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Au travers des oliviers est un film iranien (co-produit par la France), réalisé, écrit, produit et monté par Abbas Kiarostami, sorti en 1994.

Analyse

Ce film est le dernier volet de ce que l'on appelle "la trilogie du tremblement de terre", précédé par Où est la maison de mon ami ? et Et la vie continue.

Le village de Koker, au nord de Téhéran, a été dévasté par un tremblement de terre. Un an après le séisme, une équipe de cinéma vient y tourner un film, Et la-vie continue et s'installe, parmi les oliviers. Kiarostami débute son film par un casting. Puis il montre le monde au travers d'un grand plan séquence dans la voiture. L'histoire du film commence avec le gros plan sur le visage de l'assistante.

Le réalisateur et son assistante recherchent les deux acteurs qui incarneront le couple héros du film. La jeune fille, Tahereh, est découverte parmi les élèves de l'école. un premier garçon est si impressionné par sa partenaire qu'il ne peut dire son texte. Un jeune maçon, Hossein, le remplace. or celui-ci est amoureux de Tahereh dont la main lui a été refusée sous prétexte qu'il est pauvre. À chaque interruption du tournage, Hossein reprend sa cour auprès de Tahereh qui feint l'indifférence. inlassablement, le garçon revient à la charge et, enfin, Tahereh lui laisse espérer une réponse favorable.

Le tournage est terminé, le matériel rangé dans le camion. Tahereh a pris son pot de fleurs puis est partie sans mot dire. Hossein la regarde, il ne sait que faire. Déjà, la fine silhouette blanche et mauve de la jeune fille a disparu. Le réalisateur qui a tout fait pour les rapprocher, presse le maçon de la suivre. Hossein court sur les traces de sa bien aimée.

Commence alors une longue séquence, près de douze minutes, qui, achevée, apparaitra comme une des plus émouvantes, des plus pures scènes d'amour jamais filmées au cinéma. Tahereh marche devant, filmée de profil, hiératique, muette. Hossein, derrière, lui parle sans fin, à coeur ouvert. Il abat ses dernières cartes, l'éloquence, la persuasion, la sincérité, l'amour. Mais rien n'y fait. La jeune fille gravit une colline, descend l'autre versant, entre sous le couvert d'un bouquet d'oliviers. La caméra, qui les suivait jusqu'alors en travelling, s'immobilise pour un plan fixe de trois minutes cadrant le petit bois, la plaine qui le borde et les deux silhouettes blanches qui s'amenuisent en traversant l'une derrière l'autre l'immensité où se joue leur destin. Les deux silhouettes se rejoignent enfin et, soudain, Hossein, courant à perdre haleine, revient sur ses pas tandis que retentissent, tel un hymne à la joie, les accents du Concerto pour hautbois et cordes de Cimarosa. Douze minutes de suspense, d'émotion, de cinéma pur, tel que ce film, qui ne montre que la vie et rien d'autre, en est gorgé.

Dans ce film les choses sont plus subtiles qu'il n'y parait . Ce plan furtif qui nous montre Kiarostami, sans insistance aucune, nous suggère le temps réel d'un autre film dont ce film-là, “Au travers des Oliviers”, se veut la reconstitution. Il s'agit réellement de plusieurs temps qui se rencontrent, s'interpénètrent. Et s'ils se croisent, c'est pour mieux nous renvoyer à leur point de mire, à ce qu'est la vie, où divers temps culminent.

Encore une fois, par-delà sa simplicité apparente, Kiarostami se pose en tant qu'énigme. Il distille le doute, brouille les pistes quand on croyait tenir que la réponse. Sa simplicité, une façon d'aller à la rencontre de la vie et de l'aborder, peut tromper. Pourtant au fur et à mesure qu'il pénètre dans la vie, ses multiples faces, ses méandres, et se met à la parcourir, ses films deviennent de plus en plus le reflet des contradictions que la vie meut et qui la meuvent. Dans son nouveau film, les choses semblent encore plus complexes. Le spectateur n'en finit pas de voir que les cartes sont redistribuées. Le jeu ne cesse pas.

Paradoxalement, à chaque changement de plan, on l'entend pour relancer, de nouveau, inlassablement, le jeu. Cela va de même dans la relation du garçon et de la fille. Hossein (le garçon) affirme qu'un regard de Tahereh (la fille) est capable de relancer le désir et l'espoir. Hossein lui demande le pourquoi de ce regard qui lui rend l'espoir tout au contraire de son comportement même et du refus obstiné de la grand-mère. C'est en vain qu'il essaie de se rassurer du jeu mené par la jeune fille et de le vérifier. Le silence du non-dit s'y ajoute. Elle ne parle pas, ne dit rien. Dans et par son silence – qui devient presque cruel – le jeu du désir ne peut jamais s'arrêter. A la fin, dans la scène finale du film, le spectateur est plongé, lui aussi, dans le silence des deux, dans le non-dit, mais surtout dans la réalité d'un monde de fabulation, dans l'univers des alternatives partagé entre l'espoir et le désespoir, entre la réalité et le rêve, entre la réalité et la fiction.

Ce film pourrait être cruel. Le rêve dont parle Kiarostami est éprouvé par la dure réalité. Avec ce film, le cinéaste revient sur ses pas, essaie d'étayer en description des moments d'un rêve : l'histoire du couple de “Et la vie continue !” marié quelques jours après le séisme. L'union qui n'avait jamais eu lieu et dont le film avait rêvé comme un remède pour les douleurs vécues.“Au travers des Oliviers” défait ce rêve, démontre son instance de fiction : c'est une scène inventée, répétée, filmée comme tant d'autres plans dans n'importe quel autre film de fiction. Sachant toutefois que cette réalité est elle-même inventée de toutes pièces, on peut vraiment parler de mise en abyme.

Mais le cinéaste en profite pour aller à l'essentiel des sentiments humains : l'amour, la perte, l'amertume et la cruauté, traités toujours avec beaucoup de retenue. La cruauté est dépeinte dans l'entêtement de la fille qui, emmurée dans son silence, se retire du monde et de l'amour du garçon. Son attitude laisse dans l'esprit l'amertume d'une relation qui ne passe pas et qui, avortée et non pas entamée, ronge la chair.

Distribution

  • Mohamad Ali Keshavarz : Le réalisateur
  • Farhad Kheradmand : Farhad
  • Zarifeh Shiva : Mme Shiva
  • Hossein Rezai : Hossein
  • Tahereh Ladanian : Tahereh
  • Hocine Redai : Hocine
  • Zahra Nourouzi : la fille de Kouly
  • Nasret Betri : Achiz
  • Azim Aziz Nia : Azim
  • Astadouli Babani : un professeur
  • Khodabakhsh Defai : un professeur
  • Ahmad Ahmad Pur : lui-même
  • Babak Ahmad Pur : lui-même

Fiche technique

  • Titre original en persan : زیر درختان زیتون , Zir-e derakhtān zeytoun
  • Réalisation : Abbas Kiarostami
  • Production : Abbas Kiarostami
  • Scénario : Abbas Kiarostami
  • Photographie : Hossein Djafarian
  • Montage : Abbas Kiarostami
  • Durée : 103 minutes
  • Dates de sortie : mai 1994 (Cannes) ;15 septembre 1994 (Canada); 25 janvier 1995 (France)
  • En compétition officielle au Festival de Cannes
  • Grand prix des festivals de Bergame, Sao Paulo et Valladolid
Reproduction possible des textes sans altération, ni usage commercial avec mention de l'origine. .88x31.png Credit auteur : Ann.Ledoux