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Dead Man est un film américain réalisé par Jim Jarmusch, sorti le 26 mai 1995.

Analyse

Originaire de Cleveland, William Blake postule pour une place de comptable à Machine Town. Dans le train qui le mène à la scierie Dickinson, un inconnu le met en garde. Ce n’est pas la fortune qu’il l’attend là-bas, mais la Mort en personne. Le premier soir, Blake est blessé par balle pour un funeste quiproquo. C’est le début d’une longue errance, guidée par Nobody l’Indien philosophe.

La trame de ce film est un voyage circulaire sans début ni fin, à la fois opaque et étrangement charnel. Un voyage mystique et intense, à rebours des conventions du western, tournant le dos à un héroïsme sécurisant. Le comptable ignorant de Cleveland est un personnage falot, terrassé par de grands méchants prédateurs.

Dead Man révele un tourbillon d’hallucinations et d’effets secondaires. Les violentes chasses à l’homme broient les icônes et réduisent au silence les prières inquiètes. Les desseins contraires se cognent les uns aux autres. Au cœur de la tourmente, William Blake survit. Son identité est double (fonctionnaire esquinté ou poète des armes à feu?), sa vision embuée. Son cerveau assailli par le doute résiste à l’ envie irrépressible d’abandonner la terre ferme…C’est toute l’Amérique, brutale et impulsive, qu’observe Jim Jarmusch dans une fable sur l’effondrement, un retour à une campagne primitive, où se cramponne une poignée de brigands.

Machine Town, désignée comme la succursale de l’enfer, célèbre une ère industrielle rongée par le vice. L’artère principale qui s’ouvre devant William Blake fait souffler un vent de panique. Petit prince immaculé, engoncé dans un costume trop raide, l’étranger prend vite conscience de sa vanité.

William Blake l’employé modèle devient pourtant William Blake le poète sanguinaire. Ironie du hasard, c’est un Indien caractériel, éduqué par un Européen et surnommé Nobody ("personne"), qui le rebaptise pour son dernier voyage. Le couple formé avec Nobody, tiraillé entre deux sociétés et condamné à l’errance, accentue la singularité de la randonnée. Rejetés par les leurs, les vaincus s’entraident, se disputent, et s’entendent tacitement sur une destinée toute tracée.

Dead Man est un film sans histoire, sans bravoure, sans vengeance ni morale. Jim Jarmusch revisite l’Ouest américain, le mythe de la renaissance est éclipsé par une agonie existentielle. Nobody ne guérit pas son patient, il ne peut que transporter sa dépouille de l’autre côté de la rive. Le profil même de l’Indien, bon vivant potelé, ne correspond pas aux stéréotypes de l’athlète introverti. Anti-héros flasque et transparent, Blake titube d’un cheval à un canoë. Les trois tueurs dépêchés par Dickinson disparaissent aussi rapidement qu’ils sont apparus, sans ménagement.

Jim Jarmusch s’intéresse moins au western qu'il maltraite, qu’aux fondations d’une culture fondée sur la violence. William Blake et Nobody piétinent un pays où prospèrent les armes à feu . Les trappeurs tirent sur les bisons comme ils s’exerceraient aux fléchettes, les rôdeurs dégainent leurs jouets métalliques pour ruiner toute diplomatie. La civilisation des Dickinson, Cole Wilson et autres Johnny Pickett, excelle dans l’infamie et se distingue par une absence notoire de civilité.

Aride et gangrenée, l’amour est une impasse. Bill se laisse séduire par une ex-prostituée, la malheureuse dulcinée de Charlie Dickinson. Quand ce dernier les surprend, Blake s’enfuit tout penaud en grenouillère, en laissant deux cadavres dans son sillage. A peine caressé l’espoir d’une vie aisée, le pantin disloqué de Dead Man s’enfonce dans l’abîme. L’anarchie supplante la raison, les semblants d’intrigues se rétractent.

Dead Man oscille entre un humour désespéré et un pragmatisme résigné. Les légions dispersées sont incapables d’entretenir la moindre conversation. La folie galopante est la seule réponse envisageable à un monde fossilisé. Apaisé par des rites surnaturels, Blake entrevoit un royaume secret. "Je vois les poètes comme des visionnaires hors-la-loi", déclare Jim Jarmusch.

Les improvisations de Neil Young respectent les silences et les indentations du montage. Face à la fuite du sens, le fractionnement du temps et l’éparpillement des rôles secondaires, les saturations d’une guitare traduisent avec justesse les écarts somnambules de William Blake, toujours plus insistants. L’horizon se dégage peu à peu. Les plans oppressants, au plus près des visages, s’estompent au profit des grands espaces. Nobody et Bill se laissent submerger par une nature ensorceleuse. Dead Man s’achève là où il a commencé: la nacelle en bois qui sert de sépulture est la parfaite antithèse du train, emblème du monde moderne. Délesté de tout balluchon, William Blake est prêt pour un nouveau voyage.

Citations

  • La vision de Christ que tu as est la pire ennemie de ma vision à moi, que Personne indique au missionnaire, est issue du poème The Everlasting Gospel, de William Blake.
  • Chaque nuit, chaque matin, certains naissent pour le chagrin. Chaque matin, chaque nuit, certains naissent pour le délice exquis. Certains naissent pour le délice exquis, certains pour la nuit infinie, provient du poème Auguries of Innocence, de William Blake.
  • Jamais l'aigle ne perdit plus de temps qu'en apprenant du corbeau, est également une citation de William Blake, issue de The Marriage of Heaven and Hell.
  • Certains naissent pour le délice exquis, certains pour la nuit infinie fait également parti des paroles d'une chanson des Doors intitulée End of the Night.

Distribution

  • Johnny Depp : William 'Bill' Blake
  • Gary Farmer : Personne
  • Iggy Pop : Salvatore 'Sally' Jenko
  • Billy Bob Thornton : Big George Drakoulious
  • John Hurt : John Scholfield
  • Robert Mitchum : John Dickinson
  • Gabriel Byrne : Charles Ludlow 'Charlie' Dickinson
  • Lance Henriksen : Cole Wilson
  • Gibby Haynes : Man with Gun in Alley
  • George Duckworth : Man at End of Street
  • Richard Boes : Man with Wrench
  • John North : Mr Olafsen
  • Mili Avital : Thel Russell
  • Peter Schrum : Drunk
  • Michael Wincott : Conway Twill
  • Eugene Byrd : Johnny 'The Kid' Pickett
  • Crispin Glover : le pompier du train
  • Alfred Molina : le missionnaire

Fiche Technique

  • Titre : Dead Man
  • Réalisation : Jim Jarmusch
  • Scénario : Jim Jarmusch
  • Production : Demetra J. MacBride et Karen Koch
  • Musique : Neil Young
  • Photographie : Robby Müller
  • Montage : Jay Rabinowitz
  • Décors : Bob Ziembicki
  • Pays d'origine : États-Unis, Allemagne, Japon
  • Format : Noir et blanc
  • Durée : 121 minutes
  • Dates de sortie : 26 mai 1995 (festival de Cannes), 3 janvier 1996 (France), 10 mai 1996 (États-Unis)

Récompenses:

  • Nomination à la Palme d'or lors du Festival de Cannes 1995.
  • Prix de la meilleure photographie lors des New York Film Critics Circle Awards 1996.
  • Nomination au prix du meilleur film, meilleur scénario, meilleur second rôle masculin (Gary Farmer) et meilleure photographie, lors des Independent Spirit Awards 1997.


Source partielle: Wikipédia

Reproduction possible des textes sans altération, ni usage commercial avec mention de l'origine. .88x31.png Credit auteur : Ann.Ledoux