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L'Or de Naples (L’oro di Napoli) film italien de Vittorio De Sica, sorti en 1954

Analyse critique

L'Or de Naples est un film à sketches, avec quelques iteractions entre les différents épisodes, qui décrit la vie du petit peuple de Naples, où Vittorio De Sica passa ses premières années. Tout est dit dans le prologue de cet Or de Naples : l’amour inconditionnel d’un homme pour son pays, l’intérêt et le talent d’un auteur pour en parler en connaissance de cause. Dans un entretien accordé à l’occasion de la projection du film au festival de Cannes, le réalisateur évoque (en français) la Naples secrète, son « peuple étrange et mystérieux » et l’ombre de Pagnol planant sur son inspiration. On apprend d’ailleurs que l’homme d’esprit facétieux a distribué un dictionnaire bilingue au public pour qu’il entende l’intraduisible. Son film et ses personnages, absolument napolitains, ont dans la bouche un précieux patois qui nous est plus pittoresque encore que le parler marseillais auquel il le compare.

L'Or de Naples est composé de six segments inspirés de truculentes nouvelles de Giuseppe Marotta : Un clown squatté et exploité par un truand (Le Caïd), une vendeuse de pizza plutôt légère (Sofia) qui perd la bague que son mari lui a offerte (Pizza à crédit), les funérailles d’un enfant (Un enfant est mort), le comte Prospero B. invétéré joueur appauvri (Les Joueurs), l’improbable mariage de Teresa, une prostituée (Teresa), et les exploits du « professeur » Ersilio Micci, vendeur prudent (Le Professeur).

  1. LE CAÏD (Il guappo) conte l'histoire du "pazzariello" (bouffon de cortège populaire) Don Saverio. Un fâcheux aux allures de caïd s'incruste chez lui depuis des années, le ridiculisant auprès de sa famille. La veille de Noël, il se décidera enfin à le chasser de son foyer.
    Le burlesque dispute la vedette au pathétique, et c’est dans l’intimité d’une famille infortunée que débute cette fresque napolitaine
  2. PIZZA À CRÉDIT (ou MANGEZ AUJOURD'HUI, PAYEZ DEMAIN). La belle "pizzaiola" (vendeuse de pizzas) a oublié son émeraude chez son amant, qu'elle va voir chaque jour, quand son mari la croit à la messe. Elle prétend qu'elle a fait tomber le bijou par mégarde dans une pizza. Une demi-douzaine de clients vont être l'objet d'une traque acharnée du mari trompé.
    Quelques traits du caractère napolitain affleur dans cette classique histoire d'adultère : l’appétit sexuel de la femme gironde et la jalousie aveugle et meurtrière des maris qui en oublient leur lâcheté naturelle. Débarqués en masse chez un veuf tout neuf pour récupérer la bague que l’on croit tombée dans la pâte à pizza, on voit l’homme courir pour jeter sa douleur par-dessus son balcon, retenant le saut pour mieux se laisser rattraper par la foule qui joue le jeu du suicide manqué et accompagne la peine du veuf d’un opulent souper. On voit au passage Monsieur le Curé venir récupérer ses deniers chez les infidèles qui n’ont pas assisté à l’office du jour au moyen de petits paniers qui descendent des fenêtres des immeubles à son passage.
  3. UN ENFANT EST MORT (Funeralino). Sa mère, accablée de douleur, transforme les funérailles en spectacle, distribuant des dragées aux enfants pauvres de la baie de Naples.
    La mort s’invite à Naples et touche à l’enfance : le cadre est on ne peut plus dramatique et pourtant, au fur et à mesure que la modeste procession avance dans les ruelles reculées de la ville, on voit la mère organiser au mieux ce dernier voyage et avec une grande dignité. On suit l’attitude de la Mamma, quand autour la vie bruisse, des voitures, des gardes montés, un marchand de ballons, des cris sur la plage quand on atteint la promenade, les sirènes d’un bateau qui sonnent comme un hommage. Le recueillement est de mise et s’exerce sans dispersion.
    Et puis la mère demande « les dragées » qu’elle jette par poignées sur la route tout en continuant à avancer. Ce sont des essaims d’enfants, de sciuscia, de petits frères d’infortune qui se jettent sur les bonbons et participent au deuil avec leurs rires et leur joie. Un tumulte qui s’achève dans un silence de mort et les larmes revenues. Le cortège, comme la vie, continue. Une tradition inconnue et dont on ressent la dimension à la fois solennelle et prosaïque.
  4. LES JOUEURS. Le comte Prosper, interdit de jeu par sa femme, ne trouve comme partenaire aux cartes que le fils de son portier, qui le bat avec une veine insolente.//De Sica lui-même se glisse dans une peau qui lui va à ravir : celui d’un gentilhomme napolitain que sa passion irraisonnée pour le jeu d’argent a rendu dépendant de son épouse, comtesse sèche, peu diserte, presque effrayante, et qui doit se soumettre aux jeux de surveillance institués de longue date par la domesticité. Du grand art depuis longtemps étrenné : fouille au corps, système d’alerte et mise à disposition d’un partenaire étonnant, le fils du portier que l’on extrait des jeux de son âge à contrecoeur pour servir d’adversaire au maître des lieux. Sur la table, des gains inattendus et disproportionnés : une pile d’images et des bonbons contre des lunettes et des terres, un palais, un veston, la déchéance d’un homme.//Le petit gagne toujours, le comte dénonce la chance et le sort qui s’acharne contre lui. Un sketch doux-amer, tragi-comique, sur le faste napolitain en déclin.
  5. TERESA est une prostituée qui se voit un jour demandée en mariage par un riche fils de famille, que la mort de sa chaste fiancée a laissé inconsolable. C'est par esprit de mortification qu'il a décidé d'épouser une grue. Celle-ci saura se venger de cet outrage.
    Sylvana Mangano joue une prostituée qu’un majordome a mariée à son maître sans que les époux se soient jamais rencontrés. Du début à la fin de ce sketch, on hésite entre le rire et les larmes, circonspects quant à la teneur de la fable, à ses obscurs tenants, au ton qui la porte. La malheureuse femme assiste à son propre mariage en l’absence de son époux, qu’elle surprend en larmes avec un couple d’indigents. Un médaillon, un autel à une morte inconnue dans la chambre nuptiale et le refus du mari de partager son lit avec Teresa créent un suspense innatendu. Les décors napolitains, la demeure du Cigno où la belle est introduite, abritent le secret qui souffle au cœur de Naples et de cette splendeur décrépite qui ajoute à son charme ensorcelant.
    Silvana Mangano joue avec un tact, une « classe » qui, précisément, ne peuvent être que napolitains. Et l’on pourrait citer ce plan, sur le visage de Mangano: les larmes qu’on sent venir, les sanglots qui éclatent puis la peine qui s’efface pour faire place à la volonté de se venger. Rien qu’un visage sur l’écran, mais pendant ces quelques instants, on suit le cheminement d’une pensée avec une intensité bouleversante.
  6. LE MARCHAND DE SAGESSE (Il professore). Don Ersilio débite la sagesse antique contre espèces sonnantes. Pour venger son quartier de la morgue d'un richard, il organise un spectaculaire "pernacchio".
    Un Duc fait vider les rues de leur encombrement (tables, stands, linge, enfants) pour pouvoir y manœuvrer avec son véhicule deux fois par jour. Les habitants qui vivent et travaillent dans ces rues par manque d’espace domestique courent chez Don Ensilio , un sage populaire dont la magie est toute faconde, et qui institue la pantalonnade et l’art du pet (simulé, doigts aux lèvres) comme médication contre la superbe des riches.
    Il est aussi question de l’honneur des hommes (déplacé, un homme demande conseil pour balafrer sa future épouse sans être condamné) et du peu d’entrain à plier sous l’autorité, militaire ici, un appelé veut prolonger sa permission : le sage lui conseille de s’asperger d’ail et l’on se dit que le stratagème peut certainement fonctionner !

Distribution

  • Silvana Mangano : Teresa (Teresa)
  • Sophia Loren : Sofia (Pizza à crédit)
  • Eduardo De Filippo : Don Ersilio Miccio (Le Professeur)
  • Paolo Stoppa : le veuf, Don Peppino (Pizza à crédit)
  • Erno Crisa : Don Nicola (Teresa)
  • Antonio de Curtis dit Totò : Don Saverio Petrillo (Le Caïd)
  • Lianella Carell: la femme de Saverio, Carolina (Le Caïd)
  • Giacomo Furia : le mari de Sofia, Rosario (Pizza à crédit)
  • Tina Pica : la vieille femme (Le Professeur)
  • Alberto Farnese : l’amant de Sofia, Alfredo (Pizza à crédit)
  • Tecla Scarano : l’amie de Peppino (Pizza à crédit)
  • Vittorio De Sica : Le comte Prospero B. (Les Joueurs)

Fiche technique

  • Titre original : L’oro di Napoli
  • Réalisateur : Vittorio De Sica
  • Scénario : Giuseppe Marotta (écrivain) et Cesare Zavattini (adaptation à l’écran)
  • Producteurs : Dino De Laurentiis, Marcello Girosi (producteur exécutif) et Carlo Ponti
  • Image : Carlo Montuori
  • Montage : Eraldo Da Roma
  • Musique originale : Alessandro Cicognini
  • Durée : 131 min
  • Format : Noir et blanc
  • Dates de sortie : 3 décembre 1954
    • France : 13 août 1955
Reproduction possible des textes sans altération, ni usage commercial avec mention de l'origine. .88x31.png Credit auteur : Ann.Ledoux