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Le Couteau dans l'eau est un film polonais de Roman Polanski, sorti en 1962.

Analyse

André, journaliste sportif, maintenant âgé d'une quarantaine d'années, emmène sa très jeune femme Christine vers la région de Mazurie. C'est là qu'il possède un petit yacht qui leur permettra de partir en croisière le temps du week-end.

En route, leur voiture s'arrête pour prendre un étudiant qui fait de l'auto-stop. Le passager n'a pour tous bagages qu'un sac, un couteau à cran d'arrêt et deux blue-jeans. Comme il n'a guère de projets précis il accepte l'invitation que lui fait le couple. Au fur et à mesure que le yacht s'avance dans les lacs, les deux hommes s'agacent pour des motifs apparemment futiles, mais qui s'expliquent sûrement par leur différence de classe et de standing. André en arrive à jeter à l'eau le fameux couteau à lame rentrante dont son passager tire vanité.

Une bagarre oppose André et l'étudiant. Celui-ci tombe à l'eau et disparaît. En réalité, il s'était dissimulé derrière une bouée, et, pendant qu'André s'absente pour organiser une recherche, il séduit Christine. Quand la jeune femme raconte à son mari son aventure avec l'étudiant, André refuse de la croire.

Avant même sa sortie en salles en Pologne, Le Couteau dans l'eau est unanimement incompris et décrié. Le groupe Kamera sort Le Couteau dans l'eau fort timidement, sans même de première. Polanski, dépité, quitte la Pologne et ne tournera plus jamais de film en Pologne, jusqu’au Pianiste quelques quarante ans plus tard. En France, Le Couteau dans l'eau est en revanche très apprécié, bien que mal distribué. A la grande joie du jeune Polanski, Le Couteau dans l'eau décroche le prix de la critique à Venise en 1962.

Le Couteau dans l'eau est inspiré d’un voyage de Polanski en Mazurie au nord de la Pologne. C’est là qu’il découvre la voile : Polanski écrit d’abord une nouvelle puis, sur les conseils du directeur artistique du groupe Kamera, écrit un scénario.

Le Couteau dans l'eau développe la perpétuelle violence des relations viriles vues par Polanski, au cœur des luttes, un couteau, symbole phallique s’il en est), et une femme. Il y a quelque chose de primitif dans les fondements thématiques de ses récits, un éternel retour aux violences basiques et à une forme lointaine, ancestrale, de barbarie. Polanski décortique les rapports de force virils en terme de corps en présence et de territoire, de l’affirmation de l’identité sexuelle, mais aussi de l’humiliation et du pouvoir. Les « duos » chez Polanski, en réalité souvent « duels », permettent au cinéaste de revenir sur la loi de la rue et de la survivance, questions originelles, existentielles et intemporelles.

Le Couteau dans l'eau décortique les compétitions incessantes entre un homme d’âge mûr et un jeune étudiant. Elles ont l’aspect par exemple d’une compétition de « soufflage de matelas » à l’intérieur du voilier : qui gonflera le plus vite ? Polanski filme la scène, sans équivoque et avec beaucoup de dérision. Cette émulation masculine devient burlesque: les deux hommes soufflent et scrutent avec envie et inquiétude la taille du gonflage de l’autre. Polanski reviendra sur cette idée de gonflage lorsque Andrzej soufflera dans son crocodile en plastique, Polanski s’arrangeant pour que le crocodile soit à hauteur de ceinture – donnant ainsi l’illusion que cet homme gonfle son propre sexe.

Les allusions sexuelles sont ainsi distillées tout le long du film. D’abord la voiture, puis la compétition autour des jonchets et du lancée de couteau. Les deux hommes, côte à côte, parleront aussi de la taille de la boussole : « Grosse boussole », lance le jeune homme. « Trop grosse pour l’auto-stop» répond Andrzej. Et le voyage pour eux d’être un éternel défi : qui abandonnera le premier ? Qui s’en ira car le jeune homme est tenté à plusieurs reprises de partir? En somme, qui se dégonflera et qui aura le dessus sur l’autre ? Lorsque Andrzej apprend au jeune à se servir du « manche », à conduire le voilier, il raille son incompétence novice alors que les cordages du voilier fouettent furieusement son jeune visage comme des coups de fouets. Andrzej cherche a instauré un rapport de maître à élève sado-machiste. Mais l’auto-stoppeur, comme tous les novices dans les films de Polanski, ne se laisse pas faire.

Si le voyage en voilier est une initiation pour ce jeune auto-stoppeur, il l’est aussi pour Andrzej. Car ce jeune a du caractère et a une influence notable sur son aîné. Ce dernier sifflera sans s’en rendre compte le même air que l’auto-stoppeur, s’entraînera secrètement au couteau comme ce jeune et sera irrité de le voir grimper au mât si aisément. Mais le film ne saurait se résumer à cette lutte. Auprès de ces deux coqs, il y a une femme. Par sa nature elle est étrangère à ces jeux masculins. Elle pourrait s’y exalter, encourager la lutte, chercher un vainqueur. Au contraire, elle en ressent la vanité profonde. Elle sait qu’il n’y a jamais ni vaincu, ni vainqueur.

Derrière le miroir, alors qu’il a joué de son rôle d’adulte paternaliste pendant tout le film, Andrzej s’avère un homme commun et lâche. Revers d’une masculinité affichée et faussement barbare, la phrase « un homme, un vrai » est répétée dans Le Couteau dans l'eau comme un leitmotiv égal à celui du couteau, véritable fil conducteur du récit. Krystyna, voyant à la fin son époux apeuré par la disparition de l’étudiant, lui lance au visage : « Tu trembles, tu as peur. Le voilà l’homme le vrai ! Cabotin ! » Le rideau tombe, le masque est jeté, à l’image de la voile que le couple fait descendre alors qu’ils repartent. Derrière l’homme viril attendant sa femme sur le quai, à la fin, on découvre une minute plus tard le même homme se réfugiant à l’intérieur du voilier, en coulisses, tremblant de froid.

Un « couteau dans l’eau » est peut-être autant une puissante métaphore sexuelle qu’une mise à mal même de la sexualité et du phallus « qui tombe à l’eau » (comme le week-end tombera à l’eau dans le film). Le mari semble ainsi se rouiller. Le film se termine en fait sur une réponse. Le mari racontera la fin de son histoire à propos d’un ami : « Il était trop sûr de lui, il ne s’était pas rendu compte qu’il s’était ramolli. » Ce sont les tous derniers mots du film, résolument anti-narcissique, lucide et en définitive terre à terre.

Alors que le couple, à la fin, reprend sans un mot sa routine quotidienne, elle a remis ses lunettes, il referme la cabine de son bateau et verrouille, et tous deux reprennent leur sac , le sentiment de responsabilité rattrape Andrzej, il doit revenir sur terre au sens propre comme au sens figuré. La voile de son voilier tombe comme un rideau après une représentation, il ne s’agit plus de jouer la comédie désormais.

Distribution

  • Leon Niemczyk : Andrzej
  • Jolanta Umecka : Krystyna
  • Zygmunt Malanowicz : L'auto-stoppeur

Fiche technique

  • Réalisation : Roman Polanski
  • Titre original :Nóz w wodzie
  • Scénario : Kuba Goldberg, Jerzy Skolimowski et Roman Polanski
  • Photographie : Jerzy Lipman
  • Montage : Halina Prugar
  • Musique originale : Krzysztof Komeda
  • Format : Noir et blanc - Mono
  • Durée : 94 minutes
  • Date de sortie: 9 mars 1962 (Pologne)

Prix de la critique à Venise en 1962

Reproduction possible des textes sans altération, ni usage commercial avec mention de l'origine. .88x31.png Credit auteur : Ann.Ledoux