Japon

Li commence par réaliser des films documentaires pour la chaîne publique CCTV en 1984, et déménagea au Japon en 1989. En 1993, il fut l'un des co-fondateurs de la société anonyme Dragon Films, destinée à produire des programmes télévisés et des téléfilms.

Filmographie
  • 2000 : 2H
  • 2000 : Fei ya fei (Vol éternel)
  • 2003 : Aji (Cuisine de rêve )
  • 2007 : Meng na li sha ( Mona Lisa )
  • 2007 : Yasukuni
Reproduction possible des textes sans altération, ni usage commercial avec mention de l'origine. .88x31.png Credit auteur : Ann.Ledoux