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Le Plaisir est un film français de Max Ophüls? réalisé en 1951 et sorti en 1952. AnalyseCe film est l'adaptation de trois contes de Guy de Maupassant :
En 1951, Max Ophüls et Jacques Natanson réunissent dans un film trois nouvelles de Maupassant sur le thème du Plaisir (titre de l'ensemble). L'éternel malentendu que suscite l'oeuvre de l'écrivain est résumé dans ce titre ambigu, car ce n'est évidemment pas une célébration de la jouissance que nous propose le pessimiste Max Ophüls. Chaque histoire se développe autour d'un plaisir pulsionnel sinon contrarié, du moins inquiété par des idées apparemment fragiles, auxquelles il se trouve confronté. Ici, seul est présent le plaisir en tant que satisfaction des désirs et des besoins, c'est-à-dire le plaisir essentiellement sensuel, charnel, érotique, sexuel. Ainsi vont se décliner sous nos yeux les différentes forces qui peuvent entraver cet appel à la volupté : l'amour et le temps avec "le Masque", la pureté et la foi avec "la Maison Tellier", la mort et le remords avec "Le Modèle". Ce plaisir est avant tout masculin, et les contrepoids en sont féminins. Dès les premières minutes, après l'ouverture (écran noir et voix off qui se présente comme étant celle de Maupassant lui-même), la virtuosité dans le plan-séquence se marie à l'art de la transition. La première séquence est mythique. Plan-séquences vertigineux d'habileté et de maîtrise, combinaisons de panoramiques et de travellings, la caméra valse au milieu des personnages sur une musique de quadrille. Partant des toits où le bal est annoncé en lettres lumineuses, la caméra glisse en descendant vers la droite jusqu'à la rue où se presse une foule convergeant, au son de l'orchestre, vers cet épicentre tonitruant, un vendeur de billets s'approche de l'objectif, propose des places à deux couples s'avançant, vus de dos, et dont la caméra emboîte le pas, avant de les laisser s'échapper du cadre, poursuivant sa trajectoire sur la droite pour retrouver le vendeur surgissant derrière eux et accourant au devant d'un fiacre, d'où descendent deux amoureux qui se dirigent vers l'établissement, unique source de lumière pour ces instinctifs papillons de la nuit. On court, on se bouscule au portillon, on rie, on s'amuse, c'est la fête. Le regard trouve son chemin dans un mouvement irrésistible, ressemblant à "l'eau dans une vanne d'écluse", retranscription éblouissante de cette ondulation naturelle du regard distrait, qui attrape un sujet en passant, sans jamais s'éterniser, dans une totale fluidité qui nous conduit jusqu'à la porte du Palais de la Danse. D'emblée est évoquée la recherche du "gros" plaisir, qualifié de "tapageur, un peu crapuleux, frotté de débauche" : la voix d'outre-tombe poursuit le commentaire, et plusieurs plans nous montrent l'incroyable diversité des habitués de ces bals musette, aujourd'hui nous dirions le formidable brassage socioculturel de ces réunions, où les extrêmes se rencontrent, et, où l'on peut voir, admirons l'art de la métonymie, "depuis le coton vulgaire jusqu'à la plus fine batiste". On y voit une foule animale avec cette "quête de chair fraîche", les "habits noirs" qui rôdent, et qui semblent "flairer" La passion des hommes pour les femmes, pour Ophüls, n'est soutenue que par le désir, qui, une fois accompli, s'anéantit dans la vacuité et l'inconstance des sentiments, dévoilant l'égoïsme des êtres enflammés par les sens. Ce mécanisme était l'un des rouages qui faisait tourner la Ronde (1950), la satisfaction du plaisir de la chair en tant que synonyme de mort du désir et, par voie de conséquence, mort de l'amour aussi. Le plaisir, au moins dans les deux premières histoires du film, est circonscrit à un endroit précis, lieu irradiant où convergent les prétendants à la jouissance. L'on y accourt, l'on s'y hâte, l'on s'y heurte ; le moindre obstacle est vécu dramatiquement : les portes du bal sont prises d'assaut, l'on se bouscule pour entrer, la tension est palpable. La cristallisation de ce plaisir dans un espace géographiquement délimité, qui concentre en lui toutes les promesses de satisfaction des désirs, transforme la zone en un véritable aimant de bruits et de lumières, où vient s'écraser une humanité en quête, et dont la seule approche procure une exaltation fiévreuse, une exultation abstraite faite essentiellement d'espoirs de plaisirs, désormais confondus avec le bonheur. Opinion de Jean-Luc Godard : « Le plaisir est le plus ophulsien des films de Max Ophuls ... c’est le romantisme allemand dans une porcelaine de Limoges. Et c’est aussi l’impressionnisme français dans un miroir de Vienne ». C’est en même temps le sommet de la mobilité féerique de la caméra chez Max Ophuls.
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