Recherchez sur ce site

Sommaire (edit)

Le cinéma

Liens

Développé grâce à: pmwiki.org

Changements Récents Version imprimable Edition

La Bataille d'Alger (La Battaglia di Algeri) est un film italo-algérien de Gillo Pontecorvo, présenté au public en 1966.

Voir la liste des films ayant un lien avec la Guerre d'Algérie

Analyse

La bataille d'Alger traite de la lutte pour le contrôle de la Casbah en 1957 par les paras français de la 10e division parachutiste du Colonel Jacques Massu et les hommes du FLN, avec l'usage de la torture d'un côté et les attentats aveugles de l'autre.

Le recours au terrorisme, frappant aussi bien soldats français que civils français qu’Algériens pro-français (Harkis) ou simplement employés par les Français, atteignit la ville d’Alger à un rythme rapidement préoccupant. Le F.L.N. prélève un impôt révolutionnaire, exécute sommairement les récalcitrants algériens, s’organise en fractions autonomes, armées, clandestines.

Le 7 janvier 1957, le général Massu se voit remettre par Robert Lacoste, ministre résident, les pleins pouvoirs sur Alger. Massu et son chef-d’état major Godar font quadriller la ville par la 10ème D.P. et un régiment de zouaves surveille la Casbah, le vieux centre historique d’Alger. C’est le début d’une traque contre la cellule algérienne du F.L.N et ses principaux chefs : Ben M’Hidi Larbi est arrêté mais les chefs (Yacef Saadi et Ali-la-Pointe) de la zone autonome Casbah demeurent introuvables.

Les colonels Bigeard (3ème R.C.P.) et Brothier (1er R.C.P.) sont particulièrement impliqués : il font face, dès le 3 juin 1957, non plus seulement à des mitraillages collectifs mais à des poses de bombes dans les lieux publics. Les autorités militaires françaises emploient tous les moyens, torture incluse, pour remonter la piste et reconstituer l’organigramme. Jouant son va-tout, le F.L.N. augmente la fréquence et l’impact des attentats : le 27 juillet c’est neuf bombes qui explosent simultanément dans Alger. Dès lors, une course contre la montre est lancée : elle s’achèvera par l’arrestation de Yacef Saadi et de ses lieutenants le 24 septembre 1957.

Le F.L.N. est exsangue, la bataille d’Alger un succès militaire mais l’usage de la torture, dénoncé par des officiers, des prêtres, des intellectuels de gauche comme de droite, engendre un conflit politique et moral au sein même des forces armées régulières, voire du gouvernement jusqu’à faire tomber la IVème République : le général de Gaulle arrive au pouvoir en 1958.

Le film voit le jour en 1965, trois ans après la fin des hostilités en Algérie, lorsqu'un des chefs militaires du FLN à Alger, Yacef Saadi, lui propose l'idée d'un film basé sur ses souvenirs de combat.

Le film est tourné avec des non professionnels, à l'exception de Jean Martin, dans le rôle du colonel Mathieu à la tête des parachutistes français. Brahim Haggiag (Ali la Pointe) était un paysan des environs d’Alger. Le co-producteur/acteur Saadi Yaceff avait été le responsable historique de la zone autonome de la Casbah dont les 80.000 habitants apportèrent leur concours à la figuration. Les quatre actrices principales étaient aussi des non-professionnelles que Pontecorvo initia à l’art dramatique.

La bataille d'Alger est non seulement un film admirable mais un acte tangible, courageux et inspirant. Son mérite dépasse amplement le simple cercle de la théorie cinématographique et déborde jusque dans le monde réel. Il fait dès lors partie de cette race à part de films dont les convictions se transforment en action. En ce sens, il devient insignifiant de savoir si Pontecorvo croit réellement que le cinéma peut devenir une forme de transmission fiable de la réalité. Son oeuvre de fiction, ainsi que la position qui y est prise, est foncièrement humaine. C'est à ce moment que le cinéma frôle la vérité. C'est dans ces conditions qu'il prend toute sa valeur.

Ici, Pontecorvo tente tant bien que mal de traiter tous ces sujets de façon juste et équitable. Il n'y arrive jamais parfaitement. Ironiquement, c'est en cet échec que son film va puiser toute sa force. Dans le choix des plans, dans la façon de monter, Pontecorvo vient appuyer les membres du FLN. Cependant, il établit clairement la croyance fondamentale qui éclaire son regard et par le fait même celui de sa caméra: la valeur de la vie humaine sera toujours supérieure à celle des idéaux qui animent les luttes fratricides de l'homme. C'est pour cette raison que la même musique sert à souligner la mort de martyrs algériens et de Français innocents. C'est pour cette raison que les héros implicites de cette histoire sont les hommes à la fois de principes et de raison.

Primé par le Lion d'Or à la Mostra de Venise en 1966, ce qui provoqua la colère de la délégation française.

Initialement interdit en France, le film finit par sortir en 1971 mais est très vite retiré des écrans.

Le film ne ressort en France qu'en 2004, presque 40 ans après sa réalisation. Le film est pratiquement resté 40 ans interdit en France, car brisant des tabous sur le comportement militaire français au cours de ce qui ne s'est longtemps appelé en France que les évènements, et s'attaquant à des traumatismes alors trop récents dans l'idéologie française : le film a été tourné 3 ans après l'indépendance de l'Algérie et le rapatriement de 800 000 colons qui y vivaient souvent depuis plus d'un siècle.

Avec le recul, le film est reconnu constituer un témoignage équilibré d'une tranche d'histoire particulièrement féroce, voire sauvage, et douloureuse pour toutes les parties en présence. Sur la torture, voir aussi le film La Question.

Selon le journal Le Monde (8 septembre 2003), des officiers d'état-major de l'Armée américaine auraient assisté, le 27 août, dans un auditorium du Pentagone à une projection de La Bataille d'Alger, afin d'avoir un aperçu de la guerre anti-subversive menée par la France durant cette période et faire un parallèle avec les problèmes rencontrés lors de l'occupation de Bagdad durant la guerre en Irak (2003-2004).

Déclarations

Georges Sadoul, commentaire tenu lors de la présentation du film au Festival de Venise en 1966
" Je n’attendais pas ce film sans appréhension. L’énormité des moyens financiers n’écraserait-elle pas le cinéaste italien ? Le scénario, inspiré par le producteur algérien Saadi Yacef, ex-chef F.L.N. de la Casbah, ne tournerait-il pas au culte de la personnalité ? Ou ne contiendrait-il pas des propos politiques discutables ? Or la mise en scène, très discrète, en style " d’actualités reconstituées ", a toujours été, comme le récit, d’une exemplaire sobriété. (…) "

Extraits d’un entretien de Gillo Pontecorvo avec Guylaine Guidez in Le Nouveau Cinémonde Paris 16 juin 1970
Je ne pense pas [que le film suscitera des réactions en France]. Je l’ai montré à des gens qui étaient pour l’Algérie française et qui ont reconnu l’honnêteté et la sincérité de notre approche. (…) On a l’impression que ‘ai disposé d’une immense figuration. En fait, on a condensé toutes les scènes de foules sur trois ou quatre jours. En fait on a choisi des endroits où on pouvait donner l’illusion d’une foule immense. Je n’ai pas eu plus de 2000 figurants en tout. (…) J’ai renoncé dès le départ à traiter le sujet de la manière traditionnelle, avec un héros individuel. Mon héros est collectif. C’est l’histoire d’un chœur, comme dans une tragédie grecque. Nous avons exercé une véritable dictature de la vérité, en chassant tout ce qui n’était pas vrai.

Ensuite, nous avons très longuement travaillé la photo en laboratoire pour qu’elle ressemble à l’image télévisée ou à celles des grands reportages dans les hebdomadaires. Ainsi le spectateur se sent-il concerné, comme il l’est lorsqu’il regarde un film sur des évènements qui se déroulent près de chez lui, ou comme s’il était dans la rue lui-même à ce moment-là.

Pour moi la musique est un élément décisif. (…) comme une rampe dans un escalier noir. Si je n’ai pas la musique, je ne sais pas ce qu’il faut faire, où mettre la caméra. (…) J’étais journaliste avant de devenir réalisateur. J’ai eu le coup de foudre pour Paisa et j’ai tout de suite changé de métier. Je déteste cette tendance du cinéma à juxtaposer des schémas morts à la réalité vivante. (…) J’aime aussi beaucoup Francesco Rosi, et aussi Fellini, bien qu’il soit à l’opposé de moi. (…) Je me moque que mes films fassent de l’argent mais je veux qu’ils soient vus par le plus grand nombre de spectateurs. Le problème est donc de trouver un langage simple. D’ailleurs quand on sent bien une chose, le public la sent aussi à condition qu’elle soit exposée simplement, d’une façon presque élémentaire.

Distribution

  • Brahim Haggiag : Ali La Pointe
  • Jean Martin : colonel Mathieu
  • Yacef Saadi : Djafar
  • Samia Kerbash : une fille
  • Ugo Paletti : le capitaine
  • Fusia El Kader : Halima

Fiche technique

  • Titre original : La Battaglia di Algeri
  • Réalisation : Gillo Pontecorvo
  • Scénario : Gillo Pontecorvo, Franco Solinas
  • Musique : Ennio Morricone
  • Photographie : Marcello Gatti
  • Montage : Mario Morra, Mario Serandrei
  • Production : Antonio Musu pour Igor Film (Italie) ; Yacef Saadi pour Casbah Film (Algérie)
  • Format : Noir et blanc
  • Durée : 117 minutes
  • Dates de sortie: 1966 Festival de Venise; 1971 France
Reproduction possible des textes sans altération, ni usage commercial avec mention de l'origine. .88x31.png Credit auteur : Ann.Ledoux