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Ordet ( la Parole) est une pièce de théâtre de Kaj Munk, écrite en 1925 et film de Carl Theodor Dreyer, sorti en 1955

Kaj Munk , l'auteur

Personnage insolite et complexe, célébré comme un des plus grands poètes du Danemark, il a vécu un destin singulier. De 1924 jusqu’à sa mort vingt ans plus tard, à l’âge de 45 ans, il exerce son ministère de pasteur dans la même petite paroisse rurale de la côte ouest du Jutland, Vedersö. Mais parallèlement il écrit des pièces de théâtre qui sont jouées non seulement au Théâtre Royal de Copenhague, mais aussi sur toutes les grandes scènes scandinaves. Il se fait également remarquer par des articles de journaux, des recueils de poésie, des conférences à la radio, des scénarios de films. Ce pasteur si peu clérical scandalise par sa liberté de parole et d’écrits. Il détonne, défie les normes.

Au cours des années 30, il se fait le défenseur des dictatures, chante les louanges de Mussolini puis d’Hitler. Toutefois vers la fin de la même décennie, lorsque Munk est le témoin des persécutions nazies contre les Juifs, son sens évangélique l’amène à tempérer ses enthousiasmes. Après avril 40, durant les années d’occupation du Danemark par les troupes allemandes, il prend de plus en plus résolument parti. Par ses prêches, à Vedersö et ailleurs, il est le pionnier de la Résistance spirituelle. Tant et si bien qu’un soir de janvier 1944, il est arrêté sur l’ordre de la Gestapo. Quelques heures plus tard Kaj Munk est exécuté, et abandonné dans un fossé, la figure fracassée par des balles de revolver.

Il écrit sa première pièce à 19 ans. Il en écrira une trentaine d’autres. Il aborde la guerre d’Abyssinie, la montée des dictatures, l’antisémitisme nazi. Il réussit à créer des oeuvres qui abordent les conflits sociaux, éthiques, religieux, mais dans une forme qui n’est jamais didactique et qui a renouvelé l’art dramatique scandinave.

Ordet, la pièce

La mort a accompagné très tôt Kaj Munk… Il est âgé d’un an quand son père meurt subitement. Sa mère meurt à son tour quand il a 5 ans. Toute sa vie, il tentera d’exorciser la mort en se confrontant à elle. Dans ses mémoires, il rapporte un événement qui préfigure le drame qui se joue dans Ordet : il était enfant lorsqu’un jeune maçon qu’il connaissait bien, marié et père d’une petite fille, tombe gravement malade. Munk recourt à la prière, implore la guérison de son ami. Peu de temps après le jeune homme meurt. On le dépose dans le cercueil et il est conduit au cimetière. Le petit Kaj, resté à la maison, ne s’en fait pas. Il est inconcevable que Dieu n’exauce pas sa prière. Peder n’est pas mort pour de vrai, il va se réveiller et sortir de la tombe. Quand, l’enterrement terminé, son père adoptif rentre à la ferme, l’enfant pose des questions : ne s’est-il rien passé ’extraordinaire ? Peder est-il resté dans son cercueil ? Et le père de rire…

Munk, 35 ans plus tard, écrit :

  • « Avec amertume j’ai pu me dire à moi-même : en tant que poète tu insuffles la vie aux morts grâce à la foi, mais comme pasteur tu ne peux même pas accorder la mort à celui qui souffre… Ni les ressusciter. Pour ne pas se laisser totalement submerger par ce sentiment d’impuissance, Ordet rattrape cette douleur… »

Ordet, film danois réalisé par Carl Theodor Dreyer et sorti en 1955.

Dans le Jutland occidental, vers 1930. Le vieux Morten Borgen dirige la grande ferme de Borgensgaard. Son fils aîné Mikkel a épousé Inger, dont il a deux petites filles. Son second, Johannes, ancien étudiant en théologie, s'identifie à Jésus-Christ. On le croit fou. Anders, le troisième est amoureux d'Anne Skraedder, la fille de Peter le tailleur, chef intransigeant d'une secte religieuse rivale.

La discorde survient entre les deux familles lorsqu'il est question du mariage qui doit unir Anders et Anne. Morten Borgen et son jeune fils se rendent chez Peter en espérant le convaincre. Ils essuient un nouveau refus. Inger met au monde un enfant mort-né et succombe à son accouchement difficile, malgré les soins du médecin et les prières de son beau-père.

Peu avant l'enterrement, Morten et Peter se réconcilient. Le tailleur accepte le mariage. Johannes, qui s'était enfui dans la campagne en invoquant Dieu, revient parmi les siens. Mettant à l'épreuve la confiance que lui témoigne sa jeune nièce, il prononce la "Parole" (traduction du mot "Ordet") qui ressuscite Inger.

Ce film contient la plus fameuse scène de miracle de l'histoire du cinéma :

  • Pas un seul d'entre vous n'a eu la pensée de demander à Dieu de vous rendre Inger." (...) Non c'est vous qui le blasphémez par votre tiédeur. (...)Pourquoi n'y a t-il parmi les croyants personne qui croie ? (...) Inger tu dois pourrir parce que les temps sont pourris.
  • L'enfant ce qu'il y a de plus grand au royaume des cieux ! Crois-tu que je saurais le faire ?
  • Oui mon oncle.
  • Ta foi est grande. Qu‘il soit fait comme tu le veux. Regarde ta mère. Quand je prononcerai le nom de Jésus, elle se lèvera.
Distribution
  • Hanne Agesen : Karen, une servante
  • Sylvia Echausen : Kirstin Petersen
  • Birgitte Federspiel : Inger
  • Ejner Federspiel : Peter Petersen
  • Emil Hass Christensen : Mikkel Borgen
  • Cay Kristiansen : Anders Borgen
  • Preben Lerdoff Rye : Johannes Borgen
  • Henrik Malberg : Morten Borgen
  • Gerda Nielsen : Anne Petersen
  • Ann Elisabeth Rud : Maren Borgen
  • Ove Rud : pasteur
  • Susanne Rud : Lilleinger Borgen
  • Henry Skjaer : le docteur
  • Edith Trane : Mette Maren
Fiche technique
  • Réalisation : Carl Theodor Dreyer
  • Scénario : Carl Theodor Dreyer d'après la pièce de Kaj Munk
  • Musique : Poul Schierbeck
  • Montage : Edith Schlüssel
  • Sortie : 10 janvier 1955 (Danemark)
  • Durée : 126 minutes
  • 1955 : Lion d'Or au Festival de Venise.
  • 1956 : Golden Globe du meilleur film étranger.

Reprise au théâtre du Rond-Point

  • traduction et adaptation Marie Darrieussecq, Arthur Nauzyciel en 2008 (Festival Avignon)
  • avec Pierre Baux, Xavier Gallais, Benoit Giros, Pascal Greggory, Frédéric Pierrot, Laure Roldan de Montaud, Marc Toupence, Christine Vézinet, Catherine Vuillez, Jean-Marie Winling et les chanteurs de l'Ensemble Organum Mathilde Daudy, Antoine Sicot et Marcel Pérès en alternance avec Frédéric Tavernier *Mise en scène Arthur Nauzyciel
  • septembre-octobre 2009

Mon ami, vous vous trompez, vous n’êtes pas Jésus. Vous êtes le fils de Mikkel Borgen de Borgensgaard. Un monde à la fois proche et lointain, moderne et ancien ; un monde en même temps terrien et profondément religieux quelque part au Nord de l’Europe. On y invoque le ciel pour toutes sortes de raisons plus ou moins métaphysiques, parfois même prosaïques. On s’y affronte sur des différends théologiques aux motifs terre-à-terre, qui renvoient à la lutte pour la domination. C’est un monde mêlé où différentes conceptions s’opposent farouchement. Le langage y joue un rôle puissant, comme si les mots devaient toujours être suivis d’effets.

Le metteur en scène Arthur Nauzyciel et la romancière Marie Darrieussecq ont remarquablement adapté en français cette pièce sur le pouvoir des mots où la question de la foi occupe une place centrale. Mais aussi plus largement la question de l’amour et de ce qui justifie une vie humaine.

Reproduction possible des textes sans altération, ni usage commercial avec mention de l'origine. .88x31.png Credit auteur : Ann.Ledoux