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One + One / Sympathy for the devil, film français de Jean-Luc Godard, sorti en 1968.

Analyse

Jean-Luc Godard filme des scènes de contestations politiques avec des membres des Black Panthers, montées en parallèle avec des séances d'enregistrement des Rolling Stones. Il suit en particulier la création de la chanson Sympathy for the devil, en alternance avec des scènes de révolution à l'extérieur du studio. En dépassant les limites du genre par un montage original, Godard restitue les réalités de la composition de la musique rock et permet ainsi d'approcher la musique au travail, en pleine création. La veine militante est aussi un des fils conducteurs de ce film-puzzle, montrant les liens entre création artistique et utopie sociale.

Il existe deux versions de ce film, en raison d'un désaccord entre le cinéaste et les producteurs (conflit qui donna lieu à des incidents durant les premières projections de One + one à Londres en novembre 1968). Dans la version originale, on n'entend jamais la chanson Sympathy for the devil dans son intégralité. Les producteurs ont décidé de concevoir une deuxième version, intitulée Sympathy for the devil dans laquelle on entend la chanson en entier pendant le générique de fin.

Il existe un point commun entre : les Rolling stones travaillant en studio à l'enregistrement de Sympathy for the devil ; la lutte des Black panthers pour l'émancipation du peuple noir ; le personnage d'Eve Democracy engagé dans la lutte révolutionnaire armée ; et la critique des structures patriarcales du pouvoir en tant que, centrées sur la figure du chef, elles entraînent la pornographie des rapports sociaux. Ce point commun c'est One+one. Le film ne cherche pas cependant à organiser la communauté des différents éléments qu'il rassemble. A l'image du titre, One+one développe une addition sans résultat. Il juxtapose des éléments sans les condenser en une solution à quoi serait égale leur réunion. Chacun reste cantonné à sa propre série, à son lieu, à l'accomplissement de sa propre séquence narrative.

Dans le studio où ils répètent, les Rolling Stones sont filmés plusieurs jours et nuits de suite. D'une séquence à l'autre nous observons le changement des vêtements, des humeurs, des postures, des instruments choisis par les musiciens et nous entendons la chanson se transformer. Une continuité forte est installée par le travail collectif, par le lieu clos où il se déroule et par l'enregistrement cinématographique qui rejette toujours la coupure aux limites de la séquence. La caméra balaie l'espace en de longs panoramiques qui s'immobilisent parfois, suivent l'échange des regards, reviennent sur leurs pas, changent de focale ou se métamorphosent en travellings, mais elle ne cligne jamais sous nos yeux. Si la caméra s'arrête, c'est par-devers elle, hors champ. Pour préserver l'intensité que donne au regard la continuité du plan, intensité grâce à laquelle il est en phase avec le son et l'apparition progressive de la chanson, chaque interruption forme une rupture franche qui entraîne un changement complet de décor, d'action et de personnages.

La coupure semble se définir dans le film en opposition avec l'idée de raccord et elle provoque toujours, par rapport au plan qu'elle interrompt, une rupture complète. Ainsi, quand nous revenons au studio d'enregistrement après avoir rencontré dans une casse de voitures un groupe d'activistes noirs occupés à articuler la théorie et la pratique révolutionnaire, ou après avoir découvert et suivi le personnage d'Eve Democracy, la coupure a eu lieu dans le cours de la répétition, pendant un temps indéterminé. Mais s'étant déroulée hors champ, elle intervient sans affecter la continuité du regard attaché aux musiciens. Ce principe préserve l'intégrité temporelle de l'action qui n'est pas recomposée au montage, articulée par le cinéma et pour la fiction, mais prélevée directement et définitivement sur sa performance, au moment du tournage, par les acteurs ou les musiciens au travail. Ce principe induit aussi l'alternance régulière des différentes scènes qui évoluent parallèlement et ne communiquent pas entre elles dans le film.

La communauté est effective : les plans collés bout à bout composent le film ; de même, la ville de Londres forme un méta cadre qui raccorde les différents lieux du tournage. Cependant la logique organisant cette communauté est paradoxale car elle avance vers sa propre négation. Jean-Luc Godard effectue une opération dont le résultat n'importe pas. Le travail, la résistance ou la tension « + » entre les choses apparaissent mais pas l'égalité réalisée à quoi elle doit aboutir. Cette interruption de la logique avant qu'elle soit arrivée à son terme, non seulement suspend la tension à l'infini de la fiction, mais encore elle livre le geste de l'accomplissement au dehors de la représentation, au spectateur et au réel auquel il appartient. En effet, si le résultat n'est pas donné, il est simple, du domaine de l'évidence et comme déjà contenu dans l'énoncé. Son utopie, l'égalité, paraît toute proche, à portée de main, ou sur le bout de la langue de celui qui répète les termes de l'opération : « one+one makes two ».

Après quelques expériences de travail collectif - Loin du Vietnam en 1967 et la série des Cinétracts en juin 1968 -, One+one est, le premier film où Jean-Luc Godard met en pratique son intention de « faire politiquement des films politiques ». Sortant à ce moment de l'enfermement ou il se trouvait au sein de l'institution et de l'industrie cinématographique, il revient sur cette expérience de l'enfermement dans des codes, des scènes, des classes sociales, en postulant que l'identification ou la figuration de la répétition obsessionnelle mène à son dépassement révolutionnaire.

Distribution

  • Mick Jagger : lui-même
  • Keith Richards : lui-même
  • Brian Jones : lui-même
  • Bill Wyman : lui-même
  • Charlie Watts : lui-même
  • Marianne Faithfull : elle-même
  • Anita Pallenberg : elle-même
  • Anne Wiazemsky : Eve Democracy
  • Iain Quarrier : fascite vendeur de livres porno
  • Sean Lynch : voix du narrateur
  • Clifton Jones : Black power militant
  • Danny Daniels : Black power militant
  • Frankie Dymon : Black power militant

Fiche technique

  • Titre : One + One (version Godard)
  • Autre titre : Sympathy for the devil (version producteur)
  • Réalisation : Jean-Luc Godard
  • Scénario : Jean-Luc Godard
  • Photographie : Colin Corby, Anthony B. Richmond
  • Montage : Agnès Guillemot , Ken Rowles, Kenneth F. Rowles
  • Pays d'origine : France
  • Format : Noir et blanc - Mono - 35 mm
  • Durée : 96 minutes pour One + One;

104 minutes pour Sympathy for the devil

  • Date de sortie : 30 novembre 1968 (Londres); 7 mai 1969 (France)
Reproduction possible des textes sans altération, ni usage commercial avec mention de l'origine. .88x31.png Credit auteur : Ann.Ledoux