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Impitoyable (Unforgiven) est un film américain réalisé par Clint Eastwood en 1992?.

Analyse

En 1868, au Wyoming, William Munny (Clint Eastwood) élève seul ses deux enfants après la mort de sa femme. Ancien hors-la-loi alcoolique, il s’est amendé grâce à son influence, et mène une difficile existence d’éleveur de porcs jusqu’au jour où un jeune homme, apprenti tueur, le sollicite pour exécuter un contrat de mille dollars lancé par des prostituées décidées à venger la mutilation de l’une d’elles mutilée par des clients. Accompagnés d’un ami de William, Ned Logan (Morgan Freeman), les deux hommes se mettent en branle pour toucher la prime. Mais le Sherif de Big Whiskey, Little Bill (Gene Hackman) entend faire régner la Loi en appliquant ses méthodes expéditives. Il s’oppose au désir de vengeance des prostituées et veut éliminer les postulants à la prime. L’affrontement est désormais inévitable

Dans ce regard ultime sur le western, Clint Eastwood n’a pas oublié la leçon de réalisme que Leone a donnée avec Il était une fois dans l’Ouest et pousse la démythification encore plus loin que son maître.

Certes, il reprend la plupart des archétypes du western, qu'il s'agisse des personnages (le tueur à la retraite qui reprend du service ; le jeune tueur qui brûle d'impatience de se mesurer à l'ancien et de le supplanter ; le shérif tout-puissant tournant la loi à son profit ; le héros tireur d'élite ; les chasseurs de prime, la femme considérée comme le repos du guerrier, etc.), ou des thèmes traditionnels (la loi du talion et le désir de vengeance qui entraîne une nouvelle vengeance ; la fidélité en amitié ; le justicier seul contre tous ; le duel final, etc.). De même, le cadre est également convenu : vastes étendues naturelles colorées aux immenses espaces qui s'opposent aux lieux clos sombres et étouffants des villes et des saloons, chevauchées de silhouettes lointaines, feux de camp illuminant les visages, etc. Bref, Impitoyable s’inscrit dans la lignée du western classique. Par ailleurs, on peut y lire un rappel des westerns que l’acteur réalisateur a tournés auparavant. On songe à L’Homme des Hautes plaines(1973) ou encore à Pale Rider, le Cavalier solitaire (1985) qui s’achèvent sur la même reprise par Impitoyable du thème du cavalier vainqueur qui s’en va, seul, après avoir rendu justice à sa façon, tel un cow-boy prêcheur solitaire qui abandonne le groupe social où il est venu rétablir l’ordre juste.

Pourtant, ce dernier western de Clint Eastwood sort de l'ordinaire. D’abord, il se singularise par la violence peu ordinaire dans lequel baigne le film et qui trouve son apothéose dans la séquence clé du film proche du climat des westerns américains des années cinquante en y ajoutant une vérité plus crue, moins romantique (ce qui explique le passage des couleurs vives du cinémascope de 1950 aux couleurs contrastées – chaudes pour les séquences dans la nature et sombres pour celles dans la ville - du film de 1992). Le parti pris est on ne peut plus évident. Rien n’y est occulté : chaque empoignade, chaque coup meurtrit et laisse des traces visibles et durables. Surtout, la mort est présentée sous son jour le plus trivial et l’on ne meurt pas brutalement voire abstraitement, mais l’on agonise longuement et dans la souffrance ; les exécutions sont sordides : on tue – lâchement - de façon à se protéger et les duels romantiques d’antan se transforment en véritables assassinats (tirs à distance comme on le fait pour le gibier ou, à bout portant, lorsque la victime ne peut se défendre, par exemple au moment où la cible se croit en sécurité dans les WC). Ce souci de vérité se retrouve dans le détail du quotidien : le héros invincible et désincarné du western classique a, dans le film d’Eastwood, du mal à se tenir à cheval et il ne se surpasse que lorsqu’il se trouve dans l’état second que procure l’alcool ; les cow-boys sont de piètres tireurs qui doivent s’y reprendre à plusieurs fois pour atteindre leur cible. Le début du film insiste, en outre, sur la fange qui recouvre les vêtements de William et le troupeau de porcs qui l’entoure et qu’il ne parvient pas à gérer. La scène de sexe est filmée dans son aspect animal et la serviette qui éponge les ébats est ostensiblement montrée. Dans le même ordre d’idée, le langage des prostituées, d’une rare verdeur, dénonce crûment leur condition de femme « chevauchées comme on le fait de chevaux » et se moque – juste retour des choses – des attributs masculins insuffisants à leurs yeux.

Par ailleurs, le film, en proposant des personnages complexes et nuancés loin de tout manichéisme, se distingue de la plupart des westerns à la psychologie élémentaire dans lesquels, le plus souvent, le Bon s’oppose au Méchant. A titre d’exemple, on rappellera que le sherif Little Bill de Impitoyable, s’il est foncièrement violent et expéditif, n’en est pas moins attachant par son souci de construire, seul, sa maison, amusant par son incapacité à le faire dans les normes et surprenant par son évident courage. Il en est de même pour les personnages principaux qui nous sont présentés dans toutes leurs contradictions «humaines, trop humaines», pourrait-on dire en citant Nietzsche.

Précisément, Impitoyable insiste sur l’importance d’une autorité supérieure dont la mission est de réguler cette humanité qui ne sait et ne peut se diriger : à l’évidence, c’est le déni de justice ressenti par les prostituées lors du jugement rendu par le sherif et, donc, le sentiment d’être humiliées qui va les pousser à se rendre justice elle-même en engageant des tueurs à gages. La décision du sherif dédommage en effet le propriétaire des biens que représentent les prostituées mais ne prend nullement en compte l’humiliation des femmes. Autrement dit, la justice entend réparer le dommage causé à la valeur marchande de la personne mais ne s’intéresse nullement à la personne elle-même. A l’évidence, le réalisateur entend montrer que cet Ouest de la fin du XIX° est une société à la fois mercantile et machiste, en ce sens qu’elle est dirigée par des hommes qui s’appuient sur des valeurs masculines.

Il est d’ailleurs à noter que si les femmes dans Impitoyable sont, selon l’image traditionnelle, ou épouse exemplaire (la femme – symboliquement ! - décédée, de William Munny), ou compagne silencieuse et soumise (la femme de Ned) ou femmes prostituées (Alice, Delilah et ses consoeurs), il n’en reste pas moins que Clint Eastwood présente ces dernières comme des victimes à qui les hommes (propriétaire de l’hôtel, clients et shérif) imposent une condition d’esclave : privées de toute liberté de choix, elles sont considérées soit comme une marchandise source de revenus par le propriétaire de l’hôtel (et si on les abîme, on mesure leur valeur au prix d’un ou deux chevaux), soit comme un corps dans lequel on épanche ses besoins physiologiques. Et ce n’est pas un hasard si la scène où Alice est défigurée sert de point de départ au récit. D’autre part, le passage au cours duquel William Munny exprime sa compassion à Alice est à ce titre révélatrice : Clint Eastwood est alors aux antipodes de la misogynie d’un Leone (Cf. l’analyse de Il était une fois dans l’Ouest dans Libre Savoir) auquel il rend pourtant hommage…

Impitoyable dresse donc le portrait d’une société foncièrement machiste dont les valeurs viriles ne peuvent que multiplier les conflits et le déchaînement de la violence. C’est bien l’orgueil masculin et son corollaire, la vanité - réagir sauvagement à une moquerie féminine –, qui déclenche le drame. Une vanité que représente symboliquement l’écrivain Beauchamp dans le film chargé de porter à la postérité les exploits des tueurs tel English Bob. De même, c’est bien l’ambition toute virile que ressent Le Kid de se mesurer à un tueur qui implique dans le drame, d’abord William Munny, puis Ned pour son malheur. D’autre part, c’est bien le besoin d’autorité et la volonté de puissance qui poussent le sherif Little Bill à des accès de violence injustifiables dans la mesure où la Loi devient pour lui une affaire personnelle. C’est aussi le désir de vengeance qui aveugle et propage la violence de proche en proche. C’est encore le nationalisme le plus chauvin qui pousse English Bob à provoquer les passagers en les assimilant aux Français. C’est enfin la difficulté de transmettre la vérité objective – Le Kid exagère les mutilations subies par Alice pour mieux décider William Munny de se joindre à lui, à moins qu’il ne déforme un peu plus ce que la rumeur a déjà amplifié – qui est source de conflit entre les hommes.

Les raisons de la violence, on le voit bien, sont multiples et impitoyablement dénoncées. Mais le réalisateur sait aussi montrer toute l’importance du hasard dans la propagation de cette violence et la contamination progressive des relations humaines : c’est parce que William a utilisé la carabine de Ned que ce dernier sera suspecté et que le film s’achève en carnage. Bref, l’enchaînement inéluctable des faits et des destins qui sied à toute tragédie – sentiment d’injustice, désir de vengeance et violence prétendument réparatrice mais source de nouvelles vengeances constituent bien un engrenage sans fin - est savamment mis en place et conduit à une séquence finale d’une rare intensité qu’il est indispensable d’analyser en détail. Le plus étonnant en est l’ambiguïté dans la mesure où elle magnifie le duel final et héroïque comme dans tout western tout en en dénonçant la violence. La raison en est sans doute que la première visite de William Munny s’est soldée par un passage à tabac perpétré par Little Bill et qu’il s’est retrouvé, symboliquement, à l’horizontale. La séquence finale lui permet de restaurer sa dignité et c’est, debout, qu’il abat le sherif et ses hommes.

Distribution

Fiche technique

  • Réalisation : Clint Eastwood
  • Production : Clint Eastwood, David Valdes; Malpaso
  • Scénario : David Webb Peoples
  • Musique : Lennie Niehaus, Clint Eastwood
  • Directeur de la photographie : Jack N. Green
  • Directeur artistique : [[Adrian Gorton, Rick Roberts
  • Montage : Joel Cox
  • Sortie: 7 août 1992? (USA), 9 septembre 1992 (France?)
  • Durée: 131 minutes

Récompenses

  • En 1993, le film remporte quatre Oscars :


Reproduction possible des textes sans altération, ni usage commercial avec mention de l'origine. .88x31.png Credit auteur : Ann.Ledoux