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Inugami ( 犬神 ) film japonais réalisé par Masato Harada?, sorti le 27 janvier 2001.

Analyse critique

Sur l’île de Shikoku, dans le village d’Omine, vivent les femmes appartenant à la famille maudite des Bonomiya, atteintes par une étrange malédiction ; elles sont condamnées à veiller sur une urne contenant l’esprit de l’Inugami, une divinité ayant l’apparence d’un chien sauvage qui une fois libérée, ravagerait tout sur son passage. Miki Bonomiya , spécialisée dans la fabrication de papier, doit succéder à sa défunte mère, Tomie Bonomiya, dans sa maudite tâche, lorsqu’un jour Akira Nutahara , un jeune professeur, s’installe dans le village. Miki et lui s’adonnent à une passion torride. Alors que la jeune femme semble s’épanouir et rajeunir, un étrange brouillard se répand dans la région. Les différents plans utilisés ne sont pas sans rappeler l’ouverture de Shining de Kubrick.

Dès les premières minutes de son film, Harada hypnotise grâce à des images sublimes et une musique envoûtante. Inugami est un film qui joue sur les ambiances ; pas de monstres ici, et, hormis quelques rares effets gores, jamais il ne tombe dans le tape à l’œil pompier et gratuit. L’Inugami est représenté à l’écran par une sorte de brouillard trouble qui se déplace à très grande vitesse. La dimension fantastique du film se ressent, notamment lors des passages en forêt, stressants grâce à des plans de caméras astucieux et vertigineux, et dans les traditions de ce peuple, le film s’empresse plutôt de rester terre à terre et de montrer la vérité. Si les habitants sont ancrés dans leurs croyances et refusent la modernité, leurs croyances vont leur apporter des disputes, et pour certains, la mort. Certaines des contraintes qu’ils s’imposent eux même s’avèrent plutôt ridicules, comme l’interdiction de prendre des photos, qui déclenchera une dispute dans un couple où la mère aurait souhaité prendre des photos de son enfant. Ce n’est donc pas par son aspect fantastique en arrière plan que le film trouve sa force, mais bien dans la description des mythes, et dans une histoire d’amour donnant lieu à des scènes érotiques de toute beauté.

Harada préfère se focaliser sur ses personnages plutôt que sur l’aspect sensationnel, et il est royalement servi par des acteurs excellents comme Yuki Amami, prix de la meilleure actrice lors du Festival international du film de Catalogne 2001 et pour les Blue Ribbon Awards 2002. Les personnages centraux sont des femmes fortes, la tension sexuelle et la mort omniprésente. Harada utilise parfois le grand angle pour filmer des visages afin d’oppresser le spectateur, et l’avant-dernière séquence, quant à elle traitée en noir et blanc, le plonge pendant près de dix minutes dans une ambiance étrange et totalement anachronique.

Le film Inugami s'inscrit dans la tradition du culte Shintô, où la nature est considérée comme une émanation du divin, où les Kami sillonnent les forêts, habitent les objets, naviguent même parfois avec le vent. Un Kami est difficilement définissable ; c'est un esprit, une entité aux pouvoirs sortants de l'ordinaire, une émanation étrange qui échappe à toute définition cartésienne. Au Japon ils sont craints, et respectés. On recourt ainsi parfois à divers rites purificateurs pour apaiser un esprit offensé. Le film navigue ainsi dans des lieux peu communs. Omine est un petit village perdu entre la montagne et la forêt : tout le film est en effet tourné en décors naturels, et c'est un véritable bonheur pour les sens : le choix de l'île de Shikoku pour fixer l'intrigue est loin d'être un hasard, il s'agit en effet de l'île la plus sauvage des quatre principales îles du Japon. Cette nature, qui tient le premier rôle dans Inugami, est tour à tour merveilleuse et inquiétante, permet de comprendre comment ces gens peuvent se persuader de l'existence d'une autre présence, mystérieuse et parfois terrifiante.

Inugami est un film hybride, contenant quelques scènes d'horreur, très discrètes, mais s’intéressant finalement à une histoire d’amour, et à une communauté reculée et leurs mythes et légendes. Le film fut au Japon un grand échec commercial, vendu comme un film dans la tradition de Ring et trop décalé pour le public des films gore.

Masato Harada a toujours eu une vision extérieure du Japon, il a beaucoup voyagé et travaillé au Etats Unis ainsi lorsqu’il rentre au Japon, il peut voir ce qui a changé. Comme il le dit lui-même, il a en quelque sorte une position d’étranger, tout comme le personnage de Akira qui vit à Tokyo et qui retourne dans son village natal : Omine. Cinéaste de la même génération que Kitano, Harada prouve que le Japon est l’un des pays de la "renaissance" du cinéma, avec des films aussi éclectiques que réussis. Depuis ses débuts en 1979, Harada ne s'est fait remarquer qu’en 1994 grâce à son chef-d’œuvre Kamikaze Taxi. Depuis, il tourne peu . Divisé en cinq chapitres, Inugami est tiré d’un roman écrit par Masako Bando et dont il garde la structure. Ce livre de Masako Brando date des années 1990 et est lui même tiré d’un fait réel qui se déroula après la guerre.

Distribution

  • Yuki Amami : Miki Bonomiya
  • Atsuro Watabe : Akira Nutahara
  • Eugene Harada : Seiji Doi
  • Shiho Fujimura : Tomie Bonomia
  • Kazuhiro Yamaji : Takanao
  • Kanako Fukaura : Momoyo Bonomia
  • Shion Machida : Sonoko Bonomia
  • Kenichi Yajima : Michio Bonomia
  • Masato Irie : Hirofumi Bonomia
  • Makoto Togashi : Hide, l'infirmière
  • Torahiko Hamada : Le vieil homme en noir
  • Myu Watase : Rika Bonomia
  • Keiko Awaji : Katsuko Doi
  • Koichi Sato : Mimoto, le chasseur

Fiche technique

  • Titre original : 犬神 Inugami
  • Titre français alternatif : Inugami, l'esprit du mal
  • Réalisation : Masato Harada
  • Scénario : Masato Harada, d'après le roman de Masako Bando Inugami traduit en français sous le titre Les Dieux Chiens (Actes Sud 2008, 316 pages, traduit par Yutaka Makino).
  • Production : Masato Hara, Fumio Inoue, Hisao Nabeshima et Shunsuke Yamada
  • Musique : Takatsugu Muramatsu
  • Photographie : Junichi Fujisawa
  • Montage : Soichi Ueno
  • Durée : 106 minutes
  • Date de sortie : 27 janvier 2001 (Japon)

Récompenses

  • Nomination à l'Ours d'or lors du Festival de Berlin 2001.
  • Prix de la meilleure actrice (Yuki Amami) et nomination au prix du meilleur film, lors du Festival international du film de Catalogne 2001.
  • Prix du jury, lors du Festival international du film de Newport 2001.
  • Prix de la meilleure actrice (Yuki Amami), lors des Blue Ribbon Awards 2002.
  • Prix de la meilleure photographie (Junichi Fujisawa) et du meilleur éclairage (Masao Kanazawa), lors du Mainichi Film Concours 2002.
Reproduction possible des textes sans altération, ni usage commercial avec mention de l'origine. .88x31.png Credit auteur : Ann.Ledoux